PARODONTIE
Diplôme Universitaire de parodontie
Paris Descartes
Depuis plus de 20 ans, l’imagerie numérique, intra ou extra-orale, ne cesse de progresser. Les clichés rétro-alvéolaires fournissent des informations importantes pour établir le diagnostic et le pronostic parodontal. Récemment, la tomographie volumique à faisceau conique ou Cone Beam Computed Tomography (CBCT) s’est démocratisée. Cette technique permet une analyse des tissus dans les 3 dimensions de l’espace tout en proposant une excellente qualité d’image et en réduisant la dose de rayonnements ionisants délivrés au patient par rapport au scanner à rayons X. L’idée d’utiliser la radiographie 3D pour pallier les faiblesses de l’imagerie 2D a fait ses preuves en chirurgie orale comme en endodontie. Quels intérêts le CBCT présente-t-il réellement en parodontie ?
En parodontologie, le diagnostic des maladies d’étiologie bactérienne (gingivite et parodontite) est effectué lors de l’examen clinique par le sondage parodontal mesurant le niveau d’attache et la profondeur des poches. La radiographie permet d’apprécier l’étendue et la sévérité de la perte osseuse, qu’elle soit horizontale ou verticale. Cet examen complémentaire est important pour établir le diagnostic, le pronostic et le plan de traitement, mais il est utile également lors du suivi du patient en maintenance parodontale. Le bilan rétro-alvéolaire (21 clichés selon la technique des plans parallèles) constitue la référence en termes d’examen radiologique en parodontie. Cependant, les limites de cet examen, à savoir l’absence de données dans le sens vestibulo-lingual et la superposition des plans, limitent l’analyse de nombreux défauts comme les lésions infra-?osseuses ou inter-radiculaires.
L’exploration de la dimension vestibulo-linguale par le cone beam permet une analyse plus complète, précise et détaillée des défauts osseux (fig. 1 à 5). Plusieurs études in vitro [1-3] mettent en évidence la supériorité du CBCT dans l’évaluation de l’anatomie parodontale et le diagnostic des lésions infra-osseuses. Ces études utilisent toutes le même protocole : des défauts osseux artificiels créés sur des mandibules de porc ou des crânes secs humains sont analysés par imagerie CBCT et par clichés rétro-alvéolaires. Les données issues de chaque examen radiographique sont comparées aux mesures réalisées directement par sonde millimétrée parodontale. Il apparaît que le CBCT offre une plus grande sensibilité (capacité à détecter une lésion) pour l’évaluation des déhiscences et fenestrations parodontales, des lésions infra-osseuses (LIO) et des lésions inter-radiculaires (LIR), tout particulièrement pour les LIO à 2 parois et les LIR de classe II (classification de Hamp et al., 1975). De plus, la spécificité du CBCT (capacité à détecter l’absence de lésion) est au moins équivalente à celle de la radiographie intra-orale, elle-même très élevée.
Concernant la capacité du CBCT à évaluer l’alvéolyse horizontale, une étude clinique de Faria Vasconcelos et al. [4], comparant l’importance de l’alvéolyse horizontale à partir d’images CBCT et de clichés rétro-alvéolaires, indique que les 2 méthodes diffèrent dans l’évaluation du niveau de l’os alvéolaire. Cependant, aucune mesure clinique n’ayant été effectuée, il n’est pas possible de savoir quelle technique est la plus proche de la réalité. Cette étude ne permet donc pas de conclure à la supériorité de l’une ou l’autre technique radiographique. Une seconde étude, menée par Feijo et al. [5], compare les mesures de l’alvéolyse horizontale réalisées sur le cone beam à celles relevées cliniquement lors d’une intervention chirurgicale. Les auteurs concluent que le CBCT reproduit bien, de façon précise, les mesures cliniques de la perte osseuse horizontale.
Selon la HAS [6], le CBCT pourrait être indiqué en parodontologie dans 2 situations :
• le diagnostic différentiel de certaines lésions infra-osseuses complexes avec des signes cliniques et une symptomatologie mal définis telles que les lésions endo-parodontales ;
• le bilan pré-chirurgical pour le traitement des lésions de la furcation des molaires maxillaires.
Malgré le peu de publications existant sur l’utilisation du cone beam en parodontie, la plupart des études portent sur le diagnostic des lésions inter-radiculaires. Des études in vitro [7, 8] révèlent que le CBCT a une très bonne précision dans la détection des LIR. Les études cliniques s’intéressent plus précisément aux LIR maxillaires (fig. 6 à 11), comme le recommande la HAS. Une première étude de Walter et al. [9], parue en 2009, compare le diagnostic de 66 LIR maxillaires par l’approche conventionnelle, c’est-à-dire examen clinique avec sondage et clichés rétro-alvéolaires, au diagnostic uniquement fondé sur le cone beam. Dans 27 % des cas, le CBCT est en accord avec l’évaluation clinique, et les 2 types d’approches permettent le diagnostic de 100 % des LIR de classe III. L’examen clinique surestime le diagnostic par rapport au CBCT dans 29 % des cas et le sous-estime dans 44 % des cas. Les auteurs en concluent que le CBCT permet une évaluation claire et plus détaillée des LIR des molaires maxillaires par rapport à l’approche conventionnelle associant mesure clinique et radiographie 2D. Mais l’absence d’évaluation peropératoire ne permet pas d’affirmer que le CBCT est en adéquation avec la réalité. Dans une deuxième étude parue 1 an plus tard, Walter et al. [10] évaluent la précision du cone beam dans le diagnostic de 75 LIR au niveau de molaires maxillaires en comparant les données tirées de l’analyse CBCT à celles relevées lors de l’intervention chirurgicale. Les résultats montrent que le CBCT a sous-estimé la lésion dans 15 % des cas et l’a surestimée dans seulement 1 % des cas. Les auteurs concluent donc sur la très bonne précision du CBCT dans l’évaluation de la perte osseuse et la classification des LIR maxillaires. Une étude plus récente de Qiao et al. [11] repose sur le même protocole. Le diagnostic des LIR est d’abord réalisé cliniquement, puis par l’analyse CBCT et, enfin, confirmé lors de la chirurgie. Seulement 21,6 % des mesures cliniques sont correctes contre 82 % pour le CBCT. Les auteurs concluent donc que le cone beam est d’une haute précision dans l’évaluation de la perte osseuse inter-radiculaire des molaires maxillaires.
À ce jour, la HAS [6], en 2009, et le groupe de travail européen SedentexCT [12], en 2011, ont statué ainsi : le bilan long cône reste l’examen radiographique de choix de première intention. Ceci s’explique par au moins deux points. D’une part, aucune étude n’a démontré que le recours à un CBCT modifie la décision thérapeutique en parodontologie. D’autre part, bien que l’évolution du scanner vers le CBCT (le CBCT émet un faisceau de rayons X pulsé et non plus continu) ait permis une forte diminution de l’irradiation, la dose reçue par le patient lors d’un examen CBCT reste un de ses inconvénients majeurs. Selon l’IRSN [13], la dose efficace d’un cliché rétro-alvéolaire est de 1 à 8 µSv, soit pour un bilan rétro-alvéolaire complet de 21 à 168 µSv. La dose est d’autant plus faible (en bas de cette fourchette) que l’utilisation d’un matériel adapté est effectuée, à savoir un tube équipé d’un collimateur rectangulaire, des capteurs numériques ou des films F [14]. Concernant le CBCT, il est difficile d’estimer la dose efficace tant le nombre de machines différentes sur le marché est grand et le choix des paramétrages varié (taille de champs, résolution). Cependant, selon une méta-analyse de Ludlow et al. [15], les doses efficaces moyennes d’un CBCT grand champ, voire d’un moyen champ, qui pourraient correspondre à la zone d’exploration d’un bilan long cône, sont respectivement de 212 µSv et 177 µSv, donc bien supérieures aux 21 µSv espérés pour le bilan long cône.
Étant donné la dose d’irradiation importante du CBCT et la qualité des informations apportées par le sondage clinique et l’examen radiographique du bilan long cône, le CBCT ne doit pas être systématique mais doit être réalisé seulement en présence de « lésions complexes ». Son but est d’affiner le diagnostic et d’aider à établir le pronostic de lésions inter-radiculaires maxillaires, de lésions endo-parodontales, de lésions ayant une morphologie particulière difficile à évaluer ou, encore, de lésions proches d’un élément noble comme le nerf mandibulaire ou le sinus maxillaire (fig. 12 à 16). Nous pouvons tout de même envisager que l’évolution rapide de la radiographie numérique ainsi que la volonté permanente de réduire la dose d’irradiation pourraient permettre, à terme, de substituer l’examen long cône, long et pénible pour le patient, par le CBCT.
Il s’agit d’un patient de 55 ans, en bonne santé générale, non fumeur, traité pour une parodontite chronique généralisée modérée. Il rapporte des antécédents d’abcès et d’épisodes douloureux au niveau de 31. La dent est en mobilité II, le test au froid est positif et le sondage met en évidence des poches de 11 mm en mésio-lingual et 13 mm en mésio-vestibulaire.
Ce patient de 49 ans, en bonne santé générale, fumeur (18 paquets année), présente une parodontite chronique généralisée modérée à localement sévère. À l’examen clinique, les secteurs les plus atteints sont les molaires maxillaires.
Ce patient de 58 ans, souffrant d’obésité et d’hypertension artérielle, fumeur (26 paquets année), présente une parodontite chronique généralisée sévère.