Juridique
Avocat au barreau de Paris
Dans le cadre de votre exercice professionnel, il arrive que certains patients vous demandent de rédiger en leur faveur une attestation ou un certificat, souvent pour une utilisation en justice. Si rien ne vous interdit de le faire, la prudence s'impose dans sa rédaction au risque de voir votre responsabilité déontologique engagée.
L'article R. 4127-229 du CSP indique que « l'exercice de l'art dentaire comporte normalement l'établissement par le chirurgien-dentiste, conformément aux constatations qu'il est en mesure de faire dans l'exercice de son art, des certificats, attestations ou documents dont la production est prescrite par la réglementation en vigueur. Tout certificat, attestation ou document délivré par le chirurgien-dentiste doit comporter sa signature manuscrite ». Rien n'interdit donc à un chirurgien-dentiste d'établir un certificat médical ou une attestation au bénéfice d'un patient.
Le certificat médical est un acte médico-légal qui est rédigé après examen du patient et qui apporte un constat purement médical. L'attestation est un acte citoyen qui ne porte pas sur des faits dont le médecin a eu connaissance dans le cadre de l'exercice de sa profession et qui n'établit pas un diagnostic d'interprétation médicale ou l'utilisation de termes médicaux. En conséquence, attention à la forme ! Si vous constatez des éléments médicaux, le certificat peut être rédigé sur un papier à en-tête de votre cabinet. En revanche, s'il s'agit d'un acte citoyen, il faut le rédiger sur papier libre ou sur un modèle CERFA d'attestation en justice. Parfois la frontière est mince puisqu'il peut être demandé au chirurgien-dentiste d'attester de faits non médicaux constatés lors de rendez-vous médicaux ! Par exemple, un père ou une mère qui demanderait au praticien de constater que c'est toujours lui qui accompagne son enfant aux rendez-vous. Dans ce cas, il s'agit à mon sens d'une attestation. Cependant, elle sera soumise au code de déontologie dès lors que la constatation est établie à l'occasion de l'exercice de l'art dentaire.
Certifier, c'est s'assurer que quelque chose est vrai. Les propos tenus ne doivent être ni tendancieux ni de complaisance (article R. 4127-213 CSP). Il faut donc être objectif. Le praticien ne peut certifier que ce qu'il a lui-même constaté. Si le certificat ou l'attestation rapporte les dires de l'intéressé ou d'un tiers, le praticien doit s'exprimer sur le mode conditionnel, avec la plus grande circonspection, et indiquer qu'il s'agit d'éléments qui lui sont rapportés par le patient. De plus, le médecin ne doit pas s'immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients. Il ne doit donc pas rédiger un écrit qui viendrait mettre en cause un tiers. Pour reprendre l'exemple précité, le praticien pourrait dire : « Au cours des différents rendez-vous médicaux du jeune X, ce dernier était systématiquement accompagné de son père/sa mère ». En revanche, il ne peut pas ajouter « Son père/sa mère n'était jamais présent(e), ce qui m'a étonné ». En faisant cela, il met en cause l'absence d'un tiers et porte, indirectement, un jugement sur les affaires privées. De la même manière, le praticien ne peut faire un lien entre ce qu'il a constaté et ce que lui a rapporté le patient. Par exemple, si le patient lui a dit qu'il s'est cassé une dent en tombant d'un échafaudage dans le cadre de son activité professionnelle, le praticien peut soit constater strictement que telle dent est cassée, soit constater que telle dent est cassée et que le patient indiquerait que la cause serait une chute lors de son activité professionnelle. Le conditionnel est ici de rigueur !
Outre les sanctions disciplinaires classiques, des sanctions pénales sont possibles en cas d'attestation faisant état de faits matériellement inexacts, insincères ou falsifiés (1 an d'emprisonnement, 15 000 euros d'amende).
Lorsque le praticien doit rédiger une attestation ou un certificat, il doit agir avec la plus grande prudence. Objectivité, précision et non-immixtion dans les affaires privées sont les maîtres mots de la rédaction, sous peine de sanction disciplinaire.