Clinic n° 04 du

 

What's up en endo ?

Sarah ATTAL STYM-POPPER  

Ancienne AHU en odontologie conservatrice et endodontieDirectrice d'EndoSophie, concept de transmission du savoir en endodontieParis

Le jeu du What's up d'EndoSophie est de mettre en lumière la réflexion clinique du praticien pendant tout le déroulé d'un cas clinique.
Le but est d'apprendre à jouer avec les données historiques, cliniques et radiographiques que présente le patient.

Un cas, un diagnostic, une décision thérapeutique adaptée.

La phytothérapie est une branche de la médecine allopathique conventionnelle. La thérapeutique par les plantes au travers de leurs principes actifs peut...


Le jeu du What's up d'EndoSophie est de mettre en lumière la réflexion clinique du praticien pendant tout le déroulé d'un cas clinique.
Le but est d'apprendre à jouer avec les données historiques, cliniques et radiographiques que présente le patient.

Un cas, un diagnostic, une décision thérapeutique adaptée.

La phytothérapie est une branche de la médecine allopathique conventionnelle. La thérapeutique par les plantes au travers de leurs principes actifs peut accompagner et renforcer notre médication habituelle.

La santé du patient a tout à y gagner. Le but de cette rubrique est de proposer des prescriptions faciles aux chirurgiens-dentistes

Ce que rapporte le patient. La patiente consulte pour des douleurs qui durent depuis 2 ans dans le secteur 1. Elle a du mal à bien localiser les douleurs ; parfois, elles lui semblent venir de la zone prémolaire et, parfois, c'est la zone molaire qui semble concernée. Elle vient de consulter l'ORL qui demande un examen dentaire approfondi et un diagnostic. Il attend les résultats de la consultation pour envisager de faire de plus amples examens.

← Ce que déduit le praticien. C'est l'historique du cas qui devrait apporter un maximum d'informations. Bien souvent, les patients sont fixés sur le temps présent. Ils amènent un symptôme, ils veulent en être débarrassés. Il va falloir résister à l'examen clinique et bien questionner le patient car il est rare que la douleur provienne de plusieurs dents à la fois [1]. De plus, elle dure depuis 2 ans : il y a donc un tableau de douleurs chroniques et ce sont les plus difficiles à diagnostiquer, les plus difficiles également à lever.

Historique et pré-orientation thérapeutique

Ce que rapporte le patient. La patiente est assise au fauteuil. Elle a du mal à indiquer la dent concernée. La douleur est intermittente. Dans le temps, elle s'accroît au point de ne plus pouvoir mâcher dans cette zone. Elle ne ressent aucune douleur au froid, aucune douleur au chaud. Bien qu'il lui soit difficile de localiser la dent, la douleur n'est pas irradiante, elle reste localisée au secteur.

← Ce que déduit le praticien. Le praticien est assis à la même hauteur que la patiente, il est en face d'elle, sur le côté. Ce temps accordé par le praticien au patient est très précieux. C'est un temps consacré à l'écoute. Il n'y a pas d'ordinateur, pas de téléphone, le praticien n'a même pas de quoi noter, il écoute et regarde la patiente. Ceci crée le lien entre patient et praticien. C'est précisément à ce moment que la confiance s'installe. Le fait d'être au fauteuil ramène la conversation à un sujet strictement limité au cadre de la consultation (ici, la douleur) et à la nécessité de faire un diagnostic sur un terrain qui est en suspens depuis 2 ans.

Dans ce cas de symptomatologies longue durée, il convient de s'interroger sur de possibles douleurs neuropathiques, d'orienter les questions sans trop ouvrir le sujet.

Ensuite, il faut faire préciser la douleur, remonter dans le temps : dure-t-elle seulement depuis 2 ans, y-a-t-il d'autres souvenirs de douleurs dans cette zone ?

Ce que rapporte le patient. En fait, il y a 2 ans, un traitement de chirurgie endodontique a été entrepris sur la 17. Ceci pour résoudre un problème infectieux. Le traitement avait été repris 2 fois, mais la lésion persistait. Pour autant, il n'y avait pas particulièrement de symptomatologie mais la persistance de la lésion a fait indiquer la chirurgie apicale.

← Ce que déduit le praticien. Il y a donc eu pas moins de 3 interventions sur la même dent. Le pronostic de la dent est assez faible. Trois interventions successives ont pu générer des fêlures, ce qui irait assez bien avec un tableau de douleurs intermittentes qui s'intensifient dans le temps [2]. L'indication d'une nouvelle intervention, sur la base d'un diagnostic apical, semble être à éviter parce que, d'une part, la douleur dure depuis trop longtemps pour que l'on puisse encore tester cette dent et, d'autre part, il y a peu de chances pour qu'une quatrième intervention évolue vers un pronostic plus favorable.

Ce que rapporte le patient. De plus, à la même période, la 16 a été couronnée vivante et la 15 dépulpée et couronnée. La patiente s'en souvient car il s'agit de conséquences probables d'un trauma survenu en 2014 (encore 2 ans plus tôt). À cette période, elle a fait une chute dans les escaliers et a dévalé un étage. Elle est tombée sur le côté controlatéral. Le choc a été très violent avec perte de connaissance.

L'examen clinique très simple ne montre aucun sondage, la 15 est nettement sensible à la percussion sur la cuspide guide. La 16 ne répond pas aux tests. La 17 est sensible à la palpation dans le fond du vestibule. La 17 n'est pas restaurée, elle est en sous-occlusion. La patiente ne veut pas la couronner, toute restauration re-déclenchant les douleurs post-traumatisme.

← Ce que déduit le praticien. L'interrogatoire a été long avant que la patiente aborde l'exacte origine du problème. Et il remonte à plus de 4 ans. Ce choc a forcément provoqué des fêlures. Ce sont les cuspides guides qui ont dû amortir le choc et il y a de fortes chances pour que le secteur tout entier en ait subi les conséquences, c'est-à-dire soit porteur de fêlures [3]. Fêlures sur fonction de groupe en non travaillant, d'où les douleurs variables et localisées à différents endroits de ce secteur.

La boucle est presque bouclée, ce sont des fêlures qu'il faut chercher. L'examen clinique fait porter l'attention sur la 15 en terme de diagnostic de fêlure. La 17 pose relativement peu de problème dans la mesure où la patiente refuse de la couronner, où elle n'est absolument pas fonctionnelle et où, d'emblée, le pronostic mécanique de cette dent est délétère : c'est une indication d'extraction [4, 5].

Choix thérapeutique et conclusion

Au terme de ce jeu de piste, il va falloir faire un choix. Le premier élément à prendre en considération est la douleur de la patiente, douleur qui dure depuis 2 ans. C'est une indication de traitement de la douleur. Pour la traiter, le plus raisonnable est d'abord de demander à l'ORL d'évaluer la bilatéralité de la sinusite et de la traiter. Ensuite et concomitamment, l'extraction de la 17 est indiquée. Elle n'est plus fonctionnelle et ne le sera plus. La corticale vestibulaire est atteinte et irréparable, le nombre d'interventions et le pronostic délétère de la dent indiquent l'extraction.

Après résolution de la sinusite (qu'il faudra contrôler), il convient de reprendre le diagnostic et d'évaluer la 15. Ici, le choix a été fait de prévenir d'emblée la patiente de la possibilité de l'extraction de la 15 si la symptomatologie durait. Là aussi, l'historique de trauma combiné à l'ampleur de la restauration prothétique et à l'absence de lésion apicale conduit à ce choix. La patiente ressort de la consultation avec une décision, une action à planifier et une surveillance à instaurer pour la suite des opérations. Elle a déjà devant elle le tableau éventuel de la suite. Le cadre est ainsi posé, il permet d'agir sans douter. Le doute a fait trop attendre et a créé un climat anxiogène pour tout le monde.

Bibliographie

  • [1] Crump MC. Differential diagnosis in endodontic failure. Dent Clin North Am 1979;23:617-635.
  • [2] PradeepKumar AR, Shemesh H, Jothilatha S, Vijayabharathi R, Jayalakshmi S, Kishen A. Diagnosis of vertical root fractures in restored endodontically treated teeth: a time-dependent retrospective cohort study. J Endod 2016;42:1175-1180. 
  • [3] Tamse A. Vertical root fractures in endodontically treated teeth: diagnostic signs and clinical management. Endod Topics 2006;13:84-94.
  • [4] Leuebke RG, Glick DH, Ingle JI. Indications and contraindications for endodontic surgery. Oral Surg Oral Med Oral Pathol 1964;18:97-113.
  • [5] Kim E, Song JS, Jung IY, Lee SJ, Kim S. Prospective clinical study evaluating endodontic microsurgery outcomes for cases with lesions of endodontic origin compared with cases with lesions of combined periodontal-endodontic origin. J Endod 2008;34:546-551.
  • [6] Cotton TP, Geisler TM, Holden DT, Schwartz SA, Schindler WG. Endodontic applications of cone-beam volumetric tomography. The potential applications of cone beam computed tomography in the management of endodontic problems . J Endod 2007;33:1121-1132.
  • [7] Lustig JP, Tamse A, Fuss Z. Pattern of bone resorption in vertically fractured, endodontically treated teeth. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Radiol Endod 2000;90:224-227.
  • [8] Patel S. The detection of periapical pathoses using digital periapical radiography and cone beam computed tomography in endodontically retreated teeth: part 2. A 1 year post-treatment follow-up. Int Endod J 2015;40:818-830. 

Diagnostic radiologique

1 La radiographie en 2 dimensions montre un niveau osseux correct. La restauration sur la 17 est imposante, l'inlay-core est volumineux et il semble peu étanche. Cela va dans le sens d'une indication d'extraction.
La 16 ne présente pas de lésion apicale visible. La proximité du sinus rend la lecture peu fiable.
Le traitement endodontique de la 15 est correct. La restauration prothétique est adaptée. Il est difficile de proposer une reprise du traitement global de cette dent, surtout sur un tableau éventuel de fêlure.
2 et 3 Un cone beam a été réalisé juste après l'examen radiographique en 2 dimensions. Il est à visée diagnostique. L'indication est posée pour dépister une éventuelle lésion apicale sur 17, 16 ou 15 puis pour analyser la structure osseuse tout autour des racines. C'est la fin du jeu de piste, le dernier examen qui va aider à la planification thérapeutique [6].
Concernant la 15, l'inlay-core est volumineux. Sa dépose pourrait engendrer plus de fêlure qu'il n'y en a déjà. Il n'y a pas de lésion apicale.
Concernant la 16, pas de lésion apicale visible. La corrélation entre l'absence de signe clinique et l'absence d'image radiographique indique l'abstention thérapeutique.
Concernant la 17, la corticale vestibulaire est absente à mi-hauteur de racine. On observe du matériau d'obturation canalaire au-delà du foramen. Mais, surtout, on observe une sinusite maxillaire droite. La patiente n'a aucun symptôme. Il est impossible de dire sur petit champ si la sinusite est bilatérale [7, 8].