Négociations conventionnelles
ENQUÊTE
Un sondage IFOP, réalisé auprès d’un échantillon représentatif de chirurgiens-dentistes libéraux pour le collectif Agir pour la santé dentaire et l’URPS du Grand Est, révèle la forte inquiétude et les attentes de la profession. En cause, le règlement arbitral et les négociations conventionnelles réengagées au mois de septembre et actuellement en cours avec la perspective de réévaluations des soins conservateurs en contrepartie de plafonnements sur des actes prothétiques. Alors que des décisions doivent être prises pour l’avenir du secteur dentaire, le collectif Agir pour la santé dentaire créé récemment entend apporter sa contribution au débat.
Si les négociations aboutissaient à « un résultat proche du règlement arbitral », un tiers seulement de la profession (31 %) dit aujourd’hui qu’elle s’adapterait aux nouvelles conditions. En revanche, près du quart des chirurgiens-dentistes (23 %) envisageraient le dé-conventionnement, en particulier dans les rangs de ceux qui sont proches de la FSDL (37 %), 17 % déclarent qu’ils avanceraient leur retrait de la vie active et 15 % qu’ils sélectionneraient les types d’actes pratiqués. Le choix d’un exercice à l’étranger attirerait aussi 8 % des sondés.
Ces résultats, issus d’une étude IFOP menée par téléphone auprès de 601 chirurgiens-dentistes libéraux (hors orthodontistes) en novembre dernier, donne une photographie des craintes et aspirations de la profession alors que les négociations conventionnelles sont en cours.
La perspective d’un texte proche du règlement arbitral fait surgir des différences entre les générations. La moitié des praticiens qui ont plus de 60 ans retiennent l’option de la retraite anticipée pour échapper aux nouvelles conditions d’exercice. Les jeunes professionnels – moins de 40 ans – se prononcent pour une forme d’éloignement de la profession, soit en quittant la convention (34 %, + 11 points par rapport à la moyenne), soit en s’expatriant (15 %, + 7 points).
La mise en place d’un secteur II à honoraires libres serait accueillie avec 72 % d’avis favorables.
L’enquête interroge les praticiens sur plusieurs aspects des négociations en cours, à commencer par celui des plafonds. Il s’avère que 4 chirurgiens-dentistes sur 10 accepteraient les plafonds prévus par l’actuelle négociation conventionnelle, mais à la condition d’une revalorisation significative de tous les soins opposables : un doublement des tarifs actuels pour 13 % des praticiens (22 % des sympathisants de la CNSD), un triplement pour 22 % (41 % des sympathisants de l’UD). Mais une majeure partie de l’échantillon (57 %) s’oppose à la pratique des plafonds (70 % de sympathisants de la FSDL). On retrouve les opposants majoritairement en région parisienne (69 %). Ils sont en revanche bien moins nombreux dans les communes rurales (49 %).
Quand on évoque des niveaux de plafonds pour la couronne céramo-métallique, la part des praticiens qui accepteraient la mise en place d’un plafond remonte à 59 %. Le montant moyen de ce plafond serait de 612 euros.
Autre sujet qui focalise les débats actuels, la mise en place du reste à charge zéro sur des actes prothétiques promis par le candidat E. Macron lors de la campagne présidentielle. Plus de la moitié des libéraux (55 %) y sont opposés.
Plus du quart de la profession (28 %) y consent à condition que la mesure soit limitée à des actes de base (couronne céramo-métallique uniquement pour les dents antérieures, couronne métallique pour les dents postérieures et prothèse amovible en résine). À noter que 13 % des sondés y sont favorables pour la majorité des actes prothétiques.
Par ailleurs, la plupart des praticiens sont favorables à la prise en charge de nouveaux types d’actes par l’assurance maladie, à commencer par la parodontologie (74 %) ainsi que la prévention (67 %), l’implantologie (63 %) et les techniques de vitalité pulpaire par coiffage (61 %).
S’agissant des moyens de parvenir à une amélioration de la prévention dentaire, les praticiens donnent la priorité à la consultation annuelle obligatoire (67 %) et à la prise en charge partielle de nouveaux actes de prévention comme la parodontie ou les vernis fluorés (59 %). Le système M’T dents et son extension à d’autres classes d’âge recueillent 32 % de voix.
La création d’un statut d’hygiéniste assuré par un (e) assistant (e) qualifié (e) en hygiène bucco-dentaire, chargé des démarches préventives et de maintenance sous le contrôle du chirurgien-dentiste, emporte l’adhésion de 68 % des personnes sondées. On remarque que les praticiens de moins de 40 ans (79 % de cette catégorie) sont les plus attachés à la création de ce statut ainsi que ceux qui exercent en province, dans des agglomérations de moins de 20 000 habitants.
L’impact des réseaux de soins apparaît massif sur les cabinets dentaires libéraux. En effet, 44 % d’entre eux ont des patients qui ont délaissé leur cabinet pour se tourner vers un praticien partenaire d’un réseau. Et le phénomène apparaît général, quelle que soit la taille de l’agglomération. Les deux tiers des chirurgiens-dentistes ont été démarchés par un réseau de soins dentaires de type Santéclair ou Kalévia. La profession est opposée à 89 % à la pratique de remboursement différencié des réseaux.
28 % de la profession consentirait à la mise en place d’un panier au reste à charge nul à condition que la mesure soit limitée à des actes de base : couronne céramo-métallique uniquement pour les dents antérieures, couronne métallique pour les dents postérieures et prothèse amovible en résine.
Désertification : pour 69 % des praticiens, la profession doit faire des propositions afin de ne pas se voir imposer des mesures coercitives. Les autres pensent que c’est le rôle de l’État.
Thierry Soulier (CNSD) : « Sur le principe, la CNSD est contre les plafonds. Mais nous sommes dans un contexte conventionnel. Nous savons que nous n’obtiendrons jamais de revalorisations sans un plafonnement. L’objectif de la négociation est d’obtenir mieux que lors de la dernière négociation. »
Philippe Denoyelle (UD) : « La mise en œuvre d’une revalorisation importante des soins et des actes de prévention, ce que la profession réclame depuis des années, sera accompagnée d’un plafonnement sur certains actes de prothèse. Ce principe général a été accepté par tous (les partenaires conventionnels), sans exception. Si nous n’obtenons pas un accord conventionnel, c’est l’État, demain, qui décidera du tarif des prothèses et du montant de nos honoraires. Il n’y aura plus de vie conventionnelle. »
Patrick Solera (FSDL) : « On parle de prévention et de pertinence des soins et, en même temps, on impose un plafond sur les prothèses. Si les prothèses sont plafonnées, leur volume augmentera. Ces deux mesures concomitantes ne marchent pas. Pourquoi est-ce qu’on ne conserve pas plutôt les dents ? »