Clinic n° 02 du 01/02/2019

 

Dermatologie buccale

Philippe LESCLOUS  

Une patiente de 45 ans consulte pour brûlures buccales survenant lors de l'alimentation depuis 6 mois.

Antécédents

Il s'agit d'une patiente non tabagique présentant comme principaux antécédents des tremblements essentiels, une hypertension et des allergies environnementales traités par topiramate (anti-épileptique), propanolol (b-bloquant antihypertenseur) et lévocétirizine (antihistaminique). Du fluconazole (antifongique) et du valaciclovir (antiviral...


Une patiente de 45 ans consulte pour brûlures buccales survenant lors de l'alimentation depuis 6 mois.

Antécédents

Il s'agit d'une patiente non tabagique présentant comme principaux antécédents des tremblements essentiels, une hypertension et des allergies environnementales traités par topiramate (anti-épileptique), propanolol (b-bloquant antihypertenseur) et lévocétirizine (antihistaminique). Du fluconazole (antifongique) et du valaciclovir (antiviral antiherpétique) avaient été prescrits sans succès par son médecin traitant qui avait envisagé une étiologie fongique puis virale.

Examen clinique

L'examen endobuccal retrouve une kératose réticulée associée à des érosions situées de façon bilatérale et symétrique à la face interne des deux joues. On retrouve également un aspect kératosique de la face dorsale de langue et des lèvres et deux érosions du palais dur en regard des collets des prémolaires (fig. 1 à 4). Cet aspect est typique d'un lichen plan buccal (LPB).

Aucune atteinte cutanéo-phanérienne n'est discernée le jour de la consultation. La patiente ne rapporte pas d'atteinte anale ou génitale associée.

Prise en charge

Cette poussée de lichen a été traitée par corticothérapie locale, en utilisant une préparation magistrale à base de Diprolène® et Orabase®, 2 applications quotidiennes. Le Diprolène® est un dermocorticoïde, associé dans ce cas à une pâte adhésive associant pectine, gélatine et paraffine, l'Orabase®, qui a pour fonction de garantir une galénique adaptée pour la libération du principe actif. Ont été associées des applications de xylocaïne visqueuse à visée antalgique, 3 ou 4 fois par jour.

Un mois d'un tel traitement a permis une nette diminution des lésions (fig. 5 à 8).

La patiente bénéficiera ensuite d'un suivi au moins semestriel, la fréquence du suivi étant à moduler en fonction de l'activité du lichen.

Commentaires

Le LPB est une maladie inflammatoire chronique des épithéliums malpighiens évoluant par poussées, survenant en général entre 30 et 50 ans avec une légère prédominance féminine.

Dans sa forme typique, il s'agit d'une leucokératose réticulée, souvent bilatérale et symétrique, de la face interne des deux joues. Dans ce cas, le diagnostic est clinique et la biopsie n'est pas nécessaire sauf en cas de doute sur une transformation maligne.

On peut classer les lésions de lichen en deux groupes : le LPB idiopathique d'un côté, le LPB induit et les réactions lichénoïdes de l'autre (liées à un médicament, à une réaction de contact ou à une GVH : réaction du greffon contre l'hôte après une greffe de cellules souches généralement de moelle osseuse).

Le traitement de la patiente comportait un b-bloquant (souvent impliqué dans les réactions lichénoïdes) mais l'atteinte bilatérale et symétrique orientait plutôt vers un LPB idiopathique. Dans tous les cas, l'arrêt du médicament ne se discute que pour des lichens inflammatoires non contrôlés malgré un traitement adapté car l'arrêt du médicament inducteur ne permet souvent pas la régression complète des lésions.

Devant un aspect de LPB, il convient de rechercher une atteinte extra-orale associée (cutanée, phanérienne, anale ou génitale), les prises médicamenteuses et la présence de facteurs irritants locaux. La biopsie pour examen histologique ne sera réalisée qu'en l'absence de réseau lichénien ou en cas de leucokératose inhomogène, d'aspect en mosaïque ou d'érythème persistant faisant suspecter une transformation maligne.

Aucun traitement médicamenteux n'est nécessaire en cas de LPB asymptomatique (notamment LPB kératosique). Il n'est indiqué que lors des poussées et aura pour but de limiter les lésions érythémateuses et érosives mais n'aura pas d'effet sur les lésions blanches kératosiques. En première intention, il repose sur la corticothérapie locale, en privilégiant la forme présentant le temps de contact avec la muqueuse le plus important (préparation magistrale de Diprolène® et Orabase®). En l'absence d'évolution satisfaisante, il faudra recourir à une prise en charge plus spécialisée.

Il est nécessaire de réaliser une surveillance régulière au moins semestrielle, afin de suivre l'évolution du lichen et de détecter au plus tôt une transformation de surface, qui ne surviendra en général qu'après plusieurs années d'évolution du lichen et sur des lichens érosifs ou atrophiques.

À lire

  • Kuffer R, Lombardi T, Husson-Bui C, Courrier B, Samson J. La muqueuse buccale, de la clinique au traitement. Med'Com Éditions, 2009.