DE BOUCHE À OREILLE
Afin de réduire le déficit de l’Assurance maladie, l’État veut séparer la gestion des « grands risques », conservée par la Sécurité sociale, de celle des « petits risques », dont la dentisterie, retirée de son périmètre. Cela suppose néanmoins qu’une certaine proportion de ces actes restera prise en charge par la collectivité. La Sécurité sociale n’étant plus concernée, les mutuelles se chargeront de ces remboursements. Mais cela implique que les actes...
Afin de réduire le déficit de l’Assurance maladie, l’État veut séparer la gestion des « grands risques », conservée par la Sécurité sociale, de celle des « petits risques », dont la dentisterie, retirée de son périmètre. Cela suppose néanmoins qu’une certaine proportion de ces actes restera prise en charge par la collectivité. La Sécurité sociale n’étant plus concernée, les mutuelles se chargeront de ces remboursements. Mais cela implique que les actes transférés coûtent le moins cher possible, de manière à ce que les organismes complémentaires qui nous reprennent puissent envisager des marges financières encore plus importantes que celles qu’ils réalisent actuellement.
Et donc que nos honoraires soient revus à la baisse, quelle que soit la méthode utilisée. Depuis des années, l’État a donc, dans ce but, déclaré la guerre aux professions médicales libérales. Nous avons eu droit aux réseaux de soins, à la CCAM, aux perquisitions. Nous sommes sous le feu de contrôles d’activité dévastateurs qui permettront de sortir des statistiques lamentables concernant la qualité générale des soins dentaires, lesquelles justifieront les décisions de l’État en « prouvant » aux Français qu’une réforme de la dentisterie était absolument nécessaire.
Les négociations conventionnelles actuelles rentrent dans cet objectif, d’autant plus qu’Emmanuel Macron a promis que les RAC sur les soins dentaires passeraient à zéro. Que les syndicats signent la nouvelle convention ou pas, nos chiffres d’affaires seront amputés de 20, 30, voire 40 %. Or, ces messieurs font semblant d’ignorer que le bénéfice habituel d’un chirurgien-dentiste est de l’ordre de 25 %. Si on nous réduit notre chiffre de 25 %, il ne nous reste… rien ! Les cabinets les mieux organisés, exerçant dans les régions les plus pauvres en praticiens, s’en sortiront peut-être moins mal que les autres. Les confrères travaillant avec un panel de patients réduits, sur des rendez-vous de longueur fixe, risquent de manger leur chapeau et de devoir vendre maison, voitures et assurances-vie pour se recentrer sur des revenus amputés de deux tiers…
Dans tous les cas, la procédure de sauvegarde passera par des économies drastiques sur les fournisseurs (prothésistes, matériaux, matériels), une réduction du temps consacré aux soins… et donc une baisse conséquente de la qualité des soins, qui constituera une bombe à retardement pour ceux qui l’auront initiée.
Si nos syndicats signent la nouvelle convention, aussitôt la propagande d’État fera valoir que nous avons eu gain de cause, que nous allons bien nous en sortir et continuer à faire partie des CSP++. Lorsque la bombe de la qualité explosera, les seuls mis en cause seront les dentistes, coupables encore une fois de ne pas avoir respecté leur parole ni les référentiels de bonne pratique inclus dans la convention.
Si nous ne signons pas, nous aurons droit à un arbitrage qui sera très dur. Mais lorsqu’inévitablement la bombe qualitative éclatera, nous pourrons tout mettre sur le dos de l’État et de ses décisions stupides et irresponsables afin de ramener les nouvelles autorités à la table des négociations…