Clinic n° 06 du 01/06/2018

 

PARODONTIE

David JOSEPH*   Nathalie PAOLI**   Pascal AMBROSINI***   Nguyen TRAN****  


*Faculté d’odontologie de Nancy
Département de parodontologie et d’implantologie
École de Chirurgie Nancy-Lorraine
INSERM 1116
**Faculté d’odontologie de Nancy
***Faculté d’odontologie de Nancy
****École de Chirurgie Nancy-Lorraine
INSERM 1116

L’implantologie, très plébiscitée par les patients et offrant de bon taux de succès, est devenue une discipline incontournable à maîtriser par tout chirurgien-dentiste. Afin d’accompagner l’apprentissage d’un étudiant lors de son cursus initial ou lors d’une formation post-universitaire, le développement d’outils de simulation est en plein essor. Quels sont-ils ? Sont-ils une réelle valeur ajoutée à la maîtrise de la pose d’un implant dentaire ?

En implantologie dentaire, les techniques visant à remplacer l’organe dentaire ont beaucoup évolué durant les 30 dernières années, afin de répondre notamment aux demandes du patient. Celui-ci ne se contente plus d’un appareil amovible mais souhaite, dans la plupart des cas, bénéficier de restaurations fixes (fig. 1 et 2). Autrefois réservé à quelques praticiens, l’apprentissage de l’implantologie devient de plus en plus une réalité dans le cadre de la formation initiale, du moins sur le plan théorique, et surtout dans le cadre post-universitaire. À ce jour, le nombre croissant de systèmes implantaires mis sur le marché ne permet pas d’avoir une vue exhaustive de tous les systèmes lors de la formation d’un praticien. De plus, le nombre de formations permettant un accompagnement au fauteuil du praticien lors de ses premières poses d’implants est limité alors qu’elles sont très plébiscitées, sécurisant l’apprenant. Il devient donc indispensable de permettre aux apprenants de développer leur gestuelle en leur fournissant des techniques de simulation qui autorisent un apprentissage en toute sécurité, de manière plus autonome, plus exhaustive (en termes de systèmes implantaires) et avec une mise en situation permettant un retour de sensations au plus proche de ce qu’ils vont ressentir lors des futures chirurgies.

Les enjeux de la formation à l’implantologie dentaire

L’implantologie est à l’heure actuelle en pleine® évolution.

(R) évolution technique tout d’abord

Bien que le principe de l’ostéo-intégration soit aujourd’hui bien défini, les industriels recherchent en permanence de nouveaux états de surfaces implantaires, de nouvelles formes, de nouveaux modes d’assemblage afin d’élargir les indications de l’implantologie. Ces évolutions obligent le praticien à se former en permanence s’il souhaite proposer à ses patients les meilleurs soins conformes aux « données acquises de la science ». Une étude rétrospective systématique a montré que le taux de complications peut être élevé pour certaines des reconstructions fixes sur implants [1, 2]. La méconnaissance des concepts prothétiques peut aboutir à un positionnement délétère de l’implant avec un risque de complication à moyen ou long terme. La complexité des obstacles anatomiques au maxillaire et à la mandibule en cas de résorption osseuse augmente le risque de perforation osseuse ou de défaillance à distance des implants [3]. Afin de garantir un certain niveau de compétences, l’obtention d’une certification reposant sur des évaluations objectives, comparables et reproductibles, reconnue par tous, semble indispensable. C’est dans ce sens qu’intervient une seconde révolution.

(R) évolution pédagogique

Autrefois, le compagnonnage (transmission entre un maître et un apprenant) était fréquent durant les études puis dans les premières années d’installation. Cette habitude est de plus en plus remise en question en raison d’un déséquilibre entre le nombre d’enseignants et le nombre d’étudiants en formation initiale (augmentation du numerus clausus), des évolutions pédagogiques et sociétales et, enfin, des assurances qui demandent l’obtention d’une formation accréditée. La formation en implantologie se doit de développer le raisonnement prothétique support au choix de l’axe implantaire (fig. 3 et 4), le sens tactile, de permettre une réflexivité de l’apprenant pour renforcer ses acquis et apprendre de ses erreurs, le tout dans une volonté de sécurisation des actes et de certification. Il n’est effectivement plus concevable au XXIe siècle qu’un praticien réalise un acte pour la première fois sur un patient sans une expérience tactile préalable. Il a donc été indispensable de développer des moyens d’enseignements efficaces et ludiques pour optimiser la formation des apprenants.

Intérêt des simulateurs pour acquérir des compétences en implantologie

Depuis quelques années, de nouveaux outils fondés sur la simulation cognitive, technique et numérique ont été développés afin d’améliorer l’apprentissage dans des domaines allant de la formation militaire jusqu’au domaine médical en passant par l’aéronautique [4, 5]. Il convient de distinguer différents types de simulateurs dits « de haute résolution » : d’une part, les simulateurs traditionnels qui sont des pièces anatomiques (humaines ou animales) et, d’autre part, les simulateurs haptiques qui permettent la reconstruction d’un environnement de travail en 3D avec un ou plusieurs bras à retour de force permettant de ressentir au mieux les sensations réelles de travail.

L’utilisation des pièces anatomiques pour l’apprentissage par simulation présente plusieurs inconvénients : disponibilité limitée, coût d’utilisation important (notamment lorsqu’il s’agit d’échantillons humains), absence de standardisation, usage unique, évaluation subjective des gestes reposant sur l’observation. Pour pallier ces problèmes, l’utilisation de simulateurs chirurgicaux haptiques offre une alternative concrète et performante pour la formation à l’implantologie chirurgicale. Ils proposent des parcours progressifs d’apprentissage (d’une situation simple à une situation complexe), dans des conditions proches de la clinique recréées par réalité virtuelle et avec la possibilité de réaliser des mesures objectives de paramètres spatiaux et temporels de la performance des utilisateurs. Les dernières générations peuvent même permettre de simuler l’intervention, à partir de véritables données d’imagerie des patients (importation de cas à partir de fichiers DICOM et/ou STL), pour optimiser la réalisation de l’acte chirurgical qui suivra au bloc opératoire.

Les simulateurs haptiques en odontologie

En odontologie, différents simulateurs haptiques sont disponibles sur le marché tels que Simodont® (utilisé en prothèse) ou encore Virteasy® (pour l’implantologie) (tableau 1). Les rares publications disponibles sur l’apport de ces simulateurs dans l’acquisition de compétences ont été réalisées en odontologie conservatrice [6-9], en chirurgie endodontique apicale [10], en parodontologie (sondage, surfaçage radiculaire) [10, 11] mais également en implantologie [12]. Il a été montré que les simulateurs sont capables de distinguer les novices des experts, d’améliorer le geste thérapeutique, et qu’ils sont plébiscités par les apprenants et les enseignants. Dans une étude préliminaire, Gal et al. [13] ont conclu à l’intérêt d’utiliser ces nouveaux systèmes d’apprentissages fondés sur l’utilisation d’un bras à retour de force pour renforcer la dextérité des étudiants. Nos travaux appuient ces résultats quant à leur utilisation pour l’apprentissage des gestes de base en implantologie [12]. Notons tout de même que toutes les études ne montrent pas une supériorité de la simulation haptique sur la simulation traditionnelle [6-12].

Simulation haptique en implantologie : exemple du Virteasy®

Le Virteasy® un des premiers simulateurs haptiques conçu pour l’apprentissage de l’implantologie. Il permet d’offrir en plus de la réflexion théorique sur le positionnement de l’implant, la possibilité de réaliser le geste en fournissant la sensation tactile à l’apprenant. Il comporte :

• le Virteasy® implant scan qui permet de planifier une intervention en choisissant, au sein d’une base de données, un cas clinique sur lequel l’apprenant peut proposer un plan de traitement et le confronter avec celui d’un praticien référent ;

• le Virteasy® implant pro (fig. 5) qui constitue la simulation chirurgicale à proprement parler. Elle combine l’utilisation de lunettes stéréoscopiques et d’un contre-angle relié à un bras à retour de force. Grâce à un module d’évaluation objectif (fig. 6), il permet à l’apprenant de valider son forage par rapport à un positionnement de référence planifié.

Les simulateurs haptiques tels que le Virteasy® permettent :

• d’accélérer la courbe d’apprentissage grâce à la répétition des actes, la diversité des situations cliniques, l’analyse des erreurs et l’auto-évaluation ;

• d’être en situation la plus proche possible de la réalité ;

• de sécuriser les interventions futures ;

• d’appréhender la première fois dans de meilleures conditions.

Notre expérience en simulation haptique implantaire

Lors d’une étude prospective randomisée [12] menée sur 60 participants répartis en 3 groupes (1 groupe novice, 1 groupe entraîné par simulation haptique et 1 groupe expert), nous avons pu relever le bénéfice à utiliser ces nouveaux simulateurs pour entraîner des étudiants en odontologie. Le groupe utilisant la simulation a montré une courbe de progression rapide de différents paramètres objectifs comme, par exemple, une amélioration du respect de l’angulation, lors de la préparation d’un site au niveau de 36, et du temps de forage (fig. 7 et 8). Les 3 groupes ont ensuite réalisé une préparation sur un modèle en résine utilisé classiquement en formation. Le groupe d’étudiants entraînés par simulation haptique avait tendance à se rapprocher des scores du groupe expert et réalisait, par exemple, moins de perforations que le groupe novice. On notait également un meilleur positionnement du point d’impact (fig. 9 et 10).

Conclusion

La simulation haptique n’en est qu’à ses débuts mais pourrait rapidement devenir un outil supplémentaire dans l’arsenal pédagogique des formateurs en implantologie, lors du cursus initial mais aussi de la formation continue. Gardons à l’esprit que cet outil, qui possède des points positifs et des points à améliorer (tableau 2), permet de retranscrire de façon assez fidèle la sensation de travail sur les tissus durs. La gestion des tissus mous est à l’heure actuelle plus difficile à modéliser et des efforts devront être entrepris pour offrir la possibilité de réaliser l’ensemble des interventions de façon virtuelle (de l’incision aux sutures). Nul doute que les progrès informatiques futurs pourront résoudre ce challenge.

Bibliographie

  • [1] Salvi GE, Brägger U. Mechanical and technical risks in implant therapy. Int J Oral Maxillofac Implants 2009;24 (suppl):69-85.
  • [2] Martin W, Lewis E, Nicol A. Local risk factors for implant therapy. Int J Oral Maxillofac Implants 2009;24 (suppl):28-38.
  • [3] Binon PP. Treatment planning complications and surgical miscues. J Oral Maxillofac Surg 2007;65 (suppl. 7):73-92.
  • [4] McGaghie WC, Issenberg SB, Cohen ER, Barsuk JH, Wayne DB. Does simulation-based medical education with deliberate practice yield better results than traditional clinical education? A meta-analytic comparative review of the evidence. Acad Med 2011;86:706-711.
  • [5] McGaghie WC, Issenberg SB, Petrusa ER, Scalese RJ. A critical review of simulation-based medical education research: 2003-2009. Med Educ 2010;44:50-63.
  • [6] de Boer IR, Lagerweij MD, de Vries MW, Wesselink PR, Vervoorn JM. The effect of force feedback in a virtual learning environment on the performance and satisfaction of dental students. Simul Healthc 2017;12:83-90.
  • [7] Konukseven EI, Onder ME, Mumcuoglu E, Kisnisci RS. Development of a visio-haptic integrated dental training simulation system. J Dent Educ 2010;74:880-891.
  • [8] Jasinevicius TR, Landers M, Nelson S, Urbankova A. An evaluation of two dental simulation systems: virtual reality versus contemporary non-computer-assisted. J Dent Educ 2004;68:1151-1162.
  • [9] de Boer IR, Wesselink PR, Vervoorn JM. Student performance and appreciation using 3D versus. 2D vision in a virtual learning environment. Eur J Dent Educ 2016;20:142-147.
  • [10] Steinberg AD, Bashook PG, Drummond J, Ashrafi S, Zefran M. Assessment of faculty perception of content validity of PerioSim©, a haptic-3d virtual reality dental training simulator. J Dent Educ 2007;71:1574-1582.
  • [11] Corrêa L, de Campos AC, Souza SCOM, Novelli MD. Teaching oral surgery to undergraduate students: a pilot study using a web-based practical course. Eur J Dent Educ 2003;7:111-115.
  • [12] Joseph D, Jehl JP, Maureira P, Perrenot C, Miller N, Bravetti P, et al. Relative contribution of haptic technology to assessment and training in implantology. BioMed Research International 2014;2014: e413951.
  • [13] Gal GB, Weiss EI, Gafni N, Ziv A. Preliminary assessment of faculty and student perception of a haptic virtual reality simulator for training dental manual dexterity. J Dent Educ 2011;75:496-504.