RESTAURATION
Romain CEINOS* Marine LE LOUARN** Marie-France BERTRAND***
*Docteur en chirurgie-dentaire
Maître de conférences associé
des Universités,
Odontologie 58e section
Réhabilitation Orale
Université Côte d’Azur,
Nice
**Docteur en chirurgie-dentaire
Pratique libérale
Nice
***Docteur en chirurgie-dentaire
PU-PH
Odontologie 58e section
Réhabilitation Orale
Université Côte d’Azur,
Nice
Les attentes esthétiques placent aujourd’hui les facettes comme une thérapeutique incontournable assurant restitution de l’aspect tissulaire et bio-compatibilité.
Depuis les années 80, les facettes céramiques collées sont considérées comme l’étalon des restaurations esthétiques à long terme. Elles ne répondent cependant pas à toutes les situations, eu égard au nombre de séances nécessaires, à leur technicité et à leur coût élevé.
Les facettes réalisées en méthode directe peuvent s’avérer être des alternatives intéressantes venant répondre à bon nombre de contextes cliniques. Cet article a pour objectif d’illustrer le procédé de l’estampage direct au travers de cas cliniques.
Le chirurgien-dentiste se doit d’offrir à son patient la solution individuelle la plus adaptée. L’âge du patient, la situation clinique, les attentes esthétiques, les possibilités financières, le temps disponible sont autant de paramètres à prendre en compte pour orienter de manière pertinente son choix. La facette directe s’inscrit dans cette stratégie.
Par opposition à la facette indirecte nécessitant une prise d’empreinte, ce procédé ne requiert pas l’intervention d’un technicien de laboratoire. La facette est entièrement réalisée en résine composite au fauteuil. Le praticien est ainsi le seul maître d’œuvre dans la confection de la facette.
La facette directe repose sur les méthodes classiques de stratification des résines composites. Le praticien façonne donc la surface vestibulaire par l’apposition d’incréments de composite sur les tissus dentaires conditionnés [1, 2]. Cependant, l’apparition de nouveaux dispositifs permet de s’affranchir de la phase de sculpture au profit d’une méthode par « estampage » direct où la morphologie de la facette vient non plus être sculptée mais impactée [3].
Réputées comme étant les plus stables et résistantes dans l’environnement buccal [4], les facettes indirectes collées sont aussi les championnes en termes de rendu esthétique [5]. Cette méthode est la plus codifiée dans la littérature scientifique et elle est naturellement la plus prisée par les chirurgiens-dentistes et le grand public. En revanche, les facettes directes sont parfois méconnues, voire injustement dépréciées des praticiens.
La restauration directe en composite par stratification est une alternative hautement conservatrice : elle offre, pour un retrait minimum de structure dentaire, la possibilité de restituer les contours et couleurs de la forme souhaitée. Le large éventail de nuances colorimétriques, de translucidités, d’opacités et de maquillants des systèmes composites permet un rendu final de la restauration hautement similaire aux tissus naturels, quel que soit le contexte clinique initial (perte de substance carieuse, fracture, substrat dyschromié…) [6-8].
Situation initiale : la patiente de 17 ans vient consulter en raison d’une restauration inadéquate sur la 11 vitale intéressant l’intégralité de la surface vestibulaire (fig. 1 et 2).
Conditionnement tissulaire (fig. 3 à 9). Stratification de la facette directe (fig. 10 à 14). Situation finale (fig. 15 à 17).
Cependant, la spatialisation et l’agencement des diverses masses de résines composites sur de très faibles épaisseurs (amélaire préférentiellement ou dentino-amélaire), le bon choix de charte colorimétrique, le travail des formes et des finitions (contours de l’anatomie primaire et secondaire, texture de surface, polissage et brillantage) sont autant de défis pour le praticien dans la bonne conduite de son traitement. La facette directe par stratification est donc hautement « praticien-dépendante » et nécessite une courbe d’apprentissage. La bonne compréhension de la technique de stratification, la connaissance du modèle naturel et le sens artistique sont autant de paramètres à maîtriser par le chirurgien-dentiste.
La difficulté inhérente à la méthode directe ira croissante en fonction du degré de perte tissulaire, de la présence ou non de caractérisations et/ou de la présence de substrat dyschromié [9-11].
Afin de faciliter la réalisation des facettes directes en résine composite et diminuer au maximum son facteur praticien-dépendant, un nouveau dispositif a récemment été commercialisé par la firme Ultradent (Utah, États-Unis) : le système Uveener®. Ce procédé de réalisation de facette directe a été mis au point par le Dr Sigal Jacobson (Melbourne, Australie) [12].
Le système Uveneer® est constitué d’un coffret réunissant un ensemble de gabarits transparents, auto-clavables, disponibles en deux tailles (fig. 18 et 19). Chaque gabarit correspond à une surface vestibulaire préformée dans des dimensions « idéales » des incisives centrales (ratio longueur/largeur de 80 %) jusqu’aux premières prémolaires. Le système a été conçu pour faciliter le façonnage de la facette en méthode directe, et ce avec une rapidité d’exécution accrue. La forme n’est plus sculptée à proprement parler mais impactée à l’aide du tampon sélectionné. Le traitement devient, grâce à cet outil, prédictible et reproductible en termes de formes, d’axes et de symétrie [13].
L’utilisation de facettes directes en résine composite par estampage s’avère donc un choix potentiellement pertinent eu égard aux divers avantages que présente la méthode : option conservatrice, rapidité (une séance), pérennité estimée de moyen à long terme, entretien dans le temps facilité (dans la mesure où la réparation est aisée), morphologie prévisible et moindre coût financier (tableau 1).
Une patiente âgée de 63 ans vient consulter en raison de l’esthétique de son sourire. Sa demande est motivée par un événement familial : elle désire « avoir un joli sourire pour les photos du baptême de son petit-fils » qui a lieu dans 2 semaines à compter du jour de sa consultation. Ses attentes esthétiques sont modérées et ses possibilités financières faibles. L’examen clinique révèle un bloc maxillaire incisivo-canin avec des restaurations aux résines composites volumineuses infiltrées sur les 11 et 21 et une reprise de carie mésiale sur la 12. Les collets des dents 14, 13, 23, 24 et 25 sont marqués de lésions non carieuses de faible volume (SiSta 3.1). Les canines maxillaires ont leur pointe diminuée (abrasion physiologique). De plus, l’incisive latérale gauche présente une coiffe débordante, inesthétique en termes d’axe, de morphologie et de couleur. Une poche parodontale d’une profondeur de 3 mm est enregistrée entre la 21 et la 22, entretenue par le surcontour mésial de la coiffe sur la 22 ; cependant, cette dent est asymptomatique et le traitement endodontique radiologiquement acceptable (fig. 20 à 22).
En raison du contexte clinique, du nombre important de dents à traiter et du court délai imparti, le plan de traitement s’est orienté vers la réalisation en 2 séances de :
– facettes directes par estampage sur les 12, 11 et 21 ;
– restaurations aux résines composites directes des 14, 13, 23, 24 et 25 ;
– réfection de la coiffe sur la 22.
Choix de la couleur et du gabarit (fig. 23 et 24). Conditionnement tissulaire (fig. 25 à 33). Estampage de la facette directe (fig. 34 à 39). Situation finale (fig. 40 à 42).
La recherche d’un beau sourire ne doit pas conduire à des solutions invasives. Les facettes conventionnelles sont indiscutablement le maître étalon de la dentisterie esthétique et répondent aux impératifs d’économie tissulaire mais elles nécessitent malgré tout une préparation des substrats dentaires. Les techniques directes sont globalement moins délabrantes [14].
Les facettes directes sont moins pérennes dans le temps que les procédés indirects ; néanmoins, elles permettent aux praticiens une alternative rapide et économique pour des résultats esthétiquement intéressants. Ces méthodes offrent de nouvelles possibilités thérapeutiques au chirurgien-dentiste désireux de s’adapter à tous les contextes cliniques.