Clinic n° 02 du 01/02/2019

 

Parodontie

Philippe BIDAULT*   Dominique GLEZ**  


*Exercice en parodontologie-implantologie
**Paris
***Exercice en parodontologie-implantologie
****Rennes

Choisir les bons instruments pour le débridement de la poche parodontale peut rendre cette étape plus simple et plus accessible tout en optimisant les résultats cliniques. L'utilisation de micro-inserts piézoélectriques permet de s'affranchir des contraintes du surfaçage conventionnel avec des curettes manuelles en privilégiant un travail moins invasif.

La prise en charge parodontale initiale repose en partie sur l'élimination mécanique des dépôts durs et mous supra et...


Choisir les bons instruments pour le débridement de la poche parodontale peut rendre cette étape plus simple et plus accessible tout en optimisant les résultats cliniques. L'utilisation de micro-inserts piézoélectriques permet de s'affranchir des contraintes du surfaçage conventionnel avec des curettes manuelles en privilégiant un travail moins invasif.

La prise en charge parodontale initiale repose en partie sur l'élimination mécanique des dépôts durs et mous supra et sous-gingivaux. C'est ce qu'on appelle le détartrage-surfaçage ou le débridement de la poche. Différentes techniques ont été décrites en termes de nombre de rendez-vous, d'approche (par quadrant, par désinfection globale ou assainissement progressif) et d'instrumentation (curettes et/ou inserts soniques ou ultrasoniques). De ce large éventail de possibilités peut naître une certaine confusion ou un sentiment de complexité limitant éventuellement la bonne réalisation de cette étape essentielle. Or, l'évolution des connaissances et les progrès techniques permettent aujourd'hui d'appréhender de façon plus simple et plus rationnelle la problématique du débridement. Dans cet article, nous ne traiterons que la question du choix des instruments : curettes ou inserts ou les deux ?

Critères de choix de l'instrumentation parodontale

Le choix de l'instrumentation pour l'assainissement parodontal initial repose sur les observations suivantes.

• L'inflammation clinique apparaît en réponse à l'accumulation de biofilm bactérien [1], c'est-à-dire à un dépôt mou faiblement adhérent à la surface radiculaire. Ce biofilm et ses produits ne pénètrent pas en profondeur le cément [2, 3]. Donc, l'objectif du débridement est non pas d'éliminer du cément infecté ou chargé en toxines mais de désorganiser le biofilm bactérien déposé sur le cément.

• Les tissus gingivaux sont inflammatoires et la poche parodontale est un espace étroit, profond et, suivant la position de la dent ou sa morphologie, certains sites sont difficiles d'accès (fig. 1). L'instrumentation utilisée doit ainsi permettre un débridement du biofilm sur toute la surface dentaire de la poche parodontale sans agresser les tissus gingivaux.

• Après débridement, la cicatrisation des tissus est directement liée aux éléments constitutifs (cellules et vaisseaux sanguins) de ces mêmes tissus. Aucune dilacération de la paroi molle de la poche parodontale (gencive) ne doit être effectuée.

En conséquence, pour être cohérent avec ces observations, nous devons privilégier :

– une technique et des instruments peu invasifs ;

– des instruments adaptés en taille, en courbure et en longueur ;

– une approche biologique et donc progressive, c'est-à-dire qui respecte les tissus et la résolution progressive de l'inflammation.

Faut-il continuer de surfacer avec des curettes manuelles [4-6] ?

En accord avec l'évolution des connaissances, l'objectif du surfaçage n'est pas d'éliminer tout le cément jusqu'à entendre le « cri dentinaire », ni d'espérer le rendre parfaitement lisse. Surfacer dans le sens de « gratter » de façon systématique la paroi radiculaire des poches parodontales avec des curettes manuelles selon des mouvements effectués de façon systématique et avec une pression importante ne doit plus être réalisé : c'est une approche obsolète (fig. 2 à 4). Cette démarche est trop invasive, douloureuse pour le patient, mais c'est aussi long, complexe et fatiguant pour l'opérateur. Elle nuit à la cicatrisation de la poche parodontale (sans cément, aucune attache des fibres conjonctives n'est possible). Enfin, les curettes de taille standard ne permettent pas aisément d'accéder à des sites de choix (entrée de furcation, proximité radiculaire ou zone apicale d`une poche profonde).

Depuis plusieurs années maintenant, des inserts sonores ou ultrasonores droits et effilés ou aux formes proches de celles des curettes de Gracey, permettant de s'adapter aux morphologies dentaires, ont été développés. Le débridement avec ces inserts adaptés est moins invasif, plus rapide, sans fatigue manuelle. Il est plus efficace dans les zones difficiles d'accès et la courbe d'apprentissage est plus rapide. En outre, cette approche offre le bénéficie des effets de lavage, de cavitation et micro-courants. Les résultats cliniques en termes de réduction des poches parodontales au sondage, de gain d'attache clinique et de réduction du saignement au sondage sont, au moins, aussi bons pour les inserts que pour les curettes. De nos jours, il semble donc pertinent de réaliser le débridement des poches parodontales essentiellement ou uniquement avec des inserts.

Chacun sera libre de décider s'il range définitivement ses curettes aux placards ou s'il les garde pour ponctuellement compléter (souvent pour des raisons de meilleure perception tactile) le débridement réalisé avec des inserts par quelques passages localisés de curette avec une pression latérale limitée. Si des curettes sont utilisées sur certains sites, il faut repasser ensuite un insert pour éliminer la boue dentinaire laissée par le passage de la curette.

Quel système sonique ou ultrasonique utiliser ?

Des inserts soniques et ultrasoniques (magnétostrictifs ou piézoélectriques) ont été développés [7]. En terme de réduction du sondage, les résultats cliniques sont très comparables entre ces systèmes [8]. Mais, en terme d'utilisation, il existe des différences qui nous font recommander un système ultrasonique piézoélectrique avec une unité dédiée (c'est-à-dire indépendante du kart). Ces recommandations sont le fruit de notre réflexion et de notre expérience clinique uniquement. Voici nos arguments.

• Les systèmes soniques sont, par définition, bruyants ; ils sont moins puissants que les ultra-sons et la gamme d'inserts est moins variée. Ils peuvent être intéressants pour la maintenance mais le sont moins pour le débridement initial.

• Dans les systèmes ultrasoniques, le mouvement de l'insert piézoélectrique est linéaire (contrairement à celui de l'insert magnétostrictif). L'insert vibre selon le grand axe de la pièce à main et, par conséquent, le contact avec la dent est régulier. Cette propriété permet de distinguer deux types de mouvements : le martèlement et le balayage [9]. Le martèlement correspond aux forces exercées par la face ventrale ou dorsale d'un insert droit sur la surface dentaire. Il est très utile pour l'élimination des dépôts durs (tartre). Le balayage sera réalisé lorsque la face latérale de l'insert vibrera contre la dent. Plus doux, ce mouvement est adapté pour l'élimination du biofilm ou des colorations. Ainsi, selon le positionnement de l'insert sur la face dentaire, on peut sur toute face dentaire exercer balayage ou martèlement et appliquer ainsi l'effet souhaité. En fonction de la situation clinique, il peut être intéressant d'exploiter cette dualité. Il faut également savoir que la partie travaillante des inserts est sur leur partie terminale (fig. 5). Par ailleurs, les systèmes piézoélectriques ont une gamme d'inserts plus variée que les systèmes magnétostrictifs.

• Avec une unité dédiée, il est possible de régler de façon précise à la fois la puissance de vibration et le débit d'eau. Il faut noter que :

– chaque insert a une puissance de vibration optimale en fonction de son design. Inutile d'augmenter la puissance quand on n'arrive pas à éliminer un dépôt : il faut changer son mouvement ou le type d'insert ou prendre un insert neuf. Bien choisir la puissance de vibration permet d'optimiser la vibration de l'insert, c'est important pour être efficace sans altérer les surfaces ;

– en réglant le débit d'eau pour avoir un « goutte à goutte » au bout de l'insert, on bénéficie des effets de lavage, de cavitation et de micro-courants de l'irrigation sans avoir de nébulisation et de projection d'eau en dehors de la bouche ;

– enfin, quand on a une unité spécifique pour les US, il y a un réservoir de liquide. Dans ce réservoir, on peut mettre de l'eau tiède. Cela permet de diminuer les sensibilités du patient lors du débridement quand il y a des expositions dentinaires.

Quels inserts privilégier ?

Les inserts standards, profilés plats (insert « généraliste » de détartrage), permettent d'éliminer les dépôts supra-gingivaux ou dans des poches peu profondes et facilement accessibles (fig. 6). Mais ils ne donnent qu'un accès très limité dans les poches profondes, les embrasures étroites ou certaines concavités. Par ailleurs, ils s'utilisent à puissance élevée. Or, à puissance élevée, il y a plus de percussions et donc de perte de substance dentaire, plus d'élévation de température et donc de douleur, plus d'aérosols ainsi qu'une perte de la sensibilité tactile [9]. Donc, on est très limité avec ce type d'inserts. Nous privilégions les micro-inserts que nous utilisons presque exclusivement.

Les micro-inserts permettent un très bon accès car ils sont adaptés en taille et en forme à toutes les situations anatomiques. Ils s'utilisent à faible puissance, ce qui permet de répondre aux exigences d'un travail atraumatique en optimisant la sensibilité tactile (fig. 7 à 9). C'est parce que nous avons des micro-inserts qu'il est possible de ne plus passer de curette manuelle.

Les micro-inserts existent globalement sous trois formes en parodontologie.

Forme curette à section polygonale

Les inserts de type curette sont les inserts les plus importants pour le débridement sous-gingival. On peut instrumenter presque tous les sites avec ces inserts. L'accessibilité des poches profondes est très dépendante de la forme de ces inserts. Selon les fabricants, la partie travaillante de l'insert type curette, sa longueur et sa courbure peuvent varier. Donc, il ne faut pas hésiter à comparer entre les systèmes. Le terme de curette pourrait laisser penser qu'il faut les utiliser comme une curette manuelle avec un mouvement de traction depuis le fond de la poche vers le haut. En fait, ils s'utilisent plutôt en poussant et sans pression, avec des mouvements de faible amplitude de coronaire en apical. Et les dépôts sont éliminés par l'effet de lavage de l'irrigation.

Forme à section ronde, lisse

Les inserts à section ronde (fig. 10) sont moins travaillants que les inserts type curette. Ils sont indiqués pour éliminer les dépôts mous ou peu calcifiés comme lors des maintenances.

Forme à section ronde, diamantée

Les inserts diamantés, souvent très fins, permettent de travailler dans des sites très étroits comme le sommet des furcations, là où aucune curette ou autre insert ne permettrait d'accéder. Ils viennent donc en complément après le travail avec les inserts curettes. Comme ils s'utilisent à une puissance plus faible que les inserts précédents, ces micro-inserts diamantés peuvent être passés en toute fin de débridement pour optimiser la sensibilité tactile.

Le choix d'un micro-insert adapté, l'optimisation de sa vibration, le travail à faible puissance et éventuellement l'utilisation d'eau tiède pour l'irrigation sont autant d'éléments qui expliquent, en partie, pourquoi il n'est souvent pas nécessaire d'anesthésier pour le débridement mécanique, même dans des cas de poches profondes, tout ceci en diminuant le traumatisme gingival (fig. 11 à 15).

Conclusion

En conclusion, le surfaçage systématique et fastidieux avec des curettes n'est pas indiqué. On doit lui préférer un débridement mécanique avec des micro-inserts ultrasoniques de type piézoélectrique avec une unité dédiée. Selon nous, ces quelques éléments permettent, d'une part, de simplifier le débridement des poches en limitant l'utilisation des curettes et, d'autre part, d'optimiser le travail en donnant une meilleure accessibilité, même pour des détartrages, tout en étant moins invasif.

Liens d'intérêts :

Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.

Bibliographie

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  • [2] Chiew S, Wilson M, Davies E, Kieser J. Assessment of ultrasonic debridement of calculus-associated periodontally-involved root surfaces by the limulus amoebocyte lysate assay. An in vitro study. J Clin Periodontol 1991;18:240-244.
  • [3] Smart GI, Wilson M, Davies DH, Kieser JB. The assessment of ultrasonic root surface debridement by determination of residual endotoxin levels. J Clin Periodontol 1990;17:174-178.
  • [4] Drisko CL, Cochran DL, Blieden T, Bouwsma OJ, Cohen RE, Damoulis P, et al. Sonic and ultrasonic scalers in periodontics. Research, Science and Therapy Committee of the American Academy of Periodontology. J Periodontol 2000;71:1792-1801.
  • [5] Krishna R, De Stefano JA. Ultrasonic vs. hand instrumentation in periodontal therapy: clinical outcomes. Periodontol 2000 2016;71:113-127.
  • [6] Gagnot G, Mora F, Poblete MG, Vachey E, Michel JF, Cathelineau G. Comparative study of manual and ultrasonic instrumentation of cementum surfaces: influence of lateral pressure. Int J Periodontics Restorative Dent 2004;24:137-145.
  • [7] Lea SC, Walmsley AD. Mechano-physical and biophysical properties of power-driven scalers: driving the future of powered instrument design and evaluation. Periodontol 2000 2009;51:63-78.
  • [8] Walmsley AD, Lea SC, Landini G, Moses AJ. Advances in power driven pocket/root instrumentation. J Clin Periodontol 2008;35(8 Suppl):22-28.
  • [9] Gagnot G, Poblete MG. Du bon usage des ultra-sons : la maîtrise des vibrations. Revue d'Odonto-Stomatologie 2004;33:85-94.