Le plan « Ma santé 2022 » prévoit la mise en place de 1 000 communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) à l’horizon 2022. Jean-Pierre Gallet, 61 ans, chirurgien-dentiste à Chinon en Indre-et-Loire, s’est lancé dans l’aventure au mois de janvier dernier. Ce passionné de santé publique est aujourd’hui à la tête de la CPTS de la Rabelaisie qui compte 120 adhérents volontaires.
Il y a encore 4 ans, Jean-Pierre Gallet n’aurait jamais imaginé être plongé comme aujourd’hui dans le bain de l’inter-professionnalité. Très investi dans la profession en tant que président des CDF (anciennement CNSD) d’Indre-et-Loire et président de la Commission paritaire, mais aussi formé à l’économie de la santé, ce praticien du pays de Rabelais se voyait terminer tranquillement sa carrière en comptant à regret les cabinets qui fermeraient autour de lui avant son propre départ en retraite. Son remplacement pendant quelques mois par 2 jeunes diplômés de la faculté de Nantes, qui ont ensuite manifesté leur intérêt pour une association, en décide autrement. Ces jeunes posent leurs conditions. Ils veulent s’investir dans un cabinet de groupe au sein d’une structure pluri-professionnelle. L’impulsion est donnée.
L’idée de départ est de monter une Maison de santé pluri-professionnelle (MSP). Finalement, les professionnels de santé optent pour la création d’un pôle de santé pluri-professionnel (PSP) sur 3 sites à Chinon. Parallèlement, l’offre de soins libérale de Chinon, sous-préfecture de 8 000 habitants, 25 000 dans le canton, était en train de se structurer. Aidé par sa formation d’économiste de la santé, Jean-Pierre Gallet s’embarque aussi dans la création de la CPTS. Le projet est signé avec l’ARS au mois de janvier 2018. « Nous sommes très en avance dans notre région car les URPS se sont rassemblées en fédération dès leur création, ce qui a permis aux professionnels élus de se connaître ». Et d’envisager ensemble de nouvelles formes d’exercice. Le conseil d’administration de la CPTS est composé de 7 professions de santé différentes avec, à sa tête, un chirurgien-dentiste, un vice-président médecin généraliste, une infirmière secrétaire générale…
« On est parti dans l’aventure en y consacrant un certain nombre de soirées. C’est une CPTS dynamique. Le tiers des professionnels de santé du territoire, environ 120, ont adhéré en faisant un chèque de cotisation à l’association. Les professionnels de la MSP et PSP du secteur l’on tout de suite rejoint. On a attiré les jeunes, des professionnels qui exercent de manière individuelle et qui voulaient se connaître et exercer de façon plus coordonnée. Tous sont conscients qu’il va y avoir une pénurie en moyens humains et en moyens financiers. Et qu’il faut donc apprendre à se connaître et à mieux gérer. »
Le dernier conseil d’administration de la CPTS a fixé 3 objectifs :
• améliorer les conditions d’exercice des professionnels de santé libéraux ;
• faciliter la coordination des soins ambulatoires et la coordination médecine ambulatoire et médecine hospitalière pour préparer la sortie d’hôpital d’un patient, notamment avec l’infirmier et le pharmacien qui sont en première ligne ;
• favoriser l’attractivité du territoire pour les nouveaux arrivants. « Nous sommes persuadés que l’attractivité dépend en grande partie de l’entente entre les professionnels de santé. »
De nombreux groupes de travail sont mis sur pied :
• la prise en charge pluridisciplinaire en soins palliatifs ou long séjour dont la HAD (hospitalisation à domicile) ;
• l’optimisation de la continuité des soins ;
• la formation aux nouveaux outils de coordination (le DMP, les SNACS - systèmes numériques d’aide à la coordination des soins, ainsi que la messagerie sécurisée) ;
• la gestion des soins non programmés ;
• les conditions d’exercice ;
• l’amélioration des relations ville/hôpital ;
• l’amélioration des relations entre les professions de santé et les professions médico-sociales pour les situations complexes (dépendance, familles mono-parentales…) ;
• le développement de l’éducation thérapeutique…
« Ces groupes permettent aux différents professionnels de mieux se connaître et de modifier leurs actions. » Un groupe télé-médecine est aussi constitué. « Nous préférons parler de télé-expertise car l’outil peut être très utile à un infirmier dans une EHPAD qui observe une lésion sur la muqueuse d’un patient. Les chirurgiens-dentistes aimeraient aussi envoyer des photos à un dermatologue en cas de doute », explique le chirurgien-dentiste qui note au passage l’intérêt de cette coordination pour la profession.
La CPTS regroupe aujourd’hui 120 professionnels de santé parmi lesquels les 4 chirurgiens-dentistes du PSP de Chinon et 3 de la MSP d’Avoine. La CPTS devrait compter 8 à 9 chirurgiens-dentistes au total. « Les chirurgiens-dentistes ont toute leur place dans cette organisation qui favorise les relations avec des confrères, des médecins, des infirmiers, des kinésithérapeutes, plaide Jean-Pierre Gallet . Pour les patients de plus en plus âgés, il est intéressant de bénéficier de la fiche de synthèse du DMP pour savoir s’il y a des anticoagulants, un diabète… et de savoir qui s’occupe du patient avant de le recevoir. Les médecins généralistes voient de très nombreuses urgences liées à des problèmes dentaires. Et ils demandent à pouvoir nous joindre pour savoir quoi faire dans l’immédiat et quand nous pourrons recevoir le patient. Cela peut être aussi utile que le pharmacien puisse adresser un patient. Certains kinésithérapeutes se sont spécialisés dans des pathologies de l’articulation temporo-mandibulaire. La CPTS va favoriser les relations. »
Les médecins ont mis en place une unité de soins non programmés. À tour de rôle, ils réservent dans leur agenda une matinée de garde pour les patients qui n’ont pas de rendez-vous en médecine libérale. Une organisation qui pourrait être intéressante à mettre en place dans le domaine dentaire quand le mode de facturation le permettra !
« Aujourd’hui, on essuie les plâtres, reconnaît Jean-Pierre Gallet, qui consacre du temps à la CPTS. Mais tout va se mettre en place. Il y aura des budgets. Nous avons la chance d’être très soutenus par l’ARS du Centre Val-de-Loire. Nous avons embauché une coordinatrice à tiers temps. D’ici 1 à 2 ans, nous aurons besoin de 1 ou 2 équivalents temps plein. »
Pour l’avenir, la question est de savoir si les libéraux sauront s’investir dans les CPTS. « Si les libéraux s’inscrivent dans cette démarche et sont volontaires, ils dirigeront le conseil d’administration et maîtriseront donc leur environnement. S’ils ne le font pas, d’autres structures telles que des groupes d’hospitalisation privée, l’hospitalisation publique, des mutuelles, ou encore de groupes financiers le feront à leur place. » prévient le président de la CPTS.
L’exercice regroupé avec les MSP ou cabinets de groupe sera, « bien au-delà des 2 à 3 prochaines années, une orientation fondamentale qui correspond aux aspirations des jeunes générations. Mais il n’est pas réaliste aujourd’hui pour tous les professionnels de santé », expliquait Éric Revel, directeur de la CNAM lors de la présentation du plan « Ma santé 2022 ». En complément de ces regroupements, une autre modalité d’exercice coordonné est encouragée sous la forme des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Avec les CPTS, les professionnels de santé sont invités à s’inscrire dans un fonctionnement plus collectif tout en restant dans leurs murs. Ils peuvent s’organiser pour répondre à certaines grandes missions comme la gestion des soins non programmés à l’échelle du territoire, la mutualisation des ressources pour les patients qui sont dans des parcours complexes… Le directeur de la CNAM prévoit, pour aider au fonctionnement des CPTS, la mise en place d’« un système d’information partagé à l’échelle du territoire, parfois aussi un investissement dans des ressources humaines, médicales, administratives ».