Juridique
Avocat au barreau de Paris
Dans une décision rendue le 15 janvier, l'Autorité de la concurrence demande de modifier les dispositions du code de la santé publique qui interdisent aux chirurgiens-dentistes de faire de la publicité de manière « générale et absolue », cela afin de se mettre en conformité avec le droit européen.
Les faits : la société GROUPON, gestionnaire du site du même nom, proposait jusqu'en septembre 2017 différentes prestations à prix réduits effectuées par des...
Dans une décision rendue le 15 janvier, l'Autorité de la concurrence demande de modifier les dispositions du code de la santé publique qui interdisent aux chirurgiens-dentistes de faire de la publicité de manière « générale et absolue », cela afin de se mettre en conformité avec le droit européen.
Les faits : la société GROUPON, gestionnaire du site du même nom, proposait jusqu'en septembre 2017 différentes prestations à prix réduits effectuées par des médecins (soins médicaux à visée esthétique tels qu'injections de Botox ou d'acide hyaluronique pour le traitement des rides du visage ou soins non médicaux comme le traitement de la cellulite ou la chirurgie corrective au laser de la vision) et des chirurgiens-dentistes (offres de blanchiment et de poses d'implants dentaires). Le CNOM et le CNOCD ont entrepris différentes actions visant à dénoncer la manière dont les prestations sont commercialisées et présentées sur le site de GROUPON. Ce dernier estimait en revanche que les mesures entreprises par le CNOM et le CNOCD étaient constitutives d'un boycott et dénonçait « une campagne de communication et une stratégie de harcèlement » à l'égard des médecins et chirurgiens-dentistes ayant recours à son service (actions judiciaires et disciplinaires accompagnées d'une communication publique visant à dénoncer les agissements de GROUPON et des professionnels de santé recourant à ses services). La société GROUPON a donc porté plainte auprès de l'Autorité de la concurrence au motif que les pratiques des Ordres réduisaient la concurrence sur le marché de la promotion sur Internet d'actes médicaux et de soins dentaires et avaient dissuadé les professionnels de santé de recourir à ses services par crainte des sanctions disciplinaires.
La décision : dans sa décision, l'Autorité de la concurrence juge que les pratiques reprochées ne relèvent pas de sa compétence mais de celles du juge administratif. L'Autorité considère en effet que les interventions de l'Ordre relèvent de ses missions de service public dévolues par la loi, en particulier « le devoir de veiller au respect de la déontologie » et « la défense de l'honneur et de l'indépendance » de la profession. Pour autant, l'Autorité de la concurrence s'immisce dans le débat en estimant que « l'interdiction absolue de toute publicité directe ou indirecte n'est pas compatible avec le droit européen ». Elle en déduit que la révision du code de santé publique à brève échéance est nécessaire pour se conformer aux dispositions du droit européen tout en assurant « la pleine efficacité des principes déontologiques qui s'imposent aux médecins et chirurgiens-dentistes, dont notamment l'interdiction d'exercer la profession comme un commerce, l'indépendance, la dignité et la confraternité ». L'institution relève en effet que le droit européen laisse aux États membres la liberté de définir des réglementations relatives à la publicité des professions libérales, dès lors que celles-ci ne comportent pas d'interdiction « générale et absolue ». L'Autorité de la concurrence a souligné que, lors de sa séance, la représentante du Ministère des Solidarités et de la Santé a indiqué à cet égard que le gouvernement et plusieurs ordres professionnels – dont ceux des médecins et des chirurgiens-dentistes – travaillaient à la refonte des dispositions réglementaires applicables à la publicité, avec l'objectif d'adopter de nouvelles dispositions dans un délai de 6 à 12 mois. La décision fait ainsi écho à ce qu'avait préconisé le Conseil d'État, juge administratif, il y a quelques mois.
Les conséquences : cette décision est importante parce qu'elle confirme que la réglementation actuelle en matière de publicité n'est pas conforme au droit européen, plus souple, plus ouvert. Si le ministère de la Santé tient ses engagements, cela veut dire que le principe d'interdiction de la publicité ne sera plus absolu. Il sera donc possible à un chirurgien-dentiste de promouvoir son activité... dans le cadre que va instaurer le code. Des restrictions seront donc toujours possibles.
En vertu du principe de libre prestation de service, les chirurgiens-dentiste devraient voir leurs droits en matière de publicité évoluer. La fin de l'interdiction est acquise, autorisant ces derniers à promouvoir leurs activités par différents biais. Cependant, le code de déontologie pourra encadrer les pratiques promotionnelles, notamment au regard du principe d'interdiction d'exercer la profession comme un commerce.