Traumatologie
Elsa DREYFUS-SCHMIDT* Franck DECUP**
*AHU
**Paris Descartes,
***Exercice libéral,
****Paris 17e
*****MCU-PH
******Paris Descartes,
*******Exercice libéral,
********Paris 17e
Une analyse de la littérature montre qu'un tiers des adultes a subi un traumatisme dentaire, et le plus souvent avant l'âge de 19 ans. La sévérité des traumatismes dentaires est variable. Ceux qui se traduisent par un déplacement alvéolo-dentaire sont impressionnants et représentent un choc psychologique important pour le patient. Leur prise en charge se fait toujours dans l'urgence. Le praticien et son équipe doivent appliquer des procédures clairement établies et normées...
Une analyse de la littérature montre qu'un tiers des adultes a subi un traumatisme dentaire, et le plus souvent avant l'âge de 19 ans. La sévérité des traumatismes dentaires est variable. Ceux qui se traduisent par un déplacement alvéolo-dentaire sont impressionnants et représentent un choc psychologique important pour le patient. Leur prise en charge se fait toujours dans l'urgence. Le praticien et son équipe doivent appliquer des procédures clairement établies et normées pour agir rapidement et efficacement, en respectant des recommandations qui donnent toutes les chances de succès au traitement réalisé, et ce dans les meilleurs délais.
Un traumatisme peut avoir des répercussions plus ou moins importantes sur les tissus parodontaux. On parle alors de traumatisme alvéolo-dentaire. Il s'agit soit de mouvements de déplacement (subluxation, extrusion, luxation latérale, intrusion et avulsion), soit de fractures (radiculaires et alvéolaires). Dans ces situations, l'absence de guérison du ligament alvéolo-dentaire et le risque d'ankylose constituent la principale inquiétude.
L'état inflammatoire parodontal déclenché par le traumatisme est entretenu par la persistance d'une mobilité non physiologique empêchant la réparation des tissus lésés. La cicatrisation nécessitant la diminution de l'inflammation est dépendante du repos physiologique de la dent. C'est la contention qui offre à la dent ce repos physiologique, le temps de la guérison.
La prise en charge d'un traumatisme représente une séance d'urgence qui est faite selon un protocole adapté à la situation. Après avoir présenté le protocole de prise en charge globale des traumatismes chez l'adulte [1] puis les répercussions éventuelles sur la pulpe et les thérapies pulpaires [2], ce troisième article présente le rôle des traitements par contentions, leurs indications, leur protocole de mise en place, le choix des matériaux et les différentes durées de traitement.
La contention est un procédé thérapeutique consistant à maintenir une partie du corps dans une certaine position pour faciliter sa guérison. La contention alvéolo-dentaire, indiquée en traumatologie, requiert de nombreux critères de réalisation (tableau 1). Son objectif est aussi de laisser une mobilité physiologique à la dent traumatisée.
La mise en place d'une contention est indiquée quand le traumatisme a entraîné la mobilité (subluxation) et/ou le déplacement de la dent (extrusion, luxation latérale, intrusion, avulsion). Sa pose en cas de déplacement est effectuée après le replacement des tissus.
Dans le cas des fractures radiculaires, l'indication de la contention intervient également quand le fragment coronaire présente une mobilité et/ou un déplacement. Dans la situation d'une fracture radiculaire du tiers apical, ce n'est pas toujours le cas. Dans les cas de fractures alvéolaires, la contention est également indiquée après repositionnement du bloc osseux.
La prise en charge doit avoir lieu le plus rapidement possible, dans les heures suivant le traumatisme. Plus le délai est élevé, plus la réduction ou le replacement du fragment osseux est empêché par la formation du caillot.
Dans les situations particulières de prise en charge tardive, au-delà des 24 premières heures, lorsque la prise en charge pendant la phase aiguë n'a pas été possible, la littérature ne donne pas de guideline précise. Ces situations seront gérées au cas par cas, sous anesthésie, avec des re-mobilisations possibles, des avulsions et des réimplantations.
Au-delà de quelques jours, la phase de cicatrisation étant trop avancée, il n'est plus possible d'opter pour une thérapeutique d'urgence nous menant vers une cicatrisation satisfaisante. L'abstention est respectée et un déplacement orthodontique pourra être envisagé plus tard.
Dans le cas particulier des avulsions, le pronostic évolue défavorablement très rapidement avec l'augmentation du temps extra-oral et le choix du milieu de conservation de dent expulsée. Au-delà d'une heure les risques augmentent considérablement. Le tableau 2, issu d'une étude d'Andreasen, résume la nécessité de réagir très rapidement pour conserver la vitalité des cellules présentes sur la surface radiculaire.
La durée des contentions est comprise entre 2 à 4 semaines.
Des déchirements du ligament alvéolo-dentaire ont souvent lieu après des traumatismes de type luxation. Ils guérissent généralement grâce à un processus de régénération où des fibres de Sharpey et des fibroblastes nouvellement formés réparent le ligament alvéolo-dentaire.
Deux semaines suffisent pour les déplacements les plus légers (sub-luxation) et au déplacement générant un étirement des tissus provoquant de moindres lésions (extrusion).
Dans les cas de traumatismes tissulaires plus importants de type écrasement (luxation latérale et intrusion), la durée doit être de 4 semaines.
Pour les fractures radiculaires ou alvéolaires, le délai est également de 4 semaines. En effet, dans ces deux situations, la cicatrisation attendue est plus longue puisqu'elle a également lieu au niveau osseux.
Une exception concerne la fracture radiculaire située au niveau du tiers cervical et généralement associée à une forte mobilité. La proximité coronaire du trait de fracture provoque une communication avec le milieu buccal qui ralentit la guérison tissulaire. Dans ce cas, une durée de 4 mois est nécessaire pour améliorer les chances de succès.
On note qu'une durée excessive de contention favoriserait l'ankylose.
Les contentions sont différenciées en fonction de leur flexibilité car elles cherchent idéalement à reproduire les conditions physiologiques des dents.
Il a été possible de classer les systèmes et matériaux de contention grâce à un dispositif, le Périotest®. La mobilité horizontale et verticale de la dent est mesurée avant et après la pose de la contention. La comparaison de ces deux mesures permet de définir l'effet de la contention sur la mobilité de la dent.
L'Association internationale de traumatologie dentaire (IADT) recommande uniquement l'utilisation de contention dont le dispositif offre une certaine flexibilité.
Les contentions dites rigides semblent néfastes pour la cicatrisation des tissus parodontaux. Des études cliniques et expérimentales démontrent que la contention rigide endommage le tissu parodontal de façon irréversible, pouvant entraîner une résorption du tissu de remplacement avec ankylose de la dent.
Les contentions dites flexibles stabilisent la ou les dents traumatisées avec un dispositif permettant de maintenir les dents les unes aux autres, tout en laissant une mobilité physiologique pendant la période de cicatrisation. Cette stimulation fonctionnelle de la dent favorise la reconstitution parodontale.
Il s'agit généralement d'un système global (fil orthodontique, fibres, titanium trauma splint...) ancré sur chaque dent par différents produits (composite fluide, ciment verre ionomère).
Le fil orthodontique (au diamètre inférieur à 0,4 mm) fixé par des plots de composite fluide est le système de contention le plus souvent utilisé. Le matériel est facilement disponible en cabinet d'omnipratique, peu coûteux, et le dispositif est facile à mettre en place.
Ce protocole est décrit dans les figures 1 à 8.
Les contentions réalisées avec des fibres (Kevlar®, Ribbond®, Everstick®) fixées par de la résine composite présentent de très bons taux de survie et semblent être la technique optimale. Elles ont également l'avantage d'être esthétiquement plus discrètes. En revanche, leur mise en œuvre est plus délicate, pas toujours adaptée aux conditions d'urgences et leur coût est élevé.
L'utilisation de fils de pêche en nylon fixé par des plots de composite, décrite dans l'Australian Dental Journal [3], permet un mouvement physiologique favorable à la dent traumatisée pour un résultat esthétique satisfaisant et à un coût dérisoire.
Les résultats d'une étude réalisée par Jun Yi Hu indiquent que les plots de fixation peuvent aussi être réalisés avec du verre ionomère, le GC Fuji Ortho®. Celui-ci remplit toutes les caractéristiques attendues pour fixer efficacement le fil en évitant un mordançage de l'émail et en favorisant une dépose de la contention parfaitement atraumatique avec un excavateur. Ce matériau de fixation du fil est simple d'utilisation et donc très recommandé dans cette situation d'urgence (fig. 9).
Certains matériaux esthétiques comme la résine bi acrylique (Protemp®, Luxatemp®) offrent directement dans leur masse une certaine souplesse, adaptée pour relier directement les deux dents, de part et d'autre de la dent traumatisée. Cette technique de contention faisant appel à une résine provisoire d'utilisation courante en omnipratique a été approuvée par Andreasen. C'est une alternative élégante et facile à mettre en œuvre qui est présentée dans figures 10 à 15. La préparation des dents ne nécessite qu'un simple mordançage de l'émail pendant 20 secondes avant l'application directe (sans adhésif) de la résine.
On notera que le recours à du composite pour ce mode de fixation n'est pas recommandé car trop rigide.
Après la période de contention (tableau 3), la dépose du fil et des fixations en composite se fait avec une turbine ou un contre-angle rouge sous eau à l'aide d'une fraise diamantée bague rouge ou jaune et/ou de fraises tungstène (bague jaune et bleu). L'émail est ensuite bien repoli avec des cupules en silicone.
Dans le cas de fixation avec du GC Fuji Ortho ou dans le cas d'une contention en résine Bisacryl, l'élimination du matériau est facilement réalisée avec un excavateur et la surface amélaire ensuite repolie comme décrit précédemment.
Une fois la période de contention passée, la dépose du système est réalisée et une première évaluation du succès peut être faite.
Certains critères doivent être contrôlés.
• Position des dents ?
• Cicatrisation des tissus parodontaux environnants ?
• Réduction de la mobilité ?
• Persistance d'une mobilité physiologique (pression et percussion) ?
• Vitalité pulpaire ?
La fiche de suivi (tableau 4) doit être remplie précisément en fonction des résultats obtenus et les traitements complémentaires seront mis en œuvre en fonction du résultat [1].
On peut ensuite déterminer les besoins de traitement endodontique, parodontal, orthodontique et restaurateur pour répondre à la situation clinique.
Dans le cas où un traitement orthodontique serait nécessaire pour rectifier une position anormale, celui-ci ne pourra être débuté avant 2 mois post-trauma. Des forces adaptées seront alors mises en jeu pour cette situation particulière qu'il faut préciser à l'orthodontiste.
Les contentions utilisées comme moyens de traitement transitoire de certains traumatismes dentaires sont des actes indispensables à réaliser dans des conditions d'urgence.
La souplesse des systèmes utilisés doit respecter le fonctionnement physiologique de la dent pour permettre sa cicatrisation sans complication.
Des protocoles assez simples sont aujourd'hui possibles grâce aux collages de fil et aux résines.
Le succès du traitement repose sur un respect des durées de contention selon les types de traumatismes et un suivi programmé du patient.
Des corrections de position post-cicatrisation sont parfois nécessaires. Elles seront envisagées en fonction de la situation clinique avec les différentes spécialités impliquées (orthodontie, parodontie et restauration).
Fil de ligature orthodontique 0,010 acier.
Pince 139.
Composite flow ou CVI.
Adhésif SAM de préférence (ou acide orthophosporique 37 % et adhésif MR).
Lampe photo-polymérisante.
Papier articuler.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.