La nouvelle convention qui prend effet le 1er avril prochain implique de changer totalement de paradigme. L'anticipation est la meilleure attitude à adopter. Voici quelques pistes : préparer son discours et développer des outils de communication, réactualiser sa grille tarifaire, connaître la CCAM et développer les zones de liberté.
Expliquer au patient la différence entre une prothèse du panier RAC 0 et une prothèse du panier intermédiaire ou du panier libre va être un point essentiel du dialogue avec le patient. Plusieurs aspects sont à prendre en compte.
Si vous proposez des prothèses françaises stratifiées au tarif du panier RAC 0, vous courez au déséquilibre financier. La solution à mon avis est d'avoir recours à une prothèse importée, avec les risques que cela comporte et les conséquences pour l'économie des laboratoires français.
Il faut être logique. Comment faire payer des prothèses en céramique stratifiée entre 600 et 900 €, voire plus, jusqu'au 01/04/2019 puis les ramener à 530 € après cette date charnière ? Si vous n'avez pas d'explications claires à fournir à vos patients, vous allez devoir vous justifier et, croyez-moi, c'est moins confortable !
Les centres mutualistes et associatifs vont certainement communiquer dans ce sens en proposant de la « qualité » au tarif du panier RAC0.
Mais que sont les critères de qualité ? Ce mot est dévoyé en permanence. Toutes les ficelles du marketing vont être utilisées. Quel patient accepterait de mettre dans sa bouche une prothèse qui ne soit pas de qualité ? Je vous recommande de ne plus utiliser le mot « qualité » mais d'avoir recours à des adjectifs et des arguments tels que « fiable », « durable », « éprouvé », « bio-compatible », « personnalisé », « adapté à votre contexte occlusal »...
Vous pouvez aussi vous engager sur une garantie partagée avec votre laboratoire qui pourrait courir sur plusieurs années (5 à 10 ans). Cette garantie peut être formalisée dans votre devis, sous réserve bien entendu d'un usage normal, d'un entretien et de visites de contrôle.
Faites attention au « made in France » qui, comme le terme « qualité », ne veut plus rien dire. Une prothèse réalisée à l'étranger mais « glacée » en France devient « made in France ». Les laboratoires low-cost exploitent ce filon.
Si vous voulez mettre en avant l'argument de la fabrication française, joignez un certificat à votre traçabilité et remettez-le au patient lors du règlement.
Il s'agit d'anticiper et de préparer vos arguments et d'expliquer votre choix de laboratoire. Je vous recommande par exemple d'avoir à votre disposition des fiches explicatives vulgarisées et des modèles qui mettent en évidence la différence entre « notre choix » et le choix imposé par le panier RAC 0. Certains laboratoires fournissent des modèles qui évitent bien des discours justificatifs.
Votre argumentaire sera différent en fonction de la place de la dent à traiter.
Pour échapper à des actes du panier RAC 0 sur les dents antérieures, une solution est de proposer des céramo-céramiques (non monolithiques) pour lesquelles la caractérisation est indispensable. Mais, avant même d'en arriver à la couronne qui inclut l'ensemble de la dent, il est possible de proposer des facettes collées et toutes leurs déclinaisons.
Vous pouvez d'abord expliquer à votre patient que, avec les progrès et le recul clinique que nous avons sur les facettes collées, la nécessité de placer une couronne est rare sur les antérieures : c'est le gradient thérapeutique. Je vous rappelle qu'une couronne ne doit être posée que « quand la dent ne peut être reconstituée de façon durable par une obturation ».
Vous pouvez aussi ajouter que la dentisterie s'est orientée depuis des années vers les céramo-céramiques afin d'éviter la visibilité du joint. Ces prothèses sont celles qui se voient le plus. De plus, ce matériau permet de limiter la préparation en supra-gingival. La céramo-céramique permet donc de garantir à la fois la pérennité de l'acte, la santé parodontale et l'esthétique du sourire.
En ce qui concerne les prémolaires, le full-zircone est un choix qui, sur denture naturelle, ne peut-être contesté. En revanche, sur implants, surtout si l'antagoniste est également un implant, vous pouvez donner comme argument « contre » le fait qu'il entraîne une occlusion traumatisante préjudiciable à la pérennité implantaire.
Enfin, dans les secteurs molaires, le choix du RAC 0 pour les coiffes métalliques va à contre sens de l'évolution sociale. En 40 années d'exercice, je n'ai jamais placé une coiffe métal ! Et ce qui était vrai en 1979 l'est encore plus de nos jours... L'argumentation est pour moi évidente et a toujours été la même : « si vous voulez du métal, je vous adresse à un confrère qui pratique ce type de traitement. Mais sachez que, pour quelques euros de plus, je peux vous faire une full-zircone couleur dent ! ».
C'est une évidence. La CCAM offre des opportunités avec la multiplication des codes pour chaque acte dont un grand nombre se situe en dehors du panier RAC0.
La classification CCAM qui nous permet de détailler tous nos actes rapproche nos devis de ceux de nos confrères suisses et germaniques. Lors de la réalisation du devis et de la facturation au patient : « je marque et cote tout ce que je dois faire et ai fait en bouche, ni plus ni moins », que ces actes soient pris en charge ou NPC (non pris en charge).
Avec la Ngap, nous avions pris l'habitude de globaliser les actes car cette ancienne nomenclature n'offrait qu'un catalogue réduit d'actes. Avec la CCAM, le catalogue est étendu et en continuelle refonte. Des nouveaux actes sont ajoutés pour tenir compte de nouvelles pratiques et technologies.
La nouvelle convention préserve 4 espaces de liberté dans votre exercice : la parodontologie (sauf pour les patients diabétiques), l'implantologie, l'esthétique et l'orthodontie. La parodontologie est la grande oubliée de la nouvelle convention, elle concerne pourtant 50 % de nos patients. Pourquoi délaisser cette spécialité comme le font certains confrères ? Formez-vous pour offrir des traitements adaptés à vos patients, sachant que la parodontologie est bien souvent le préalable à un traitement implantaire pérenne.
Cas concret d'une prémolaire (24) douloureuse traitée quelques années auparavant qui présente une image apicale avec reconstitution indirecte et couronne métallique. Vous prévoyez de conserver cette dent. Les actes CCAM correspondants se déclinent ainsi :
1. photographie (NPC) ZAQP001
2. ablation d'une prothèse dentaire scellée (NPC) HBGD027
3. ablation d'un ancrage corono-radiculaire (NPC) HBGD011
4. reconstitution provisoire pour acte d'endodontie (NPC) HBMD006
5. désobturation endodontique + Xray (NPC) HBGD233
6. ablation d'un corps étranger d'un canal radiculaire d'une dent (NPC) HBGD012
7. traitement endodontique + Xray (RAC0) HBFD021
8. reconstitution directe ou inlay-core (RAC0) HBMD042/HBLD007
9. enregistrement des r/p maxillo-mandibulaires (NPC) LPQP001
10. couronne provisoire (RAC0) HBLD037
11. coiffe full-zircone (RAC0) HBLD036
12. adaptation + contrôle + photographie (NPC) ZAQP001
Seuls 4 sur 12 actes sont pris en charge dans le cadre du RAC0, le reste n'est pas pris en charge (NPC). À vous, en fonction du taux horaire de votre cabinet dentaire et « avec tact et mesure », de valoriser les actes NPC et de comparer.