Clinic n° 02 du 01/02/2019

 

C'est mon avis

SIMON Stéphane  

PU-PH
Paris Diderot
CHU Rouen Normandie

Je pensais avoir tous les arguments scientifiques et cliniques pour convaincre mais mon approche académique n'a pas fait mouche.

Récemment, au cours d'une conférence de presse « grand public », j'ai présenté les avantages de la conservation de la vitalité pulpaire à des journalistes néophytes dans le domaine. Je pensais avoir tous les arguments scientifiques et cliniques pour les convaincre et je me suis trouvé fort dépourvu quand j'ai réalisé que mon approche très académique ne pourrait faire mouche.

Il m'a fallu donc emprunter des voies détournées, identiques à celles que nous employons tous les jours en parlant à nos patients. Tout y est passé : les dents de leurs enfants, la teinte des leurs, l'esthétique et, pour finir, déformation professionnelle oblige, les avantages de défenses aux bactéries grâce à l'immuno-compétence du tissu.

Après dix minutes de monologue à vérifier que personne ne me quittait du regard, ce qui aurait été le signe d'un échec de ma communication, le couperet est tombé avec la première question de l'auditoire : « Est-ce que c'est remboursé par la Sécurité sociale ? ».

Nous avons beau être préparé à la question inévitable, elle provoque toujours le même agacement. Pourtant, il est important de ne pas craquer. Et de montrer notre empathie pour leur santé, mais également pour leur portefeuille.

Voilà mon interlocutrice rassurée quand je lui dis que le coiffage pulpaire est reconnu par la CCAM et que, dès le 1er avril 2019, il sera pris en charge à hauteur de 60 euros. Elle, ravie, et moi, qui réalise qu'une nouvelle porte de ma liberté professionnelle vient de se fermer.

La question qui a suivi m'a plus surpris : « Comment trouver un praticien qui pratique ces techniques de préservations pulpaires ? ». Que répondre à ce journaliste ? Que tout le monde le fait ? Mais si son praticien ne les pratique pas pour diverses raisons, il va descendre dans son estime et, pour autant, suis-je en droit de lui dire que son praticien n'est pas compétent ?

Alors, à moi de lui expliquer que les matériaux sont onéreux, que la technique est encore à améliorer et que, même si je suis persuadé qu'elle est pertinante, elle ne répond pas à toutes les situations. Et que son praticien saura lui proposer la meilleure approche en toute confiance.

Les questions s'arrêtent là. Le buffet nous attend. Les journalistes de Santé Magazine et Biba viennent à ma rencontre pour en savoir plus. Je suis content. Je pense avoir donné une bonne image de la profession.

Cet exercice difficile m'aura appris deux choses. D'abord, en tant qu'hospitalo-universitaire, je me réjouis d'avoir conservé un exercice clinique de 3 jours par semaine malgré mon « temps plein ». Car cette expérience de contact avec les patients m'a permis de rester « dans le coup » de la discussion et de ne pas passer pour un Professeur Nimbus.

Ensuite, je me suis rendu compte que la seconde interlocutrice de la séance, le Dr Sarah Cousti, avait plus de contacts que moi avec les gens au moment du buffet... Il faut dire que son sujet était plus sexy ! Elle parlait de « Sexe et bouche ».

Une expérience de plus, tout aussi enrichissante que les autres...