Clinic n° 04 du 01/04/2019

 

Juridique

Audrey UZEL  

Avocat au barreau de Paris

L'obligation de formation continue impose au praticien d'évoluer quotidiennement dans sa pratique afin de tenir compte des évolutions des techniques disponibles. S'il est seul maître de son diagnostic et de sa thérapeutique, il doit toutefois tenir compte des règles de bonnes pratiques éditées par les sociétés savantes. S'il ne les respecte pas, sa responsabilité peut-elle être engagée ?

Rappel : le principe de l'engagement de la responsabilité reste, sauf...


L'obligation de formation continue impose au praticien d'évoluer quotidiennement dans sa pratique afin de tenir compte des évolutions des techniques disponibles. S'il est seul maître de son diagnostic et de sa thérapeutique, il doit toutefois tenir compte des règles de bonnes pratiques éditées par les sociétés savantes. S'il ne les respecte pas, sa responsabilité peut-elle être engagée ?

Rappel : le principe de l'engagement de la responsabilité reste, sauf exception (responsabilité sans faute), la faute, et cela suppose, de nouveau sauf exception (présomption), sa démonstration. Or, démontrer l'existence d'une faute qui aurait été commise à l'occasion de la réalisation d'une prise en charge médicale suppose évidemment la connaissance des conditions techniques de la réalisation de l'acte. Mais quelles sont les « sources » qui peuvent conduire à voir retenue la responsabilité médicale ? Distinguons les sources.

Données acquises de la science : il s'agit des sources provenant de la communauté médicale dans sa spécialité. L'article L. 1110-5 du CSP envisageant les « soins » qu'est en droit d'attendre chaque patient précise : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir sur l'ensemble du territoire les traitements et les soins les plus appropriés, et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de traitement et de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté ». Ces données acquises de la science, connaissances médicales avérées, sont composées d'un ensemble d'informations scientifiques à caractère médical, considérées à une époque précise comme constituant des références pour la pratique médicale, mais doivent reposer sur un consensus de la communauté médicale et, par nature même, sont amenées à évoluer. Par conséquent, juridiquement, il ne peut s'agir de normes. Toutefois, le juge pourra s'y référer pour apprécier la conformité de la prise en charge aux « règles de l'art ».

Connaissances médicales avérées : depuis sa création, la Haute Autorité de santé (HAS) recueille des recommandations en termes de pratiques professionnelles, voire organisationnelles. Elles peuvent également constituer des sources de responsabilité mais nécessairement en lien avec la pratique de l'art. Les juges n'hésitent pas à se référer à ces données pour apprécier la qualité de la prise en charge. Il s'agit du premier maillon auquel va se référer un juge, du fait notamment de l'accessibilité et de la publicité des protocoles ainsi réalisés. Elles permettent au juge de bénéficier d'une première approche, d'un cadre général dans lequel doit s'inscrire la pratique médicale. Puis, dans un second temps, les données acquises de la science viennent éclairer la pratique, du point de vue du praticien.

Références médicales opposables : elles ont un intérêt très ciblé « économique ». De ce fait, elles ne peuvent avoir le même poids lors de l'examen d'un dossier de responsabilité civile médicale (RCM) : c'est à la lumière de l'ensemble des recommandations que les RMO peuvent alors être examinées, même si une forte convergence s'impose entre leur contenu et les données acquises de la science ou recommandations des sociétés savantes.

À RETENIR 

Le praticien ne doit jamais cesser d'apprendre car le juge recherchera in concreto si les conditions de réalisation de son acte, le choix de la technique et de l'environnement étaient bien conformes aux dernières publications actualisées dans sa spécialité.