Clinic n° 06 du 01/06/2018

 

CONVENTION DENTAIRE

ACTU

ACD  

Les négociations conventionnelles réengagées à la mi-septembre devaient s’achever à la fin du mois de mai. Des ajustements sont encore négociés avec l’Assurance maladie avant la dernière séance programmée le 25 mai. Sous réserve des dernières modifications, les responsables de la CNSD et de l’UD plaideront pour la signature face à leurs troupes. La FSDL, en revanche, ne signera pas.

La première proposition de texte de convention est entre les mains des syndicats depuis le 7 mai. Les partenaires avaient jusqu’au 13 mai pour demander des modifications à l’Uncam. L’objectif est d’aboutir à une version définitive pour la dernière séance de négociation fixée le 25 mai. L’UD et la CNSD ont déjà retenu respectivement le 30 mai et le 1er juin pour convoquer une assemblée générale extraordinaire qui décidera de la signature ou non du texte conventionnel.

L’architecture générale du texte ne devrait plus changer mais plusieurs aspects sont encore en discussion et notamment :

• la CNSD et l’UD craignent que les patients diffèrent leurs soins prothétiques dans les mois qui précèdent la mise en place de la prothèse à reste à charge zéro, mettant en péril l’équilibre économique des cabinets. Les syndicats veulent donc une solution qui évite ce « trou d’air » avant « la prothèse Macron » ;

•  plusieurs syndicats demandent une réévaluation du tarif de la prothèse adjointe jugé encore trop faible ;

• à la FSDL on s’inquiète de la perte de liberté thérapeutique du praticien qui sera obligé de proposer des couronnes céramo-métalliques alors même qu’il a choisi de ne plus poser ce type de prothèse.

Les responsables syndicaux ont pris leur décision

À l’issue de la dernière période de négociation engagée au mois de septembre, les responsables syndicaux de la CNSD et de l’UD ont choisi, sous réserve des derniers arbitrages, de signer le projet d’accord. Le leader de la FSDL ne signera pas.

Patrick Solera, président FSDL ne veut pas signer le projet de texte conventionnel

PS : Il n’y a pas eu d’évolution dans les montants alloués par rapport à l’avenant 4 et au règlement arbitral. Et le panier à reste à charge zéro nous impose une contrainte tarifaire importante. Le directeur de l’Assurance maladie nous impose de présenter systématiquement un devis avec une solution RAC 0. Le patient aura donc toujours une solution alternative à un acte du panier libre. Je pense que 30 % des cabinets sont condamnés à disparaître. Ce sont les cabinets des grandes villes dont les honoraires sont 20 à 30 % au-dessus des plafonds. Si nous signons ce projet, cela signifie que nous sommes d’accord et plus aucun politique ne reviendra en arrière. J’espère que la profession va se réveiller et engager un bras de fer avec les politiques qui sont déconnectés de la réalité et nous appliquent un projet économique sans aucun objectif de santé publique.

Philippe Denoyelle, président UD, est favorable à la signature du texte négocié

PD : Le texte négocié est profitable à la profession, même s’il ne l’est pas autant que ce que l’on aurait pu souhaiter. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui ne veulent pas signer parce qu’ils pensent que la contrepartie au plafonnement imposé est insuffisante. Il s’agit de comparer le texte négocié non pas avec notre exercice actuel mais avec ce qui se passerait avec le règlement arbitral agrémenté du RAC O !

Y a-t-il eu de vraies négociations ?

PD : Cela fait un an et demi que l’on est en négociation.

Une négociation, ce n’est pas la validation de tout ce que l’on demande. C’est un compromis. Avant même que la négociation se prépare, les trois syndicats avaient signé une plate-forme dans laquelle ils acceptaient que, dans la négociation, il y ait des revalorisations de soins en contrepartie de modérations tarifaires sur la prothèse. On savait qu’on partait vers des plafonnements. Dire qu’on le découvre est un mensonge vis-à-vis de la profession.

Quels sont les avantages du projet de convention ?

PD : On a une nette amélioration en bénéfice global pour la profession par rapport au règlement arbitral qui avait supprimé tout espace de liberté et tout débat conventionnel. Le gain pour la profession est de l’ordre de 750 millions de l’Assurance maladie. Le texte conventionnel permettra à ceux qui le souhaitent de proposer des actes différents en gardant une liberté de tarif. Pour moi, c’est le principal.

Le panier RAC O est imposé par le gouvernement, que l’on signe ou non. Mais nous avons négocié des tarifs raisonnables. Ils auraient pu être très inférieurs si on n’allait pas vers la signature de la convention. Ce ne serait pas une surprise si la Direction de la sécurité sociale les fixait à un tarif similaire à ceux de la CMU. Avec la convention, quand le panier RAC 0 sera en place, le réinvestissement de l’AMC atteindra 300 à 400 millions d’euros. Au total, c’est plus d’un milliard pour le dentaire.

Enfin, pour moi, le choix ne se limite pas au montant du réinvestissement. C’est toute une philosophie de la vie conventionnelle. Avec ce texte, on reste dans un débat conventionnel. Le dialogue continuera à exister. Si on ne signe pas, il est vraisemblable qu’il n’y aura plus de paritarisme.

Certains avancent que l’accord ferait le jeu de la dentisterie low cost ?

PD : Je ne peux pas tolérer que l’on dise que des couronnes à 500 euros sont mal faites. Un grand nombre de confrères réalisent des prothèses à ce tarif et même à un tarif inférieur. C’est un faux argument. Avec le RAC O, les centres low cost auront au contraire plus de difficulté à exister puisque les tarifs seront les mêmes ailleurs.

Catherine Mojaïsky, présidente CNSD Au moment de quitter la présidence de la CNSD, le 12 mai, pour laisser la main à Thierry Soulié, Catherine Mojaïsky a défendu le projet de convention négocié

CM : Dans le cadre qui a été fixé – une enveloppe globale de 800 millions d’euros –, je crois que nous avons pu obtenir le meilleur pour la profession. Nous avons eu des marges de manœuvre, nous avons pu orienter les revalorisations, constituer les paniers… Toutes les dispositions sur la prévention, le diabète, le handicap, l’examen de prévention des très jeunes enfants, les expérimentations sur la prévention et même la télémédecine sont des avancées que l’Assurance maladie n’aurait jamais inscrites si nous ne l’avions pas demandé. L’augmentation de la base de remboursement sur les inlays/onlays n’est pas négligeable. Elle pousse vers une dentisterie différente, moderne.

Nous avons eu une vraie négociation, âpre car le cadre financier était fermé, mais courtoise. Je ne dis pas que c’est la convention de rêve, mais on a des espaces de liberté. Il faut avoir une analyse globale de la situation. Personne ne peut prédire l’avenir. Les politiques et le parlement peuvent toujours réécrire un texte, une loi. Il n’empêche, un texte conventionnel est plus sécurisé que si on laisse la main au législateur ou à l’État !

Si on n’a pas de texte, ce seront les plafonds du règlement arbitral qui s’appliqueront sans aucune liberté d’honoraires.

Au moment de passer la main, quelle analyse faites-vous des six années passées à la tête de la CNSD ?

CM : Ces années ont été difficiles car la profession a fait face à des volontés politiques sans précédent. Le dentaire est devenu un enjeu politique majeur avec le soutien de la population à l’unanimité. Il a fallu se battre pour préserver les intérêts et l’unité de la profession. Ce dernier point a été compliqué avec l’arrivée et des réseaux sociaux et des fake news.

Je passe la main à quelqu’un qui est très bien préparé. Nous avons une CNSD renforcée dans son unité. Les attaques et les agressions ont finalement été un atout de cohésion. Elle peut afficher aujourd’hui avec fierté ses valeurs, sa vision de la défense de la santé publique, de la défense des intérêts de la profession qui sont liés à ceux de nos patients. Nous pensons que l’amélioration de l’accès aux soins est bonne pour tout le monde mais il faut que les cabinets puissent continuer à tourner, investir et délivrer des soins de qualité.