Clinic n° 10 du 01/10/2018

 

JURIDIQUE

Audrey UZEL  

Avocat au barreau de Paris

Dans un arrêt du 28 mars 2018 (n° 405060), le Conseil d’État pose une règle qui doit être connue de tous en matière de notification et de délai de procédure. Commentaire à l’usage des praticiens.

Les faits

Dans cette affaire, une chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins a prononcé à l’encontre d’un médecin une sanction d’interdiction d’exercer toute activité médicale pendant une durée de quinze jours, dont huit assortis du sursis. La sanction a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception le 10 juin 2016. Le praticien a interjeté appel devant la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre, appel enregistré au greffe de la juridiction le 13 juillet 2016. Par une ordonnance du 15 septembre 2016, la présidente de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins a rejeté l’appel formé, l’estimant tardif. En effet, selon elle, la notification de la décision étant intervenue le 10 juin 2016, le délai d’appel de 30 jours posé par l’article R. 4126-44 du Code de la santé publique a expiré le 10 juillet 2016.

M. A a alors formé un pourvoi devant le Conseil d’État, estimant que le délai d’appel n’avait pas commencé à courir au 10 juin 2016, au motif que la notification n’était pas conforme aux dispositions de l’article R. 4126-32, qui dispose qu’elle « est faite le même jour pour toutes les parties, au dernier domicile connu, par lettre recommandée avec avis de réception ou, le cas échéant, par voie de signification par huissier ». Il soutenait d’une part que la notification n’avait pas été faite à son domicile mais à son adresse professionnelle, et d’autre part que la lettre ne lui avait pas été présentée personnellement mais remise à l’accueil de l’établissement de santé où il exerce.

Le problème de droit

Il se divise en deux branches :

– le délai d’appel trouve-t-il à s’appliquer lorsque la notification est faite à l’adresse professionnelle du praticien et non à son domicile ?

– le délai de recours commence-t-il à courir au seul jour où le praticien a réellement connaissance de la décision rendue à son encontre ou à celle à laquelle la décision a été réceptionnée par un tiers ?

La réponse

Concernant la notion de domicile, le Conseil d’État rappelle qu’elle peut être assimilée à l’adresse professionnelle puisque, en l’espèce, « il est constant que le seul domicile que le médecin avait porté à la connaissance des juridictions disciplinaires était son adresse professionnelle […] ; ce domicile constituait, par suite, son dernier domicile connu ». Ainsi, n’ayant pas donné son adresse personnelle, il est admis que le praticien a élu domicile à son cabinet. La solution serait différente si le praticien avait fait connaître son adresse personnelle à l’Ordre. Concernant la réception par un tiers, le Conseil d’État pose un principe : « lorsque le destinataire d’une décision administrative soutient que l’avis de réception d’un pli recommandé portant notification de cette décision à l’adresse qu’il avait lui-même indiquée à l’administration n’a pas été signé par lui, il lui appartient d’établir que le signataire de l’avis n’avait pas qualité pour recevoir le pli en cause ». Dans l’affaire jugée, le médecin n’a pas contesté le pouvoir du signataire, ce qui justifie le rejet du pourvoi. La production d’un document précisant que l’accueil de l’établissement de santé n’avait pas mandat de recevoir le courrier du praticien aurait suffi à valider la thèse du professionnel. En son absence, il existe une présomption de pouvoir.

À RETENIR

Il y a fort à parier que les établissements de santé ou les centres de santé indiqueront désormais dans leur contrat d’exercice que le secrétariat est habilité à recevoir le courrier adressé au praticien, sauf si celui-ci s’y oppose expressément. Dans les cabinets libéraux, il faudra également le prévoir expressément, que ce soit dans les contrats des secrétaires médicaux, des assistants dentaires ou des collaborateurs.