Clinic n° 02 du 01/02/2019

 

Équipe et Espace

Stéphanie FRISON  

Consultante Edmond Binhas

Établissement médical de pointe spécialisé dans la prise en charge des séquelles des blessés de guerre et du grand handicap, l'Institution nationale des Invalides (INI) est également ouverte au service public hospitalier. Notamment le service de chirurgie dentaire, où Henri Frémont et son équipe prodiguent des soins attentifs, portés par la rigueur et une éthique forte.

Ici, on soigne en nœud papillon. Henri Frémont, chef du service de chirurgie dentaire depuis...


Établissement médical de pointe spécialisé dans la prise en charge des séquelles des blessés de guerre et du grand handicap, l'Institution nationale des Invalides (INI) est également ouverte au service public hospitalier. Notamment le service de chirurgie dentaire, où Henri Frémont et son équipe prodiguent des soins attentifs, portés par la rigueur et une éthique forte.

Ici, on soigne en nœud papillon. Henri Frémont, chef du service de chirurgie dentaire depuis bientôt quatre ans, ne lésine pas sur le savoir-vivre et reçoit ses patients comme des invités. Il faut dire que le jeune chirurgien-dentiste a des valeurs bien ancrées et mesure la chance qu'il a d'officier entre les murs d'un monument historique, à quelques coudées du tombeau de Napoléon Ier. Plus de trois siècles d'Histoire de France, et de ses soldats, habitent l'Hôtel des Invalides fondé par Louis XIV en 1674 au profit des victimes de guerre. Créé en 1957, le service de chirurgie dentaire occupe aujourd'hui 100 m2 sur toute une aile, avec trois salles de soins et un laboratoire de prothèses, qui bénéficient d'une vue imprenable sur le Dôme. Les deux blocs chirurgicaux et le tout nouveau cone-beam se situent, quant à eux, au sous-sol. Une radio numérique viendra bientôt compléter le matériel de pointe. « Le lieu est magnifique, travailler dans un tel endroit n'a pas de prix. Le beau nous élève », assure celui qui a pris, en 2015, la relève de Marie-Andrée Roze-Pellat, chef du service pendant plus de quarante ans – une femme de poigne dont l'engagement professionnel et humain n'a eu de cesse de servir l'institution.

Henri Frémont, 35 ans, est fils de militaire. Pendant trois ans, parallèlement à ses études, il s'engage dans l'armée en tant que civil, une fois par semaine, et devient réserviste citoyen. Son champ d'action est dès lors essentiellement axé sur la communication, le devoir de mémoire, la promotion de la défense et des forces armées. Lors de sa dernière année d'études, option « hôpitaux militaires », il effectue son stage à l'INI, y aime « l'ambiance et la façon de travailler ». Diplômé de l'Université Paris-Descartes en 2007, il peut enfin concilier vacations dans le service de Marie-Andrée Roze-Pellat et exercice dans un petit cabinet d'omnipratique de quartier, à la Garenne-Colombes. Un cabinet qu'il se retrouve assez vite à gérer tout seul. Un DU d'esthétique du sourire, effectué en 2014 à Strasbourg, vient compléter l'expertise du jeune homme pour qui la relation avec le patient est au cœur du soin. Une qualité consolidée pendant ses études. En effet, il occupe toutes ses vacances à encadrer des jeunes, dans un centre de loisirs, ce qui lui apporte « joie et beaucoup d'optimisme ». Plus encore, il y apprend la gestion d'un groupe, l'organisation, la bienveillance et « à avoir une vision très positive de tous, afin de faire émerger le talent de chacun ». Des qualités que l'ancienne chef du service de chirurgie dentaire des Invalides décèle très vite. En 2014, elle lui annonce : « L'année prochaine, je serai à la retraite, je voudrais que ce soit toi qui reprennes le service ».

Henri Frémont, dont l'histoire familiale n'est pas étrangère au monde combattant, accepte. « C'était pour moi une façon de rendre service à la France et à l'armée. »

Esprit d'équipe

Le 1er mai 2015, le voilà aux commandes d'une équipe de quinze personnes, « un défi passionnant », avec l'opportunité de transmettre aux étudiants de 6e année de la faculté de chirurgie dentaire de l'Université Paris-Descartes, en stage hospitalier dans le service, ce qu'il a appris jusque-là. À ses côtés, deux assistantes polyvalentes, Tania et Jocelyne, une praticienne attachée, Han Cao, un chirurgien maxillo-facial, Armand Paranque, et quatre chirurgiens-dentistes réservistes. Amélie, infirmière hospitalière arrivée en 2016, est en charge de la coordination du service. Enfin, le laboratoire de prothèses adossé au service réalise une partie des prothèses prescrites par les praticiens. Jérôme Noël y réalise prothèses amovibles en résine, dents provisoires, en temps réel si nécessaire, afin que les patients puissent repartir avec leurs dents. Cet ancien sous-officier des HIA (hôpital d'instruction des armées), formé pour réaliser des prothèses en chirurgie maxillo-faciale avec les professeurs Paranque et Devauchelle, assiste également les jeunes étudiants au fauteuil pour régler et poser les dispositifs médicaux. Pour les prothèses fixes sur implants, les prothésistes de laboratoires extérieurs viennent sur place, rencontrer les patients et ajuster au mieux.

La première année, Henri Frémont ne change rien au fonctionnement du service. Ce dernier, pensé et agencé pour pouvoir accueillir les patients en fauteuil ou allongés sur des brancards, a été doté d'un équipement spécifique pour faciliter leur prise en charge : espace, larges passages, fauteuils Kavo, radio SatelecXMind, radio Trophypan. Mais très vite, face à la charge de travail et à l'augmentation de la file active, avec un rajeunissement de la patientèle, le nouveau chef de service impulse une nouvelle dynamique et apporte de nouvelles idées. Il modifie la disposition des locaux – dans la limite du possible et dans le respect de l'architecture des Invalides, classé monument historique –, passe au tout-numérique, acquiert un cone-beam, troque le fauteuil des étudiants contre un modèle plus petit, compact, avec aspiration dans le mur et scialytique au plafond. L'équipe, soudée par un engagement très fort, progresse et prend le rythme. Toujours dans la bonne humeur.

Dispositif sur mesure

Blessés militaires (ou assimilés) dont la blessure reconnue imputable est la cause de l'hospitalisation, patients, notamment parisiens, adressés par des Hôpitaux d'Instruction des Armées, militaires en activité ou à la retraite, personnels de la Défense et leurs familles ou assurés sociaux viennent pour leurs soins dentaires aux Invalides. Leurs problématiques sont diverses : greffes osseuses, cancers des mandibules avec greffe du péroné, terrains complexes qui demandent des plans de traitement très longs et qui doivent être bien menés. Le service assure les soins dentaires conservateurs, la chirurgie dentaire, les réhabilitations par prothèses fixes ou amovibles, mais également l'implantologie avec une prise en charge totale : consultation, bilan pré-implantaire, pose d'implants, pose de couronnes ou de bridges sur implants. En tout, deux mille passages fauteuils par an, avec une moyenne d'une heure de soins. Et une mascotte, Hubert Faure, 104 ans, l'un des derniers survivants du commando français Kieffer, mythique unité d'élite créée par l'officier de marine Philippe Kieffer et seul bataillon français le jour du débarquement.

Soigner au son de la Marseillaise, prendre son café dans la cour saint-Joseph, se retrouver avec toute l'équipe pour des moments de partage (repas, saut en parachute), exercer dans une ambiance chaleureuse, tout concorde pour créer les meilleures conditions de travail. C'est sans compter le soutien très fort de la Fondation des Gueules cassées, dont Marie-Andrée Roze-Pellat est toujours vice-présidente, et de La Fédération nationale André Maginot, grâce à qui les moyens de fonctionnement du service ne cessent, au fil du temps, de s'améliorer. Ici, rien ne aurait arrêter Henri Frémont, dévoué au service, pour redonner un confort de vie, un sourire, le plaisir de pouvoir croquer dans un chocolat. « Dans notre métier, on doit aimer les gens », assure-t-il. Et ne pas compter ses heures... Comme le jour où, avec Armand Paranque, sept heures ont été nécessaires pour une intervention au bloc. « Ce jour-là, nous avons posé des implants zygomatiques sur des structures osseuses improbables pour que notre patient puisse avoir des dents fixes plutôt qu'un dentier qui ne tenait plus. » Inventer, réfléchir, contourner les protocoles, tout est bon pour trouver quelque chose d'adapté, quelle que soit la problématique. Le sourire qu'affiche Henri Frémont en permanence est une gageure, son équipe une force de frappe. Mais, avant tout, les prises en charges prodiguées dans le service constituent un symbole de l'attachement de la nation au devoir de réparation.

Catherine FayeON AIME

Depuis 1992, l'Institution nationale des Invalides est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du ministère de la Défense et des Anciens Combattants, dirigé par un médecin général du Service de santé des armées.