ESTHÉTIQUE
Ancien AHU Paris Descartes
Exercice libéral
Paris
Nous assistons à une augmentation de la demande esthétique. Cette demande concerne très souvent une modification de teinte des dents [1]. L’éclaircissement dentaire permet de répondre à la plus grande partie de ces situations. C’est un traitement fiable, efficace, avec un bon recul clinique et qui présente souvent le rapport coût/bénéfice/sécurité le plus favorable [2
Nous assistons à une augmentation de la demande esthétique. Cette demande concerne très souvent une modification de teinte des dents [1]. L’éclaircissement dentaire permet de répondre à la plus grande partie de ces situations. C’est un traitement fiable, efficace, avec un bon recul clinique et qui présente souvent le rapport coût/bénéfice/sécurité le plus favorable [2-4]. Cependant, les praticiens sont aujourd’hui confrontés à un grand choix de produits, de techniques et de protocoles qui ne sont pas tous aussi efficaces et qui, surtout, ne présentent pas tous la même innocuité. Les objectifs de cet article sont de :
• rappeler quelques principes de l’éclaircissement ;
• présenter le protocole de Haywood ;
• proposer quelques modifications pouvant rassurer les praticiens et apporter plus de confort au patient.
Une part importante des colorations dentaires est liée à la présence de molécules colorées au sein des tissus durs mais il existe d’autres phénomènes qui agissent sur le changement de teinte des dents (transformation et vieillissement des tissus amélaires et dentinaires, usure, etc.) [5]. Les techniques d’éclaircissement seules ne sauront pas gérer les dyschromies liées à ces transformations structurelles.
L’objectif des solutions d’éclaircissement est de perturber la capacité de ces molécules à interagir avec la lumière en cassant certaines liaisons spécifiques. Cet effet est obtenu par l’utilisation d’une molécule oxydante : le peroxyde d’hydrogène.
Il existe cependant des situations qui seront réfractaires à l’éclaircissement.
Les voici, du pronostic le plus favorable au moins favorable.
• Teinte grise, dents translucides (fig. 1) : la luminosité plus faible de ces dents est liée non pas à la présence de pigments mais à la structure, à l’usure et au vieillissement. Cela ne constitue pas une contre-indication mais le résultat est moins visible. Il est préférable de prévenir le patient de cette limitation.
• Colorations au sein de lésions d’hypominéralisation (fig. 2). Le traitement préalable des colorations au sein des lésions d’hypominéralisation (fluorose, MIH, trauma) a été décrit [6-8]. Il permet de transformer une lésion colorée en une lésion d’hypominéralisation blanche, qui sera ensuite traitée par une technique d’infiltration. L’élimination de ces colorations nécessite des temps de traitement plus longs. Elle est souvent incomplète.
• Colorations liées aux tétracyclines [9] (fig. 3). Si, effectivement, les colorations aux tétracyclines ne peuvent jamais être totalement éliminées, des protocoles spécifiques ont été décrits, sur des durées de traitement de plusieurs mois à un an, pouvant aboutir à une amélioration de la situation [10-12].
• Colorations liées à la corrosion d’amalgame (fig. 4). Il s’agit de sels métalliques qui se sont intégrés à la structure des tissus minéralisés. Il n’est pas possible aujourd’hui d’extraire ces colorations chimiquement. Seuls une élimination mécanique ou un recouvrement prothétique peuvent gérer ce genre de situation.
De nombreuses solutions d’éclaircissement sont proposées sur le marché, à des compositions et des concentrations différentes. Lesquelles choisir et pourquoi ?
Si le peroxyde d’hydrogène est la molécule active, le protocole de Haywood repose sur l’utilisation d’une solution de peroxyde de carbamide. Le peroxyde de carbamide se dissocie par réaction en peroxyde d’hydrogène et en urée. Le rôle de l’urée est de déstabiliser les protéines. Cela va potentialiser l’effet du peroxyde d’hydrogène, ce qui permet de l’utiliser à des concentrations plus faibles.
De manière contre-intuitive, les solutions plus concentrées ne sont pas plus efficaces [13]. Il semble que le protocole qui apporte le meilleur résultat soit l’utilisation d’une solution faiblement concentrée pendant un temps de traitement long. En revanche, l’utilisation de solution concentrée augmente le risque de sensibilité.
Par ailleurs, la législation européenne limite la concentration de ces solutions d’éclaircissement à 6 % de peroxyde d’hydrogène, ce qui correspond à 18 % de peroxyde de carbamide.
L’analyse de la littérature sur l’éclaircissement montre une absence d’effets néfastes à moyen et long terme de ces traitements par rapport à la pulpe et aux tissus dentaires minéralisés.
Le risque majeur lié à l’éclaircissement est l’apparition de sensibilités dentaires pendant le traitement. Il existe une forte variabilité interindividuelle. Le risque est proportionnel à la concentration et au temps d’application. Ces sensibilités sont réversibles.
Au niveau de l’émail, il semblerait que 2 paramètres aient un impact sur l’état de surface et la micro-rugosité :
• un pH acide a un impact négatif. Il augmente la micro-rugosité et diminue la micro-dureté de l’émail [14-17] ;
• l’utilisation de solutions de reminéralisation (fluorures ou CPP/ACP) renforce l’émail et améliore le résultat esthétique [18].
Afin de diminuer le risque de ces effets adverses, nous comprenons pourquoi la solution d’éclaircissement doit :
• être peu concentrée ;
• être à pH neutre ;
• contenir une solution désensibilisante, à base de nitrate de potassium (Soothe®, SDI).
Au final, l’utilisation du protocole de Haywood semble être la solution de choix (fig. 5 à 8).
Il s’agit d’un traitement ambulatoire, réalisé par le patient lui-même à l’aide de gouttières thermoformées. Une solution de peroxyde de carbamide à 10 % est utilisée pendant 3 semaines, la nuit.
Toutes les études ayant associé une solution de reminéralisation ont rapporté un effet positif. Nous conseillons donc l’utilisation d’une solution de CPP/ACP (Recaldent®, contenu dans Tooth Mouss® et MI Paste Plus®, GC), elle aussi mise en place dans la gouttière.
Deux solutions peuvent être mises en place facilement.
• Utilisation de solution désensibilisante : une solution de nitrate de potassium a un effet désensibilisant. Elle a une action quasi immédiate et à long terme. Elle peut être appliquée dans la même gouttière thermoformée, à la place du produit d’éclaircissement. Les solutions de reminéralisation ont également un effet apaisant mais leur action est plus lente.
• Modulation de la durée d’application : il a été récemment proposé [19] une modulation de la durée de port des gouttières par le patient lui-même. Ainsi, il est conseillé au patient de porter ses gouttières 1 heure le premier jour. Si le patient ne ressent pas de sensibilité le 1er jour, il peut alors passer à 2 heures de port le 2e jour. Et ainsi de suite jusqu’à porter la gouttière toute une nuit si aucune sensibilité n’est apparue. Si des sensibilités apparaissent, il est demandé au patient de reprendre le traitement avec la durée de port qui ne lui cause pas de sensibilités.
1 Diagnostic.
2 Détartrage, élimination des colorations externes.
3 Traitement des lésions éventuelles :
- lésions amélaires débutantes (sista 2.0, voire 2.1) asymptomatiques : prise en charge carieuse classique. Pas de traitement nécessaire avant éclaircissement ;
- lésions carieuses symptomatiques plus profondes ou cavitaires : restaurations avant traitement d’éclaircissement ;
- lésions cervicales : la mise en place d’un adhésif est possible pour limiter le risque de sensibilités.
4 Photos préopératoires, avec filtre polarisé (SmileLite MDP, SmileLine®, Polar-Eyes®) : les filtres polarisés permettent d’obtenir des photos sans reflets, donnant ainsi accès à la teinte et à la translucidité des dents de manière bien plus précise. Les photographies constituent une preuve irréfutable de l’efficacité du traitement en cas de contestation. Les patients ont tendance à oublier leur teinte d’origine et apprécient toujours de voir leurs photos de teinte initiale.
5 Empreinte.
6 Réalisation de gouttières thermoformées souples ou fines rigides dans les cas de faible hauteur coronaire, pour assurer une meilleure rétention. Il a été montré qu’il n’est pas nécessaire de réaliser des réservoirs (fig. 9). Ils ont tendance à déstabiliser la gouttière et à augmenter le risque d’inflammation gingivale [20, 21]. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de découper la gouttière selon le collet des dents (fig. 10).
7 Séance d’essai des gouttières, de remise des produits (fig. 11) et de démonstration au fauteuil. Cette séance est obligatoire selon la législation européenne. Les conseils sont les suivants :
- après le brossage, mettre une goutte de produit dans l’intrados de chaque dent, au niveau de la face vestibulaire ;
- mise en place des gouttières ;
- lors du retrait des gouttières, les rincer à l’eau froide et les frotter avec la brosse à dent. Les stocker dans une boîte à prothèse ouverte ;
- au niveau de l’alimentation, il a été montré que la consommation d’aliments ou de boissons colorées (thé, café, etc.) ne diminuait pas l’efficacité du traitement. Il est cependant intéressant de suggérer la diminution de la consommation de ceux-ci pour ralentir la récidive ;
- si des taches blanches apparaissent pendant le traitement, il ne faut pas s’inquiéter. Elles sont réversibles et disparaîtront au bout de quelques semaines.
8 Séance de contrôle et photos postopératoires.
L’éclaircissement dentaire selon le protocole de Haywood est une technique simple, efficace, avec un rapport coût/bénéfice/sécurité très favorable. L’utilisation d’une solution de peroxyde de carbamide à pH neutre, contenant une solution désensibilisante, et d’une solution de reminéralisation en fin de traitement est conseillée. Y associer quelques conseils simples à donner au patient permet de proposer ces traitements d’éclaircissement avec un risque d’effets adverses maîtrisé et un confort optimal pour le patient et, donc, pour le praticien.