VU PAR LES INTERNES
Une patiente de 25 ans est adressée, après un accident de vélo survenu 1 heure plus tôt, à la consultation des urgences dentaires de la Pitié-Salpêtrière (fig. 1). L'analyse de la littérature rapporte 15 à 20 % de dommage dentaire parmi les traumatismes cranio-faciaux, allant de la simple concussion dentaire aux fractures du massif facial. La prise en charge de ces atteintes doit intervenir en urgence afin de...
Une patiente de 25 ans est adressée, après un accident de vélo survenu 1 heure plus tôt, à la consultation des urgences dentaires de la Pitié-Salpêtrière (fig. 1). L'analyse de la littérature rapporte 15 à 20 % de dommage dentaire parmi les traumatismes cranio-faciaux, allant de la simple concussion dentaire aux fractures du massif facial. La prise en charge de ces atteintes doit intervenir en urgence afin de minimiser les pathologies post-traumatiques. Le protocole de prise en charge d'une fracture alvéolo-dentaire sectorielle est illustré via ce cas clinique.
Andreason et al. développent, dans les années 70, les bases de la traumatologie dentaire. Il classe les fractures osseuses associées ou non à des atteintes dentaires en 3 catégories : fracture comminutive de l'alvéole, fracture d'une paroi ou d'un procès alvéolaire et fractures du maxillaire. Excepté ces dernières qui peuvent nécessiter une prise en charge par un spécialiste maxillo-facial ou ORL, la plupart des atteintes alvéolaires peuvent être traitées par le chirurgien-dentiste.
L'anamnèse ne met en évidence ni antécédent ni allergie et les vaccinations sont à jour. Une fois le traumatisme crânien écarté par les urgentistes grâce au scanner cervico-faciale et à l'examen neurologique, l'examen clinique extra-oral et intra-oral doit être minutieux afin d'adapter la prise en charge.
L'examen clinique et radiologique montre une fracture alvéolo-dentaire du bloc incisif mandibulaire de 41, 31 et 32 avec bascule linguale (fig. 2 à 4) associée à une plaie de lèvre rouge inférieure sans perte de substance.
Après avoir désinfecté les plaies et réalisé une anesthésie locale des blocs mentonniers bilatéraux avec rappel lingual, la réduction de la fracture alvéolaire doit se faire à la compresse par une pression bi-digitale douce afin de remettre le bloc dans sa position anatomique (fig. 5). Dans cette situation clinique, aucun lambeau ne doit être levé pour maintenir la vascularisation et assurer la vitalité du fragment osseux. Pour les fractures comminutives ou plus complexes avec exposition de la table vestibulaire par exemple, une voie d'abord vestibulaire peut être indiquée. Le contrôle de l'occlusion est indispensable, notamment dans des contextes de malocclusions préexistantes. Chez notre patiente, la réduction du fragment est satisfaisante après contrôle grâce au miroir de courtoisie (fig. 6). La contention post-traumatique constitue un élément important du pronostic dentaire et osseux : elle permet la stabilisation du fragment face aux sollicitations occlusales afin d'obtenir une cicatrisation osseuse stable. Elle est semi-rigide et réalisée à l'aide d'un plateau technique simple. Il s'agit de deux fils orthodontique 4/10 torsadés, maintenus par du composite flow sur les faces vestibulaires de 33 à 43 (fig. 7). La contention doit être neutre en terme de force orthodontique afin d'éviter les versions dentaires post-traumatiques et les conséquences qu'elles engendrent (résorption/ankylose/déhiscence/malposition). Cette contention sera déposée par le dentiste traitant à 6 semaines post-opératoire, délai d'obtention du cal osseux (fig. 8). Une fois la fracture réduite, la lèvre est désinfectée et explorée afin d'éliminer tout possible corps étranger et les sutures sont faites en deux plans, musculaire et muqueux (fig. 9).
Une antibiothérapie par pénicilline 2 g/j pendant 1 semaine est recommandée car cette fracture est considérée comme « ouverte en milieu septique ». Un antalgique de pallier 2, un bain de bouche de chlorhexidine 0,12 %, une brosse à dent chirurgicale ainsi que de la vaseline et un baume 50 UV pour la lèvre sont prescrits. L'alimentation doit être mixée durant 2 semaines et toute activité physique pouvant être traumatogène sur le plan dentaire sera évitée durant la phase de consolidation osseuse, à savoir 6 semaines.
Le certificat médical initial est une obligation professionnelle et permet au patient une meilleure prise en charge post-traumatique. Il résume la situation clinique initiale, le protocole de soins, les prescriptions et les conduites à tenir.
Dans la majorité des cas, la prise en charge post-traumatique est multidisciplinaire. Dans ce cas clinique, un calendrier de suivi clinique et radiologique est indispensable : les complications post-traumatiques peuvent aller jusqu'à la nécrose du bloc osseux, la nécrose dentaire mais aussi des versions et des malpositions dentaires.
La prise en charge d'une fracture alvéolo-dentaire sectorielle doit être prise en charge le plus rapidement possible afin de rétablir la fonction et l'esthétique et de minimiser le risque de pathologie post-traumatique.