Le CNPS a engagé une bataille juridique pour empêcher l’accès partiel aux professions de santé. Mais les libéraux de santé s’inquiètent aussi d’une nouvelle directive européenne en voie de finalisation qui fait craindre la fin du principe de subsidiarité pour les professions de santé.
L’exception de la santé dans chaque État membre pourrait-elle être remise en cause ?
C’est en tout cas la crainte du CNPS. L’accès partiel est « une première marche qui permet de contourner les règles de chaque pays » en matière de santé, affirme le président du CNPS, François Blanchecotte. De fait, quand une profession n’existe pas dans un pays membre de l’Union européenne, l’accès partiel permet de venir l’exercer en partie. En France par exemple, la possibilité peut ainsi être donnée à un denturologue d’exercer une partie de la profession de chirurgien-dentiste ou à une matrone croate d’exercer une partie de la profession de sage-femme.
Pour le CNPS, cet accès partiel ouvre la voie à une « déqualification » des professions de santé. Il redoute qu’une confusion s’installe pour les patients entre les professionnels de plein exercice et ceux qui bénéficient de l’accès partiel. Il y voit aussi une « machine à démanteler par bloc les métiers et compétences des professions réglementées de santé pour instaurer des sous-professions » et un moyen de favoriser une « offre low cost, sous-qualifiée et non garantie ». Mais, malgré l’opposition des libéraux de santé, le gouvernement français a transposé en droit français la directive sur la qualification professionnelle de 2013 qui introduit l’accès partiel pour les professions réglementées. Il a publié un décret et deux arrêtés (3 novembre et 5 décembre 2017) et le Parlement a ratifié, contre l’avis du Sénat, une ordonnance qui est parue au Journal Officiel du 27 février 2018.
L’opposition du CNPS s’est donc déplacée sur le terrain juridique. L’organisation de libéraux a engagé le 29 décembre un recours en Conseil d’État afin de demander l’annulation du décret et des deux arrêtés. Pour le CNPS, ces textes « sur-transposent » la directive européenne. Car la directive « exclut l’application de l’accès partiel aux professions dites à reconnaissance automatique » (médecin, pharmacien, chirurgien-dentiste, sage-femme, infirmier), selon le CNPS. Les libéraux de santé relèvent d’ailleurs que l’Allemagne, l’Autriche et la Pologne ont exclu les professions médicales de l’accès partiel.
Cette bataille juridique tout juste engagée, le CNPS s’inquiète de nouveaux dispositifs en cours d’élaboration à la Commission européenne. Une directive relative au test de proportionnalité, actuellement en voie de finalisation, lui fait craindre la fin du principe de subsidiarité qui permet actuellement à chaque pays d’avoir ses propres lois en matière de santé.
Le test de proportionnalité impose en effet au pays qui veut faire évoluer une profession réglementée de soumettre son projet de réforme aux instances européennes. À charge pour ces instances de vérifier que ce projet n’empêche pas la libre circulation entre pays.
Avec cette nouvelle directive, « un pays n’aurait plus la liberté de modifier le statut de ses professions réglementées s’il était contraire à l’esprit de libre circulation. Il n’y aura plus la possibilité de juger du niveau de sécurité souhaité pour protéger les patients », s’inquiète Catherine Mojaïsky, secrétaire générale du CNPS.