Clinic n° 03 du 01/03/2019

 

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Depuis 2015, Bernard Saricassapian, odontologiste à l'hôpital de Guéret (Creuse), consacre une journée par semaine à effectuer sur écran le bilan bucco-dentaire de patients résidents dans des Ehpad du département de la Creuse pour les orienter chez un praticien libéral ou à l'hôpital.

Deux praticiens hospitaliers du CH de Guéret, Alain Queyrou, chirurgien ORL, et Bernard Saricassapian, chirurgien-dentiste, font en 2013 le constat d'un besoin criant en soins des 2 800 résidents des 34 Ehpad de La Creuse. Ce département compte moitié moins de chirurgiens-dentistes par habitant que la moyenne nationale. Près de 45 % des résidents présentent des troubles cognitifs modérés à sévères. Pour éviter le déplacement souvent coûteux et anxiogène de ces personnes vers un plateau technique, le médecin et le chirurgien-dentiste entreprennent de confier à une professionnelle de santé ayant une compétence en gériatrie un endoscope pour filmer la cavité buccale des patients. Elle est aussi chargée de collecter tous les éléments médicaux de la personne. Bernard Saricassapian récupère les données et effectue le diagnostic sur son écran à l'hôpital.

Les deux praticiens lancent une étude financée par différents organismes dont l'ARS et la Mgen, ciblant 250 patients dans 4 Ehpad de la Creuse et 3 en Allemagne, qui leur permet de valider cette démarche.

Dix Ehpad

Après cette phase expérimentale, les deux professionnels appliquent la méthode dans 10 Ehpad du département et un établissement de personnes à handicap léger. Les patients sont les personnes qui entrent en Ehpad et les personnes qui expriment une doléance particulière sur le plan bucco-dentaire.

« Je suis seul pour le moment à effectuer un ``télédiagnostic'' à l'issue duquel je propose un parcours personnalisé de soins qui est accepté ou refusé par la personne ou les ayants droit. Je réalise ce diagnostic en différé. Entre la prise vidéo et l'analyse, il s'écoule entre une semaine et 10 jours. » La démarche est rodée. Le professionnel médical de l'établissement, le médecin traitant, le coordinateur ou encore le chirurgien-dentiste qui a besoin d'un avis sollicite l'infirmière du réseau de soins spécifique créé pour ce projet : Tel-e-Dent. Celle-ci groupe des rendez-vous et se déplace. Elle réalise 4 à 5 examens par demi-journée. De son côté, Bernard Saricassapian consacre une journée à étudier chaque cas sur écran, à raison de 5 à 6 par heure.

L'endoscope est un outil qui semble bien adapté à la gériatrie. « C'est un matériel non invasif qui permet de détecter les abcès, les ulcérations de la muqueuse, les dents délabrées, l'état des prothèses », explique Bernard Saricassapian.

Alain Queyrou coordonne l'ensemble du dispositif. C'est lui qui se met en rapport avec le médecin gériatre si nécessaire et avec les directeurs d'établissement. Il est clair que l'organisation actuelle, avec une seule infirmière, ne permet pas de développer plus le réseau Tel-e-Dent.

Financer

Aujourd'hui, l'ARS finance le dispositif. Mais ce financement est remis en question tous les ans. Bernard Saricassapian se rendra à Paris, au siège de la CNAM, au début du mois de mars avec quelques autres pionniers de la télémédecine bucco-dentaire.

Ce praticien hospitalier formulera trois demandes au directeur de la CNAM : que l'Assurance maladie prenne en considération l'état dentaire des patients en Ehpad, que la consultation sur écran soit rémunérée et, enfin, qu'un bilan bucco-dentaire soit systématique pour les résidents qui entrent en Ehpad. « On a mis le pied à l'étrier pour la télémédecine, mais on a aussi ouvert la boite de Pandore. La télémédecine a mis en lumière les besoins énormes dans ces établissements », conclut le praticien.