Clinic n° 01 du 01/01/2019

 

INTERVIEW SNCDCS

ACTU

Propos recueillis par Anne-Chantal De Divonne  

Impact de la nouvelle convention, prévention, développement des centres low cost... La présidente du Syndicat national des chirurgiens-dentistes des centres de santé (SNCDCS) donne son point de vue. Martine Dame a exercé en libéral et à l'hôpital pendant 27 ans avant de rejoindre l'un des 3 centres de santé municipaux de Nanterre (92). Elle effectue aussi une vacation hospitalière au Centre d'accueil de soins hospitaliers (Cash) de l'hôpital Max Forestier à Nanterre qui reçoit de nombreux SDF.

Que pensez-vous de la nouvelle convention ?

Nous ne l'avons pas négociée, elle s'impose à nous. Nous connaissons bien les publics précaires que nous avons toujours portés. Le panier à reste à charge zéro est plus un effet d'annonce qu'une avancée importante parce que les mutuelles vont beaucoup abonder pour compenser leurs coûts. Je crains que cette solution ne conduise à une médecine à plusieurs vitesses en fonction de la couverture de chaque patient.

Parallèlement, on n'a pas de prévention bucco-dentaire bien structurée en France.

Quel type de prévention demandez-vous ?

Plus on a de gens en précarité et en déshérence, plus il faut prendre le problème en amont. À Nanterre, on a 16 ans de recul sur un programme mis en place dans les écoles qui permet de dépister 9 000 enfants chaque année et d'effectuer les soins nécessaires. Les résultats chiffrés sont parlants. Nous avons une diminution de la carie sauf dans certains quartiers où le turn over des habitants est important. Mais pour ça, il faut une volonté politique, de l'argent et des soignants pédodontistes qui portent le projet.

Malgré ce programme, 5 % des enfants nous échappent. Il faut donc travailler plus en amont, avec les familles. Nous avons écrit un vrai programme d'éducation thérapeutique (ET). Mais, s'il est possible d'ajouter un volet dentaire à un programme d'ET sur le diabète ou l'obésité, un programme d'ET purement dentaire n'est pas accepté parce qu'il n'est pas dans la liste établie par le ministère ! Je vais me battre pour faire bouger les choses.

Quelle est votre position vis à vis des centres dits « low cost » ?

Les centres low cost sont notre bête noire.

Cela tranche avec ce qu'on a pu entendre jusqu'à présent, notamment de la Fédération des centres de santé...

La nouvelle présidence de la Fédération nationale des centres de santé porte plutôt les projets pluri-professionnels. On se targue, en tant que centre de santé, de soigner des gens précaires, fragiles ou en déshérence. Pour ce type de population, le monotype dentaire n'a pas de sens. On a besoin d'une coordination et d'un parcours de patients... Quand, en plus, ce type de structure dentaire s'installe parce qu'« on n'est pas cher », qu'on se met en concurrence avec les libéraux et qu'on capte les « csp+ » (catégories socio-professionnelles supérieures), ce n'est pas de la médecine !

Ces centres sont dangereux. Ils repèrent des locaux bien desservis par les transports en commun et mettent en avant leur statut associatif pour proposer aux services d'urbanisme des mairies de développer le quartier. Pour une mairie, ce statut est magique ! Dans la réalité, ces centres trient leurs patients et renvoient vers les autres centres ceux qui sont sous anticoagulants, les mineurs, les extractions...

Quelles solutions proposez-vous pour empêcher les dérives de centres low cost ?

Je n'étais pas opposée au rétablissement de la demande d'agrément mais il semble que ce ne soit pas la solution retenue, essentiellement pour des raisons juridiques. Ce système qui différencie les conditions d'installation des centres de celles des libéraux, ne serait pas conforme aux règles européennes.

Les centres mutualistes sont aussi inquiets que nous du développement des centres low cost. Je n'ai pas de solutions mais j'ai des pistes. Nous devons travailler avec l'Ordre sur les contrats. Il faudrait imposer aux responsables des centres de santé de verser à leurs chirurgiens-dentistes une part fixe équivalente à un salaire minimum. Un renforcement des contrôles de la sécurité sociale pourrait être efficace. À ce sujet, on observe que l'ARS d'Île-de-France a commencé à effectuer des contrôles, y compris dans des centres municipaux. Elle examine différents points comme les plannings, les contrats, le nombre d'assistantes, la stérilisation...

Nous travaillons à la mise en place d'un outil de contrôle des risques qui pourrait aussi être un moyen de surveillance.

De quoi s'agit-il ? Est-ce une forme d'accréditation ?

Notre objectif n'est pas d'aller vers une accréditation comme à l'hôpital. C'est un outil de contrôle visant les risques infectieux, mais aussi les risques administratifs, médicamenteux... Il est prévu que chaque centre pourra renseigner en ligne ce qu'il fait, ce qu'il ne fait pas et ce qu'il doit améliorer dans différents domaines. En répondant, chaque centre pourra aussi se comparer à la pratique de la moyenne des autres centres. Cet outil est prêt mais doit encore être testé avant d'être diffusé. Ce sera un indicateur pour les ARS qui auront accès aux données. Pour l'ensemble des centres, c'est aussi intéressant car nous serons soumis un jour ou l'autre à la certification. Autant nous organiser avant !

Nous évoquons tous ces sujets dans un groupe de travail réunissant le syndicat de médecins des centres de santé, celui des chirurgiens-dentistes, un représentant de la Fédération des centres de santé et un représentant des centres mutualistes. Nous nous retrouvons 2 à 3 fois par an au ministère pour faire avancer ces différents dossiers.