Clinic n° 05 du 01/05/2018

 

C’EST MON AVIS

Jean-Jacques ZAMBROWSKI  

Médecin et économiste de la santé

Au moment où je rédige ce billet, on annonce comme imminente la signature de la convention par au moins un des syndicats représentatifs de la profession dentaire. On est en droit de se demander s’ils avaient vraiment le choix, tant il est vrai que le régime d’administration directe par l’Assurance maladie constituait une menace pire encore que celle de l’acceptation d’un régime conventionnel largement insatisfaisant. On peut aussi disserter sur la légalité de cette formule...


Au moment où je rédige ce billet, on annonce comme imminente la signature de la convention par au moins un des syndicats représentatifs de la profession dentaire. On est en droit de se demander s’ils avaient vraiment le choix, tant il est vrai que le régime d’administration directe par l’Assurance maladie constituait une menace pire encore que celle de l’acceptation d’un régime conventionnel largement insatisfaisant. On peut aussi disserter sur la légalité de cette formule d’administration directe, incompatible selon certains fins connaisseurs avec le cadre législatif et réglementaire en vigueur. Mais l’essentiel n’est pas là.

Concrètement, l’Assurance maladie, pour laquelle il faut rappeler que le dentaire ne représente que 1,5 % de la dépense annuelle, entend contrôler d’une main ce qu’elle accepte de lâcher de l’autre.

J’ai écrit au début de cette tribune que je craignais que les syndicats n’aient pas vraiment le choix. Le régime qui résulterait de la non-signature dépasse l’ensemble des inconvénients et contraintes qui seraient liés au régime dégradé dit « d’administration directe ». Si la convention n’est pas signée, l’Assurance maladie compte en effet faire introduire dans le prochain PLFSS une nouvelle disposition législative assortie de textes réglementaires par lesquels la tutelle aurait toute liberté de fixer à sa guise les montants des tarifs opposables.

Au-delà de cet encadrement des tarifs, qui mettrait l’équilibre économique de nombreux cabinets en très fâcheuse posture, le praticien déconventionné perdrait les divers avantages liés au statut conventionnel.

Quant à l’Assurance maladie, les directives du politique sont sans ambiguïté concernant le « reste à charge zéro » et le retour à l’équilibre des comptes publics. En fait, la crainte qui semble la plus fondée est bien de voir cette convention mettre en péril l’équilibre économique et la survie même de certains cabinets dentaires attachés à une véritable qualité des soins et des pratiques. A contrario, ce régime resserré et encadré ne favoriserait que l’offre low cost sur laquelle se sont multipliés les reproches de marchandisation de la santé et des soins dentaires au rabais.

En réalité, on doit regretter que le gouvernement, qui vient de publier un intéressant programme visant à faire de la prévention un axe majeur de notre politique de santé, n’y ait que fort peu inclus la santé bucco-dentaire. On sait pourtant l’impact que cette dernière a sur la santé, considérée dans sa globalité. Aux conséquences médicales d’un mauvais état dentaire s’ajoutent les conséquences économiques et sociales. L’impact économique d’une mauvaise santé dentaire dépasse largement le montant des dépenses en soins dentaires.

La prévention, les soins conservateurs et parodontaux doivent devenir la base de la nouvelle politique de santé bucco-dentaire. Il me semble impératif d’inclure sans délai des mesures visant à un plus large recours à des moyens de prévention, de dépistage et de traitement précoce qui, dans le cadre d’une politique de santé conduite par les pouvoirs publics, permettraient de combler le retard pris par notre pays en la matière. Et de faire de substantielles économies en matière de dépenses de santé.