RESTAURATION
Valérie ROMAIN* Franck MOATTY**
*Exercice libéral - Paris 10e
**Exercice libéral - Paris 10e
Prolongement de la phase active du traitement orthodontique, la période de contention vise à assurer la stabilité des résultats obtenus en évitant la récidive.
La procédure décrite associe des fibres pré-imprégnées et un composite de stratification de haute densité pour réaliser une stabilisation mécaniquement adaptée aux contraintes en présence, avec un haut rendu esthétique et une grande modularité dans les applications cliniques envisageables.
Prolongement de...
Prolongement de la phase active du traitement orthodontique, la période de contention vise à assurer la stabilité des résultats obtenus en évitant la récidive.
La procédure décrite associe des fibres pré-imprégnées et un composite de stratification de haute densité pour réaliser une stabilisation mécaniquement adaptée aux contraintes en présence, avec un haut rendu esthétique et une grande modularité dans les applications cliniques envisageables.
Prolongement de la phase active du traitement orthodontique, la période de contention vise à assurer la stabilité des résultats obtenus en évitant la récidive. En pratique, et pour peu que le traitement ait débordé sur les délais initialement estimés, c'est une phase qui va demander une grande coopération de la part d'un patient qui vient de passer plusieurs mois sous traitement et qui voudra qu'on le « laisse souffler » quelques temps. Parmi l'arsenal de moyens, fixes et amovibles, mis à la disposition des omnipraticiens et des spécialistes, largement décrits dans une revue de littérature [1], nous présentons une technique détaillée de réalisation qui bénéficie à l'heure actuelle de plusieurs années de recul clinique. Une période largement suffisante puisque l'on considère que le risque de récidive orthodontique diminue significativement 5 ans après la fin de la période active même si, histologiquement, la réorganisation complète des fibres desmodontales ne demande qu'un peu moins d'un an [2]. La procédure décrite associe des fibres pré-imprégnées et un composite de stratification de haute densité pour réaliser une stabilisation mécaniquement adaptée aux contraintes en présence, avec un haut rendu esthétique et une grande modularité dans les applications cliniques envisageables.
Au fil des ans, les matériaux ont évolué et, quand cela semblait pertinent, ils ont été testés pré-cliniquement ; il est intéressant de constater que les principaux matériaux ont été conservés au fil du temps, considérant que les prétendants ne présentaient pas d'amélioration perceptible par rapport à ceux en vigueur.
L'essentiel du plateau technique fait partie de l'arsenal classique avec un générateur à ultra-sons indépendant pour plus de souplesse de réglage, un aéro-polisseur intégré à l'unit et un contre-angle conventionnel pour les phases de finition. Les instruments de sculpture font partie de la gamme LM Arte (distribuée par Pred) tandis que le polissage est réalisé avec le Kit Enamel Plus Shiny de Micerium rassemblant polissoirs et pâtes abrasives.
Matériel spécifique employé dans ce protocole, le Prepstar de chez Danville (distribué par SD2) est une sableuse employée sans eau avec des particules d'oxyde d'alumine à 27 μm. Son utilisation, sous une pression comprise entre 5,5 et 7,5 Bars avec une buse très fine, nécessite une aspiration indépendante de l'aspiration du fauteuil, conçue pour filtrer ces particules avant qu'elles n'aillent grignoter les moteurs et autres membranes. En parallèle, la protection du patient, notamment vestimentaire, ne doit pas être négligée, et le port de lunettes de protection est vivement recommandé pour tous les participants.
Cette étape de sablage n'exonère pas d'utiliser un système adhésif performant, notamment pour ses valeurs d'adhésion à l'émail, principal tissu concerné lors de ces thérapeutiques. Le choix d'un système à mordançage préalable MR2, en l'occurrence l'Optibond Solo (Kerr), s'impose d'autant plus que l'acidité des systèmes auto-mordançants compromet l'intégrité structurelle des fibres de renfort. Il est formulé à base d'alcool et disponible en unidose ; son application est relativement facile à contrôler tant en termes de précision de placement que d'épaisseur de couche.
Ces fibres, commercialisées en 2000 (distribuées par SD2), ont été mises au point par le professeur Vallittu (Université de Turku, Finlande). Elles se présentent sous la forme de faisceaux de fibres de verre silanées unidirectionnelles, disponibles sous plusieurs formats selon les applications cliniques les plus fréquentes. En fonction de l'indication, nous utilisons la plupart du temps les fibres EverStick Ortho d'un diamètre de 0,75 mm, dont le format est particulièrement adapté car le faisceau peut être délicatement retravaillé pour obtenir une épaisseur de quelques dixièmes de millimètres.
Ces fibres de verres sont incorporées dans un gel de polymères (BisGMA et polyméthacrylates) et recouvertes d'une gaine externe en PMMA qui se dissout partiellement au contact d'une résine : la surface du faisceau, ainsi rendue poreuse, laisse alors pénétrer la résine dans les micros-alvéoles qui deviennent des micro-rétentions. L'interpénétration entre les deux matériaux (fibre imprégnée et résine) crée non seulement un ancrage mécanique mais aussi chimique. Ce double ancrage joue un rôle important dans l'augmentation des facteurs de résistance de la fibre [3].
Enamel HRi® est un composite nano-chargé dense qui se décline en 3 teintes d'émail et 8 teintes de dentines, avec un certain nombre de composants comme des intensificateurs d'émail qui permettent de caractériser très finement une dent (fig. 6). Cette gamme de composites de restauration a été développée par le professeur Lorenzo Vanini selon un nouveau système de détermination de la couleur [4] en dentisterie et avec une technique novatrice de stratification des résines composites, reposant sur l'anatomie de la dent naturelle. Depuis 3 ans, nous utilisons aussi le composite Essentia, de GC qui, à l'usage, s'est avéré intéressant pour son bon compromis facilité d'utilisation/qualité du rendu esthétique (fig. 7).
La clé du succès esthétique du système Enamel HRi se trouve dans ses propriétés optiques car ce composite présente le même indice de réfraction que celui de l'émail naturel. Ceci permet de créer des limites invisibles sans avoir à biseauter excessivement l'émail ou encore à augmenter l'épaisseur des strates de composite dentine (fig. 8).
Le réchauffeur permet de maintenir le composite à 39oC, ce qui facilite son application en abaissant sa viscosité et en facilitant la « fusion » des couches successives de composite (fig. 9).
Les dents sont faites pour mastiquer et supporter des pressions importantes :
• 50 kg/cm2 au cours de la déglutition salivaire qui se produit près de 2 000 fois par jour. Les déglutitions en pulsion et les déglutitions en langue basse peuvent propulser tout le bloc incisivo-canin sans pour autant créer de rupture au niveau de la fibre. Pour parer à cela, la contention sera faite de prémolaire à prémolaire et la fibre parfois doublée lorsque la hauteur coronaire le permet ;
• 80 à 120 kg/cm2 au cours de l'effort, du stress et du bruxisme. Ces para-fonctions sont à dépister avant la pose de la contention. La gestion de ces para-fonctions peut se faire grâce à une équilibration, au port d'une gouttière nocturne ou encore à la prise de conscience de certains tics entraînant un stress localisé sur la fibre ;
• 25 kg/cm2 au cours de la mastication, pendant environ 30 minutes par jour...
De l'autre côté, les fibres pré-imprégnées présentent les caractéristiques suivantes :
• résistance à la flexion [5] : les fibres de verres silanées pré-imprégnées (rouge et vert sur le schéma) ont une résistance améliorée de plus de 50 % par rapport à celle des autres renforts fibrés (violet sur le schéma). Avec 1280 MPa, EverStick® présente une résistance à la flexion équivalente à celle de l'or ou du chrome-cobalt ;
• la résistance à la fatigue mesure le nombre de cycles de contrainte nécessaire pour atteindre la rupture du matériau. C'est un paramètre déterminant pour le pronostic de la reconstruction du fait de l'application répétée des charges masticatoires et occlusales. Les résultats parus dans Dental Material d'une étude portant sur une version antérieure à l'EverStick [6] montrent une amélioration de la résistance à la fatigue de l'acrylique qui passe de 13 000 cycles lorsqu'il n'est pas renforcé à 36 000 cycles lorsqu'il l'est par un maillage métallique à plus de 1,2 million de cycles pour l'acrylique renforcé par le Stick.
L'espace minimum nécessaire à la bonne mise en œuvre des matériaux disponibles actuellement est de 0,6 mm, ce qui est loin d'être une valeur importante. Si un léger polissage des crêtes marginales peut être envisagé, cela ne permet de dégager qu'un espace de l'ordre du 1/10 de millimètre (fig. 10).
La durée d'intervention pour une arcade peut varier de 1 h 30 pour un cas « simple » à plusieurs heures s'il s'agit dans le même temps d'harmoniser un sourire, voire de procéder au remplacement d'une dent absente (agénésie, absence post-traumatique...). Le cabinet doit pouvoir s'organiser en fonction de ces paramètres et cela demande une certaine préparation, autant physique que psychologique, pour le praticien afin de maintenir un niveau de concentration optimal tout au long de ces procédures exigeantes en termes de rigueur opératoire.
Le protocole opératoire a été, entre autres, décrit dans un ouvrage incontournable sur le sujet [7]. Parmi l'éventail de solutions disponibles, l'utilisation des nouvelles fibres de verre silanisées et pré-imprégnées de PMMA et de Bis-GMA était présentée comme très prometteuse, permettant d'étendre « les indications des attelles en composite fibré vers des possibilités semi-permanentes, voire permanentes ». Les auteurs terminaient ce chapitre en regrettant le manque d'évaluation et de recul clinique pour cette classe de matériaux novateurs alors que les premières impressions laissait présager d'une « réelle amélioration de longévité clinique des techniques en méthode directe par composite fibré ».
C'était en 2008. Dix ans plus tard, cet article présente l'expérience cumulée de deux praticiens qui ont consacré leur activité clinique à la réalisation de ce type de thérapeutique. Résultat significatif : un taux de 0,5 % de récidive, sur l'ensemble des attelles post-orthodontiques réalisées, soit 5947 attelles depuis 2008, soit une dizaine d'années de recul, pour les premières. Plus précisément, entre le 1er janvier et le 22 septembre 2018, ce sont 793 contentions qui ont été posées sur 734 patients, parmi lesquelles 98 comportent une ou deux adjonctions.
La validation de ce chiffre doit passer bien entendu par la duplication de ce protocole par plusieurs opérateurs, afin justement de mesurer ce facteur opérateur, si important dans les procédures adhésives. Il s'agit en effet d'une technique exigeante quant au soin apporté à sa mise en œuvre, et en même temps à la portée de tous grâce aux matériaux sélectionnés, largement utilisés en omnipratique. Sans parler de l'intérêt d'une technique directe qui permet de réaliser l'ensemble de la procédure, de la dépose de l'appareillage aux finitions, en une seule séance bien préparée et rondement menée, en évitant tout aller-retour ou intervention de prestataire extérieur, synonyme de perte de temps comme de stabilité pour les dents les plus pressées de revenir à leur posture initiale !
Le recours aux techniques adhésives « conventionnelles » simplifie également les étapes de maintenance, qu'il s'agisse d'un toilettage général à l'aide de pâtes à polir ou de retouches où tous les instruments dynamiques (disques, polissoirs, brossettes...) peuvent être utilisés.
Les fibres, grâce à leur résistance à la flexion, permettent les mouvements physiologiques des dents. Néanmoins, lorsqu'une para-fonction n'a pas été détectée et qu'un impact répété est appliqué sur la fibre, il arrive qu'une fissure inter-dentaire apparaisse : la réparation ponctuelle est envisageable grâce à la possibilité de réactiver la liaison chimique avec les PMMA et de restaurer, ad integrum, les propriétés mécaniques de l'attelle.
Exemple de para-fonction sur une fibre avec adjonction de 12 et 22. À 5 ans, les indentations sont visibles sur la fibre au niveau des adjonctions. La fibre n'a pas lâché mais un espace s'est créé entre 13 et 14 (fig. 22). Le travail a consisté à fermer l'espace en remodelant 14 par adjonction de composite et de placer une fibre partielle entre 13 et 14 (fig. 23).
Les possibilités offertes par l'utilisation conjointe des fibres et des composites stratifiés permettent d'envisager une nouvelle approche pour des situations cliniques fréquentes ou plus exceptionnelles, en combinant contention et harmonisation du sourire, toujours en méthode directe (fig. 24 à 39).
Ces évolutions techniques permettent d'élargir les limites de ces traitements en proposant aux patients des solutions non invasives et surtout évolutives, sans altération de leur patrimoine dentaire. Le composite trouve ici la reconnaissance de ses qualités esthétiques et la facilité d'obtention, ou de restauration, de son état de surface qui en fait un matériau confortable à tous points de vue. L'absence de métal, remplacé dans ses caractéristiques fonctionnelles par les fibres de verres pré-imprégnées, est un autre paramètre à prendre en compte puisqu'elle répond à de nombreuses demandes, émises pour une diversité de motifs.
L'association rigoureuse de ces deux matériaux combine les avantages de chacun pour le plus grand confort du patient, respecté dans son intégrité dentaire, esthétique et fonctionnelle.
Les auteurs déclarent n'avoir aucun lien d'intérêts concernant cet article.