Le législateur aurait-il oublié le serment d’Hippocrate ? En effet, un chirurgien-dentiste a le droit de refuser de prodiguer des soins. Dans quelles conditions ?
En vertu de l’article R. 4127-232 du code de la santé publique, hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, le chirurgien-dentiste a toujours le droit de refuser ses soins pour des raisons personnelles ou professionnelles. Ce principe est soumis à deux conditions. D’une part, ce refus ne doit jamais nuire à son patient. Si, par exemple, les soins doivent être faits d’urgence sous peine de dégradation grave de l’état du patient, le dentiste est tenu à une obligation de soins. D’autre part, le chirurgien-dentiste doit s’assurer de la continuité des soins et fournir à cet effet tous renseignements utiles. Il doit orienter le patient vers un autre professionnel et remettre à ce dernier tous documents dont il dispose et répondre à ses questions.
L’article L. 1110-3 du code de santé publique précise que les praticiens ont le droit de refuser de pratiquer des soins dans certains cas précis, tels que risque d’atteinte à sa sécurité, clause de conscience, refus de certains soins ou absence de suivi de la part du patient. À cela s’ajoutent des raisons d’ordre professionnel, liées à l’environnement professionnel et à son organisation. Par exemple, le refus de soins est justifié si le patient se rend au cabinet aux heures de fermeture, si le chirurgien-dentiste ne dispose pas du matériel nécessaire à l’opération sollicitée ou si son matériel est indisponible ou, encore, s’il n’a pas de place dans son emploi du temps pour recevoir le patient. Des motifs personnels peuvent également être invoqués. Enfin, dans certains cas, le refus de soins est obligatoire : si les soins à donner excèdent ses compétences, si les risques sont plus importants que les bénéfices escomptés, si le manque de moyens à sa disposition est manifeste.
Le refus de soins, notamment lorsqu’un motif personnel est invoqué, ne doit pas être source de discrimination. En effet, l’article R. 4127-211 du code de santé publique dit : « le chirurgien-dentiste doit soigner avec la même conscience tous ses patients, quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminées, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard ». Comme le rappelle régulièrement l’Ordre, tel est le cas lorsque le chirurgien-dentiste refuse systématiquement des patients CMUistes ou encore bénéficiaires de l’aide médicale de l’État (AME).
Refuser illégalement des soins à un patient est passible de poursuites disciplinaires, voire de poursuites pénales. Il convient de souligner que les conseils départementaux communiquent au Conseil national de l’Ordre un tableau statistique des plaintes et récriminations traitées. En conséquence, les refus de soins illégaux sont tracés au niveau national.
Le refus de soins est strictement encadré. S’il peut être motivé pour des raisons personnelles, la frontière est parfois ténue avec un refus discriminatoire. Dans ce cas, le patient devra démontrer le caractère illégal de votre refus. À charge pour le professionnel d’apporter tout élément permettant de constater la régularité de son refus et le respect de ses obligations déontologiques (transmission des informations à un confrère).