La nouvelle convention : que va-t-elle changer ? Lors de la table ronde politique du congrès de l'ADF, financeurs, syndicats signataires et non signataire, universitaire ont confronté leurs points de vue sur le panier à reste à charge zéro, la place de la prévention et les évolutions possibles. Un débat riche.
Le panier RAC zéro est une « prime à l'échec thérapeutique », a dénoncé Patrick Solera, président de la FSDL, qui n'a pas signé la convention. « Comment peut-on défendre un projet avec de la prévention en donnant la gratuité à l'échec thérapeutique ? », a insisté le responsable de la FSDL. Un raisonnement jugé irrecevable par le directeur de l'Assurance maladie. De nombreux actes pratiqués dans les hôpitaux, comme le traitement de l'insuffisance cardiaque d'un fumeur, sont effectués gratuitement pour le patient. Cela n'empêche pas de chercher en même temps à ce « qu'il y en ait moins demain », a plaidé Nicolas Revel, directeur de l'Assurance maladie. Pour cela, il faut amener la population chez le chirurgien-dentiste « sans attendre le gros problème ». La tâche est importante car les Français sont de mauvais élèves. Seuls 40 % voient leur praticien une fois par an contre 70 % en Allemagne. En Europe, les Français se placent en 9e position. La réduction du reste à charge, y compris sur la partie prothétique, va y contribuer car, en allant chez le dentiste, les patients ne vont pas « s'exposer à des restes à charge qui risquent d'être une difficulté », a affirmé Nicolas Revel.
Jean-Pierre Attal, MCU-PH à Paris Descartes, a exprimé sa déception face à une convention qui « incite à faire de la prothèse conjointe » alors que le candidat Emmanuel Macron avait suscité de grands espoirs en se prononçant pour un « big bang de la prévention ». La dentisterie a « complètement changé ces dernières années », a justifié le directeur du laboratoire de bio-matériaux URB2i Paris Descartes. « On est passé d'une dentisterie soustractive à une dentisterie additive. On soigne en faisant de la prévention des maladies carieuses et des maladies érosives. »
Mener une réforme par la voie conventionnelle, c'est essayer de « faire bouger les équilibres tarifaires à partir de ce qu'est la pratique », a répondu Nicolas Revel. « On aurait voulu écrire un modèle parfait, on aurait malheureusement été décalé par rapport à la réalité ». Et la réalité de la pratique des cabinets dentaires décrite par le président de l'UD, Philippe Denoyelle, c'est un chiffre d'affaires généré à 60 % par les travaux de prothèse dont la moitié provient de prothèses qui sont refaites. « On travaille sur des patients et des besoins d'il y a 30 ans, on négocie pour l'équilibre du cabinet dentaire d'aujourd'hui », a justifié le président de l'UD.
Mais l'avantage de la nouvelle convention est d'être « évolutive ». Jusqu'à présent, une fois la signature apposée, les partenaires ne se revoyaient plus pendant 5 ans. Cette convention n'est pas encore appliquée que déjà plusieurs groupes travaillent à la faire évoluer, rappelle le représentant syndical.
Thierry Soulié, président des CDF, voit cette convention comme « une transition ». « Quand on travaille sur le panier RAC zéro qui nous a été imposé, c'est pour traiter une situation qui existe. Ce n'est pas pour s'inscrire dans une situation qui doit durer. » Le président des CDF décline les jalons posés en faveur de la prévention, et notamment la prise en charge des vernis fluorés, les travaux engagés pour l'inscription de nouveaux actes pour une intervention a minima, pour la mise en place d'un forfait prévention et d'un parcours de prévention.
Les financeurs avancent avec précaution sur ce parcours prévention demandé par la profession. Conditionner le remboursement d'actes prothétiques au respect de visites de routine chez le chirurgien-dentiste, comme cela se pratique en Allemagne : c'est une mesure qui « a du sens, mais c'est un sujet sensible », a estimé Nicolas Revel. Pour le directeur de l'Assurance maladie, « il faut veiller à ce que ce dispositif ne pénalise pas ceux qui sont le plus en difficulté ». Le risque est que cette mesure creuse des inégalités en santé. En effet, les personnes qui ont un parcours « vertueux » sont aussi celles qui font partie des catégories sociales qui ont l'habitude d'aller chez le chirurgien-dentiste. C'est la raison pour laquelle des associations de patients seront intégrées au groupe de travail prévu pour traiter cette question avec les partenaires conventionnels et des représentants du ministère de la Santé. Nicolas Revel pointe un autre risque lié à cette obligation : il est possible que les cabinets ne soient pas capables d'absorber la croissance de la demande en visites de soins courants !
La directrice déléguée santé de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), Séverine Salgado, recommande aussi d'avancer avec « prudence » sur cette obligation de suivi. La mise en place de tests sur des catégories ciblées de la population permettrait d'observer l'impact de ce type d'instrument.
À l'issue du débat, Patrick Solera a reconnu que tout n'était pas négatif dans la convention mais il a pointé qu'il n'y a « pas suffisamment de signaux positifs ». Jean-Pierre Attal a convenu que des avenants pourraient faire évoluer la convention dans le bon sens. Philippe Denoyelle a mis en avant la nécessité d'être pragmatique. « J'ai l'impression que nous sommes tous d'accord. J'aimerais qu'on nous (syndicats signataires ndlr) fasse la grâce de penser qu'on a le même souhait et la même volonté sauf qu'il y a des règles, des budgets, nous sommes obligés d'en tenir compte ». Thierry Soulié a fait remarquer qu'aucune convention n'a « jamais été aussi médicale ». Il a aussi noté que les praticiens « ne sont jamais contents de signer une convention mais que, chaque fois qu'elle a été signée, la profession a toujours progressé, tant par son chiffre d'affaires que par ses bénéfices ! ».
Quant aux financeurs, ils ont salué la méthode conventionnelle. Séverine Salgado s'est prononcée pour un soutien à la convention même si elle « n'est pas parfaite ». Elle est « structurante » et « équilibrée parce qu'elle tient compte de beaucoup de points évoqués lors des discussions ». Et, à la différence d'un texte rédigé par la Direction de la sécurité sociale, « elle comporte bien d'autres choses que les aspects tarifaires ».
Nicolas Revel a évoqué « une notion de pacte » conclu entre l'Assurance maladie et la profession. « Ce pacte doit amener la chirurgie dentaire à reprendre la bonne direction ! »