Clinic n° 02 du 01/02/2019

 

What's up en endo ?

Sarah ATTAL STYM-POPPER  

Ancienne AHU en odontologie conservatrice et endodontieDirectrice d'EndoSophie, concept de transmission du savoir en endodontieParis

Le jeu du What's up d'EndoSophie est de mettre en lumière la réflexion clinique du praticien pendant tout le déroulé d'un cas clinique.
Le but est d'apprendre à jouer avec les données historiques, cliniques et radiographiques que présente le patient.

Un cas, un diagnostic, une décision thérapeutique adaptée.

La reprise de traitement canalaire ou le cauchemar du chirurgien-dentiste... On ne compte pas le nombre d'instruments, de kits, de propositions techniques pour...


Le jeu du What's up d'EndoSophie est de mettre en lumière la réflexion clinique du praticien pendant tout le déroulé d'un cas clinique.
Le but est d'apprendre à jouer avec les données historiques, cliniques et radiographiques que présente le patient.

Un cas, un diagnostic, une décision thérapeutique adaptée.

La reprise de traitement canalaire ou le cauchemar du chirurgien-dentiste... On ne compte pas le nombre d'instruments, de kits, de propositions techniques pour désobturer rapidement, pour atteindre la zone apicale mieux que le précédent praticien n'a pu le faire.

Le résultat est souvent frustrant : beaucoup d'énergie dépensée, un temps de travail long et un plateau technique coûteux.

Ce cas clinique aide à présenter une autre façon de concevoir ce travail et à optimiser nos chances de succès en rationalisant l'énergie dépensée à atteindre les objectifs [1].

Diagnostic clinique et pré-orientation thérapeutique

Ce qui résulte de l'examen clinique du patient. Le sondage parodontal est correct, il n'y a pas de sondage ponctuel. L'accès aux limites de la dent est complexe mais il reste une belle substance dentinaire pour assurer la rétention de l'élément de reconstitution. L'ouverture buccale est très faible, la patiente indique que des soins longs lui sont pénibles.

← Ce que déduit le praticien. Les conditions de travail pour la reprise de traitement sont loin d'être optimales. L'accès à la dent est complexe. L'examen radiographique aidera à évaluer la qualité du premier traitement et à envisager les difficultés à franchir. Mais il faut déjà envisager une reprise de traitement en 2 séances [2].

Techniquement, la faible ouverture buccale fait penser que l'idéal serait d'exploiter au maximum l'instrumentation mécanisée [3]. L'action même de cathétérisme sera complexe à mener manuellement. Il faut donc des aides optiques et, dans ce cas, le microscope opératoire est un outil presque indispensable. Il favorise la vision à distance, en indirect. Le grossissement et l'éclairage aideront à mieux voir et à visualiser les entrées canalaires qui ; à l'œil nu, ne sont pratiquement pas visibles. Dans ce cas, et dès ce stade, on peut envisager d'adresser la patiente à l'endodontiste. Pour elle, comme pour l'omnipraticien, c'est un gain de temps et d'efficacité. Il est précieux d'éviter de multiplier les séances et judicieux de viser le bon traitement qui n'aura pas besoin d'être refait [4].

Diagnostic radiologique et stratégie thérapeutique

L'analyse de la radiographie préopératoire en 2 dimensions définit bien les objectifs de la reprise de traitement. La présence d'une lésion apicale avant traitement diminue le pronostic de retraitement. La gestion de la préparation de la zone apicale, l'atteinte des longueurs de travail au foramen, la désinfection active à l'apex doivent être assurées pour garantir la guérison de la lésion.

L'analyse de l'examen tri-dimensionnel apporte bien plus d'éléments. À tel point qu'on est en droit de se demander aujourd'hui si un cone beam ne devrait pas être prescrit pour chaque reprise de traitement, au moins celle concernant les molaires [5].

Ici le cone beam a été prescrit entre la première et la deuxième séance. Lors de la première séance, les entrées canalaires préalablement trouvées ont mis le praticien dans la difficulté. Elles semblaient bien être là où le précédent praticien avait travaillé mais ces entrées, même remaniées, ne permettaient pas de cathétériser les canaux. L'accès difficile est venu compliquer le tout. La prescription d'un cone beam d'emblée aurait permis deux choses. D'abord de comprendre, de voir l'anatomie canalaire de la dent et, ensuite, d'objectiver clairement le fait que les entrées étaient bien loin de correspondre aux véritables entrées canalaires et que les axes étaient à redresser.

En deuxième séance, avec l'image tri-dimensionnelle sous les yeux, le praticien a pu redresser chacun des axes de préparation. Cet examen prescrit d'emblée aurait permis d'éviter une seconde séance par anticipation stratégique et technique.

Traitement endodontique de la 27

Dans ce cas la pose du champ opératoire sur 2 dents est utile. Sur la feuille de digue, il faut faire 2 perforations légèrement éloignées l'une de l'autre de façon à bien recouvrir l'espace interdentaire. Deux dents sur le champ élargissent la zone de travail et de confort. L'amalgame est déposé sous champ opératoire et la reconstitution est faite dans la foulée, en collant un composite à l'abri de la salive.

La cavité d'accès se doit d'être conservatrice mais l'accès est tout de même complexe. Dans cette situation, il est possible d'ouvrir un peu plus. Mécaniquement, la dent est solide. La préservation du bandeau péri-cervical dentinaire est certes importante mais, ici, il y a de la marge de manœuvre.

Techniquement, l'idée est de bien matérialiser les entrées canalaires et de redresser les axes de préparation pour atteindre les foramens. L'accès est si difficile que seule une instrumentation mécanisée sur contre-angle adapté passera. Alors, il faut utiliser les avantages de la rotation continue. La séquence de lime permet d'éliminer les interférences qui ont bloqué l'accès à la zone apicale.

Dès l'engagement du S1 dans le canal, voire du SX (bien contrôlé pour qu'il ne s'engaine pas), on veillera tout de suite à brosser la paroi qui porte le nom du canal (pour le canal MV, travailler aux dépens de la paroi MV qui est une paroi de sécurité).

Il faut pratiquement oublier le fait d'avoir à désobturer. C'est la reconquête d'une trajectoire centrée sur le canal qui doit occuper la tête. Il faut donc retrouver l`axe originel du canal, celui qui permettra d'aller naturellement vers la zone apicale. Si l'on tentait de désobturer, c'est-à-dire de simplement enlever le matériau d'obturation précédemment disposé dans le canal, on ne ferait que réitérer l'erreur de trajectoire et accentuer la déviation.

Il faut être patient, ne pas aller trop vite vers le foramen, même si l'instrument s'engage bien. Travailler le canal en 3 séquences, tiers coronaire, tiers médian pour accéder au tiers apical ; bien nettoyer les flûtes de l'instrument à l'aide d'une compresse imprégnée d'alcool et irriguer abondamment (hypochlorite entre 2,5 et 5 %) pour mettre les débris en suspension et les éliminer.

À partir du moment où l'accès à la zone apicale est ouvert, il n'y a, en principe, plus d'interférences et la gestion de la partie non préparée devient plus simple. La majeure partie de la difficulté se situait bien avant la zone non traitée.

Conclusion

L'anticipation de la difficulté thérapeutique par la prescription d'un cone beam peut être une sage décision.

Il faut considérer que l'analyse du cliché radiographique en 2D doit apporter le maximum d'information. Cela dit, à partir du moment où la lecture et l'interprétation du cliché ne sont pas claires, l'anticipation technique devient difficile. Or, l'analyse par anticipation de la difficulté technique permet de s'affranchir de bien des erreurs et surtout d'une énorme perte de temps, faute de comprendre. Ici, la lecture du cone beam a immédiatement mis en évidence le défaut de localisation des entrées.

Bibliographie

  • [1] Ng YL, Mann V, Gulabivala K. Outcome of secondary root canal treatment: a systematic review of the literature. Int Endod J 2008;41:1026-1046.
  • [2] Peters LB, Wesselink PR. Periapical healing of endodontically treated teeth in one and two visits obturated in the presence or absence of detectable microorganisms. Int Endod J 2002;35:660-667.
  • [3] Somma F, Cammarota G, Plotino G, Grande NM, Pameijer CH. The effectiveness of manual and mechanical instrumentation for the retreatment of three different root canal filling materials. J Endod 2008;34:466-469.
  • [4] Barnes JJ, Patel S, Mannocci F. Why do general dental practitioners refer to a specific specialist endodontist in practice? Int Endod J 2011;44:21-32.
  • [5] Scarfe WC, Levin MD, Gane D, Farman AG. Use of Cone beam computed tomography in endodontics. Int J Dent 2009:634567.

DIAGNOSTIC À PARTIR D'UN CONE-BEAM

1 Photo de la cavité d'accès avant traitement (mais pas après). On aperçoit différentes petites entrées. Difficile de dire laquelle correspond vraiment à l'entrée canalaire. La chambre est vraiment à nettoyer. Une grande partie de l'infection provient d'une chambre non décontaminée, pleine de débris. 2 La radiographie pré-opératoire en 2 dimensions montre que le traitement s'est limité à la cavité d'accès. Il n'y a que très peu de matériau visible dans les canaux. L'anatomie canalaire est difficilement traçable, les superpositions anatomiques entravent la lecture du cliché. On aperçoit au moins 2 lésions apicales en palatin et en mésio-vestibulaire. Le traitement paraît  ancien. Le pronostic de retraitement est réservé à cause de l'ancienneté apparente du traitement, du faible degré d'ouverture buccale et de la présence d'une lésion apicale.

TRAITEMENT DE LA 27

3 Photo de la cavité d'accès après réaménagement. Les parois ont été remises à la verticale. La cavité est conservatrice en palatin, on ne voit pas l'entrée en vision directe. Par contre, en ce qui concerne les canaux vestibulaires, la cavité d'accès est classique. Pour retrouver l'axe des canaux, il a fallu supprimer toutes les interférences coronaires, être assez délabrant dans la chambre. 4 Le cone beam a été réalisé entre la séance 1 et la séance 2 de la reprise de traitement. Le canal palatin est bien localisé. Par contre, en vue occlusale, on voit que 3 mini-entrées ont été faites en vestibulaire. En vue sagittale, il apparaît bien que l'axe précédemment choisi ne correspond pas du tout à l'axe réel de la racine. Pour aller jusqu'au foramen dans les canaux disto-vestibulaire et mésio-vestibulaire, il faudra redresser la paroi disto-vestibulaire et redresser la paroi mésio-vestibulaire. L'axe est très vertical, voire incliné en direction mésiale. Techniquement, ce sera donc complexe ; le contre angle prendra une orientation qui viendra pile à l'endroit où le degré d'ouverture buccale est le plus faible. C'est la raison pour laquelle, naturellement, le praticien précédent s'était trompé d'axe. La partie sera jouée à partir du moment où un instrument mécanisé (type SX, Protaper®) sera engagé dans l'entrée canalaire. 5 Sur la radiographie post-opératoire, les trajectoires ont pu être retrouvées jusqu'à l'apex radiographique. On voit bien les déviations initiales et la récupération d'une trajectoire originelle. Le cone beam a grandement facilité les choses : vérifications des longueurs de travail, nombre de canaux et axe des canaux. Le travail s'est fait en toute sécurité de ce point de vue.