Clinic n° 01 du 01/01/2018

 

TRAUMATOLOGIE

Elsa DREYFUS-SCHMIDT*   Soazig GLATIGNY**   Pauline VIENNET***   Franck DECUP****  


*AHU Université Paris Descartes
37 rue des Acacias, 75017 Paris
**AHU Université Paris Descartes
91 rue Boucicaut, 92260 Fontenay-aux-Roses
***AHU Université Paris Descartes
2 Avenue Joffre, 94160 Saint-Mandé
****MCU-PH Université Paris Descartes
37 rue des Acacias, 75017 Paris

Les consultations d’urgence dentaire traumatique de l’adulte ne sont pas très fréquentes mais revêtent des caractéristiques à part. Ces moments sont généralement vécus difficilement non seulement par le patient mais aussi par l’ensemble de l’équipe soignante qui doit mobiliser temps et compétence dans un délai réduit pour répondre aux exigences d’un patient en activité.

Ces situations inhabituelles confrontent le praticien à des prises de décisions et à des procédures exceptionnelles qui ont intérêt à être référencées. Il a besoin de se reposer sur une démarche diagnostique structurée, un protocole de traitement efficient et des documents initiaux et de suivi établis systématiquement.

L’objectif de cet article est de synthétiser les connaissances nécessaires à la prise en charge des différents traumatismes rencontrés chez l’adulte.

Les détails des procédures thérapeutiques seront présentés au cours de prochains articles.

Le traumatisme résultant d’un choc (chute, coup, accident…) présente un impact aussi bien physique que psychique. La prise en charge du patient traumatisé au cabinet nécessite donc sérénité, compétences et efficacité.

Une des difficultés pour le praticien consiste à intégrer ce rendez-vous d’urgence dans un planning déjà établi, rendez-vous qui doit prévoir un accueil psychologique rassurant, la gestion de la douleur et du statut pulpaire ainsi que la restauration provisoire de l’esthétique et de la fonction.

Cet article propose d’aborder les différentes étapes, à systématiser, de la prise en charge globale d’un traumatisme chez l’adulte.

Rendez-vous téléphonique

La prise en charge d’un patient à la suite d’un traumatisme commence généralement par un contact téléphonique. Le secrétariat doit être formé aux questions d’urgence qui doivent être accessibles facilement (tableau 1).

À ce stade, les objectifs sont d’abord de collecter les informations afin de réaliser un filtrage, qui permet d’évaluer le délai nécessaire pour le rendez-vous et qui donnent une idée de la durée attendue pour l’intervention.

Classiquement, le filtrage permet une répartition en cinq catégories [1] (tableau 2).

Le premier contact doit permettre de rassurer le patient, c’est sa prise en charge qui commence. Les premières recommandations lui sont données :

• si la dent a été expulsée, la repositionner dans son alvéole ou la conserver dans du lait, du sérum physiologique (ou dans la bouche) ;

• si un fragment fracturé a été récupéré, conserver cet élément dans du lait, du sérum physiologique (ou dans la bouche) ;

• en cas de saignement, appliquer une compresse ou un linge propre sur la plaie ;

• venir accompagné si possible.

Consultation d’urgence

L’accueil physique du patient doit impliquer une part d’empathie pour réduire au maximum le stress qu’il ressent et, par conséquent, diminuer celui du praticien.

La consultation commence par le recueil d’informations nécessaires et suffisantes. Elles sont exploitées par la suite pour l’établissement du certificat médical.

Interroger

Lors de la consultation d’urgence, l’interrogatoire est concis et précis. Il cherche à comprendre l’accident, à guider l’examen et à orienter le diagnostic et le choix thérapeutique. L’entretien doit porter sur trois questions essentielles :

• comment ? Les circonstances de l’accident permettent d’imaginer l’intensité, la direction et les conséquences du choc. Ces éléments orientent ensuite l’examen clinique ;

• où ? Le lieu permet d’évaluer les risques de contamination des plaies et la nécessité de prescrire un rappel antitétanique ;

• quand ? Le délai de prise en charge détermine le choix thérapeutique et le pronostic.

Par ailleurs, une incidence sur l’état de santé général du patient (vomissement, perte de connaissance, migraines…) doit inciter le praticien à la plus grande prudence et à la réorientation du patient vers une prise en charge générale médicale.

Observer

L’examen clinique est un zoom attentif centré sur la zone traumatisée. Il va des tissus mous aux tissus durs :

• identification du secteur traumatisé ;

• observation des téguments ;

• identification des dents traumatisées. On notera la position, la malposition ou l’absence des dents traumatisées, la mobilité des dents ou des fragments traumatisées, la teinte des dents ;

• identification du traumatisme individuel de chaque dent avec la qualification des pertes ou des détériorations de substance (alvéolaire, parodontale, dentaire) et l’exposition éventuelle de la pulpe.

L’observation donne les premiers indices en direction du diagnostic. Une suite de questions cliniques sert à établir le diagnostic initial [3] (fig. 1). La dent traumatisée :

• est-elle déplacée ;

• est-elle mobile ;

• réagit-elle à la percussion ;

• présente-t-elle une exposition pulpaire ;

• est-elle fracturée (fracture mise en évidence à la radiographie) ? Si oui, à quel niveau ?

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Pour répondre à ces questions, des examens d’investigation complémentaires sont donc indispensables [2].

Cliniquement, un miroir de bouche et une sonde parodontale suffisent pour réaliser :

• un test de percussion (pour tester les ligaments profonds) (encadré 1) [3] ;

• un sondage (pour tester le parodonte superficiel).

Il faut par ailleurs réaliser des radiographies (pour apprécier les fractures et déplacements) :

• les clichés intra-oraux peuvent être obtenus directement au fauteuil. Plusieurs clichés sont nécessaires : une radiographie rétroalvéolaire orthocentrée, deux clichés excentrés d’au moins 20° et un cliché occlusal [4] ;

• si possible, des radiographies extra-orales sont réalisées ;

• la radiographie panoramique présente un aspect pratique, mais une précision diagnostique qui peut être limitée dans le secteur antérieur ;

• le cone beam offre des informations complètes en trois dimensions pour les traumatismes alvéolo-dentaires.

Les photographies sont recommandées pour le certificat initial et pour établir des comparaisons lors du suivi.

Diagnostic

Le diagnostic identifie l’état osseux, parodontal, dentaire et pulpaire. À partir de ces éléments, on détermine les impératifs de la séance d’urgence.

De nombreuses classifications ont été proposées. La plus utilisée est celle du Dental trauma guide de Andreasen (fig. 1). C’est une classification reconnue, logique et relativement simple. Elle est donc particulièrement ben adaptée à l’expression du diagnostic pour le certificat médical initial.

La fiche de diagnostic et de suivi présentée dans le tableau 3 permet de noter, sur un simple document, les informations remarquées le jour de la prise en charge ainsi que l’évolution de la situation.

Relation entre biologie et objectifs thérapeutiques

Les actes d’urgence sont d’abord biologiques. Il s’agit de soigner les plaies des tissus atteints. Selon les cas, le traitement concerne le tissu dentinaire, pulpaire, parodontal ou alvéolaire. Il y a souvent une atteinte pluritissulaire.

Traumatisme du tissu dentinaire (exposition d’une plaie dentinaire)

Cette situation est rencontrée dans les cas de fracture coronaire ou corono-radiculaire simple (sans exposition pulpaire) (fig. 2).

Le tissu dentinaire exposé peut être responsable de douleurs provoquées importantes, modérées ou légères pour le patient. Une plaie dentinaire entraîne une transmission nerveuse par les tubuli pouvant être néfaste à terme pour la survie de la vitalité pulpaire : 1 mm2 de dentine représente de 20 000 à 45 000 canalicules ouverts.

Ici, l’objectif d’urgence est le scellement de la plaie dentinaire. Il consiste en l’application d’un adhésif suivie éventuellement de la mise en place d’un composite ou du collage du fragment dentaire fracturé (fig. 3).

Traumatisme du tissu pulpaire

Le tissu pulpaire peut être impliqué au niveau coronaire ou radiculaire, ce qui entraîne des conséquences différentes.

Lorsque la pulpe coronaire est exposée par la fracture, on parle de fracture complexe, coronaire ou corono-radiculaire selon la position du trait de fracture (fig. 4 et 5).

Pendant les premières heures qui suivent le traumatisme et selon l’étendue de la surface pulpaire impliquée, l’inflammation et la contamination restent superficielles et une simple protection (coiffage) suffit pour obtenir une cicatrisation.

Au-delà de la première journée, le parenchyme est contaminé et inflammatoire en profondeur mais l’atteinte reste localisée. Il doit être éliminé pour conserver les chances de guérison du reste de la pulpe (pulpotomie partielle). L’obturation est réalisée par un matériau biocompatible entraînant la formation d’un pont dentinaire.

Après 48 heures d’exposition, on considère que la contamination est trop importante et l’élimination complète de la pulpe est requise (pulpectomie).

L’objectif du traitement pulpaire est d’abord de soulager et de protéger pour éviter une contamination bactérienne compromettant à terme la survie dentaire. Les chances de conservation pulpaire dépendent du temps d’exposition avant intervention [3].

Lorsque la pulpe radiculaire subit un traumatisme, les répercussions sur le tissu sont variables.

Deux facteurs influencent la réponse biologique et les capacités de guérison :

• l’importance du déplacement de la dent ou du fragment, la pulpe étirée pouvant rester vitale, se revasculariser ou se nécroser ;

• la position du trait de fracture et l’éventuelle communication avec le milieu buccal qui pourrait entraîner une contamination bactérienne de la pulpe.

Le parenchyme peut être :

• étiré à la suite de fractures radiculaires, de subluxations et de luxations latérales. Cela provoque une inflammation pulpaire mais la pulpe garde des capacités de cicatrisation à condition de surveiller sa vitalité et de contrôler la mobilité physiologique ;

• écrasé dans le cas d’une intrusion. Cela provoque une destruction du paquet vasculo-nerveux apical et une nécrose pulpaire qui peut être à l’origine d’une résorption radiculaire d’origine infectieuse. Le traitement endodontique est à programmer dans le mois qui suit après contrôle de la perte de vitalité ;

• sectionné dans le cas d’une expulsion et le traitement endodontique doit être réalisé ;

• contaminé dans le cas d’une fracture radiculaire du tiers coronaire si le sondage révèle une communication avec le milieu buccal par voie parodontale. Un traitement endodontique doit alors être programmé.

Des complications pulpaires peuvent survenir et justifient des contrôles réguliers.

Oblitération pulpaire canalaire

Bien que plus rare sur les dents matures, l’oblitération pulpaire canalaire peut survenir principalement dans les cas d’extrusion, d’intrusion et de luxation latérale. On observe une coloration jaune de la dent en rapport avec l’envahissement de l’espace canalaire par du tissu dur, visible radiographiquement (fig. 6). Cette oblitération progresse en direction corono-apicale, les premiers signes étant la diminution du volume de la chambre pulpaire suivie d’une réduction graduelle du volume pulpaire en direction apicale. La dent est vitale et n’évolue que très rarement vers la nécrose. Elle ne nécessite donc pas de traitement pulpaire.

Résorption interne

La présence de bactéries ou de plages nécrotiques dues à un traumatisme peut engendrer une inflammation chronique pulpaire stimulant l’activité clastique et engendrant un processus de résorption des parois internes du canal. L’extension importante de ce phénomène est plutôt rare et sera stoppée par l’élimination du facteur irritant, ici le contenu canalaire, et l’instauration du traitement endodontique.

Traumatisme du ligament alvéolo-dentaire

Le traumatisme du ligament alvéolo-dentaire est rencontré dans les cas de fracture radiculaire avec déplacement (fig. 7), luxation latérale, extrusion, intrusion, subluxation, expulsion… Dans ces situations, l’absence de guérison du ligament alvéolo-dentaire et le risque d’ankylose constituent la principale inquiétude.

L’état inflammatoire parodontal déclenché par le traumatisme est entretenu par la persistance d’une mobilité non physiologique post-traumatique empêchant la réparation des tissus lésés. La cicatrisation nécessitant la diminution de l’inflammation est dépendante du repos physiologique de la dent.

La thérapeutique d’urgence consiste à replacer la dent dans sa position d’origine et à mettre en place une contention. Il est difficile de généraliser sur la durée nécessaire du port de la contention : le praticien devra prendre en compte le degré de mobilité et l’association d’une éventuelle fracture radiculaire. La durée de la contention varie de 2 à 4 semaines [5].

Le but de la contention est de limiter la mobilité induite par le traumatisme initial et les traumatismes entretenus par les forces occlusales. Le maintien d’une mobilité physiologique diminue l’inflammation et favorise la revascularisation parodontale ainsi que le rétablissement de l’ancrage ligamentaire.

Des complications dentaires d’origine parodontale sont possibles et doivent être surveillées.

Les dommages parodontaux induisent une réaction inflammatoire pour nettoyer les sites lésés. En fonction des tissus touchés et des conditions environnementales (présence de bactéries, agression chimique, etc.), des phénomènes de résorption de la surface radiculaire peuvent se déclencher. Ces lésions seraient la résultante d’une destruction ponctuelle de la surface externe du cément rendant accessible cette zone aux cellules ostéoclastiques. On peut rencontrer différents phénomènes indésirables [6] :

• les résorptions radiculaires externes inflammatoires résultent d’une lésion combinée de la pulpe, nécrosée et infectée, et du ligament alvéolo-dentaire. Les toxines bactériennes endocanalaires diffusent au travers des tubuli exposés par la lésion de ce ligament, ce qui maintient l’inflammation et donc la poursuite d’un processus ostéoclastique conduisant à la résorption radiculaire. L’élimination des bactéries par le traitement endodontique stoppe le processus de résorption ;

• la résorption cervicale externe résulte d’une inflammation purement parodontale. Elle naît sous la jonction amélo-cémentaire et est favorisée par une lésion du ligament alvéolo-dentaire ou du cément de grande étendue ne permettant pas sa cicatrisation. Ce type de résorption est favorisé lors de forces de compression sur le ligament alvéolo-dentaire et le cément, et l’inflammation est entretenue par le tissu de granulation prenant la place de la dent résorbée. Une telle résorption peut se caractériser cliniquement par l’apparition d’un pink spot sur la face vestibulaire, qui correspond au tissu de granulation que l’on voit en transparence (fig. 6). La pulpe n’est généralement pas impliquée. L’éviction soigneuse du tissu de granulation permet en général l’arrêt du processus ;

• les résorptions de remplacement (ankyloses) résultent d’une lésion étendue du ligament alvéolo-dentaire. Une résorption transitoire ou progressive peut avoir lieu et la dent devient un élément du remodelage osseux. Le processus est très agressif chez les enfants mais, chez l’adulte, la dent peut être maintenue en fonction pendant longtemps, le remodelage osseux étant moins intense ;

• la résorption apicale transitoire (transient apical breakdown). À la suite d’une lésion, le processus de cicatrisation conduit au recrutement d’ostéoclastes et de macrophages dans la zone apicale lésée ou dans le site de la fracture. Cela peut conduire à l’augmentation du diamètre du foramen apical, notamment dans les cas d’extrusion et de luxation latérale des dents matures. Il faut voir cela comme un besoin de créer de l’espace afin de permettre la croissance vasculaire. Une fois que la revascularisation est complète, la radio-clarté disparaît. Il semble que cette résorption apicale transitoire soit corrélée avec une évolution vers l’oblitération canalaire pulpaire. Il s’agit donc bien d’un phénomène transitoire de guérison. Les dents ne répondent pas aux tests de vitalité (sidération pulpaire) et une radio-clarté apicale est observée radiologiquement. Ce processus de guérison (pendant les premières semaines) ne doit pas être confondu avec un diagnostic de nécrose associée à une parodontite apicale, qui conduirait à un traitement endodontique inutile.

Traumatisme du tissu alvéolaire

Dans les cas de fracture du tissu osseux, l’os alvéolaire est directement impliqué. Il doit être repositionné si nécessaire et maintenu longtemps (4 mois) pour conserver la continuité tissulaire et obtenir une cicatrisation osseuse [7].

Dans le cas d’une expulsion, l’os alvéolaire est également exposé. Pour éviter un phénomène infectieux, une prescription d’antibiotiques post-réimplantation est systématique [8].

Lors des fractures radiculaires intra-alvéolaires, l’os alvéolaire est indirectement le siège de différents types de cicatrisations au niveau du trait de fracture [9] :

• cicatrisation par fusion calcifiée des fragments (30 % des cas). Quand le fragment dentaire fracturé est maintenu et qu’il n’y a pas de pathologie pulpaire irréversible, la cicatrisation intervient par formation d’un tissu dur au niveau de la région fracturée. Il y a une apposition, d’une part, de dentine provenant d’odontoblastes à l’intérieur de la cavité pulpaire et, d’autre part, de cément provenant de cémentoblastes à la surface radiculaire. Progressivement, le tissu pulpaire, particulièrement dans la région apicale, va se calcifier (par apposition de dentine) et la cavité pulpaire va s’oblitérer, diminuant les réponses au test de vitalité pulpaire (fig. 8) ;

• cicatrisation par interposition de tissu conjonctif entre les fragments (43 % des cas). Quand les fragments coronaire et apical n’ont pas été repositionnés parfaitement, le caillot sanguin envahit le trait de fracture. Un tissu de granulation provenant du tissu pulpaire ou des tissus desmodontaux envahit et prolifère dans le caillot sanguin. Il induit des aires de résorption radiculaire empêchant la formation de tissu dur entre les surfaces radiculaires opposées, mais il assure la connexion par un tissu fibreux. On observe un nouvel espace desmodontal entre les deux fragments (fig. 9) ;

• absence de cicatrisation par interposition de tissu de granulation entre les fragments (22 % des cas). L’interposition d’un tissu de granulation est le résultat de la nécrose pulpaire. Ce manque de cicatrisation est un état pathologique du tissu de granulation avec abondance de vaisseaux sanguins dans la fracture. Si la cause n’est pas écartée (nécrose pulpaire), les conditions vont induire une perte osseuse et une résorption radiculaire. Le traitement endodontique permet la cicatrisation avec régénération du ligament parodontal au niveau du trait de fracture et la formation de tissu dur par les cellules desmodontales (fig. 10).

Décision thérapeutique

Agir

Les objectifs cliniques de la séance d’urgence sont :

• de contrôler la douleur ;

• de prévenir les complications infectieuses ;

• de rétablir provisoirement l’esthétique et la fonction ;

• d’évaluer la conservation future.

Les décisions de traitement doivent répondre à deux questions :

• quels sont les actes nécessaires et suffisants qu’il faut réaliser en urgence ? ;

• comment faciliter le futur thérapeutique de la dent ?

Le temps d’intervention étant en général assez court (rendez-vous imprévu), seuls les actes « d’urgence traumatique » centrés sur les besoins immédiats de traitement doivent être réalisés lors de cette séance.

Cette démarche est expliquée au patient qui doit accepter des séances ultérieures de suivi, de réévaluation ou de consolidation des objectifs fonctionnels et esthétiques.

Les actes initiaux sont orientés vers la résolution des symptômes, la protection des tissus, la temporisation fonctionnelle et esthétique ainsi que la préservation des chances de conservation des dents, de leur vitalité et de leur structure.

En fonction des situations et selon les implications tissulaires, on peut distinguer quatre catégories d’actes à mettre en œuvre pour réaliser les actes cliniques en traumatologie :

• restauration adhésive ou résine provisoire (traumatismes intéressant les tissus durs dentaires) ;

• thérapie pulpaire (pour les implications pulpaires directes ou indirectes) ;

• contention (pour le contrôle des mobilités et la cicatrisation alvéolaire) ;

• suture (pour la gestion de plaies muqueuses).

Au cabinet, les conditions d’application de ces procédures doivent être optimisées en termes de séquence opératoire, de plateau technique et de matériaux pour répondre au cahier des charges : objectifs initiaux/durée restreinte.

Ces différentes catégories thérapeutiques seront détaillées dans de prochains articles. Pour chacune d’elles, le but est de rationaliser les interventions et de faciliter leur application clinique.

Recommandations et certificat médical

Accompagner

Une fois que le traitement est effectué, la séance est conclue par des conseils et recommandations systématiques qui peuvent être éventuellement transmis par l’assistante.

Pour faciliter la cicatrisation, le patient doit respecter les consignes suivantes :

• avoir une alimentation molle pendant une semaine ;

• utiliser une brosse à dents souple ;

• éviter les sports de contact pour ne pas surajouter un choc au traumatisme ;

• respecter les prescriptions médicamenteuses.

Une copie du certificat médical lui est remise pour qu’il la transmette à l’assurance (annexe 1).

Suivi et plan de traitement

Prévenir et prévoir

Un suivi des dents traumatisées et de leurs collatérales est impératif pour prévenir des complications inflammatoires ou infectieuses.

Dans les situations les plus simples (effraction amélaire, concussion, fracture amélaire, fracture coronaire simple avec dentine protégée), une surveillance suffit.

Dans les autres cas, une mise en place différée de traitements supplémentaires est à prévoir, de même qu’un suivi strict :

• dépose de la contention ;

• traitement endodontique dans les cas d’expulsion, d’intrusion, de fracture radiculaire avec contamination et de toutes les situations où le statut pulpaire deviendrait négatif ;

• restauration esthétique dans les cas de fracture coronaire simple ou complexe dont le fragment n’a pu être recollé ;

• décision de conservation de la dent après réévaluation de la situation hors du contexte d’urgence.

Les séances de suivi permettent de surveiller la guérison ou non des différents tissus touchés. Les contrôles de suivi comprennent l’observation de l’intégrité des tissus dentaires et parodontaux, l’appréciation de la mobilité des dents, les tests de sensibilité (électriques ou au froid), l’apparition de dyschromies et les examens radiologiques (surveillance de l’apparition de résorption, d’oblitération ou de lésions péri-apicales).

La guérison sera reconnue quand aucun symptôme ne se sera manifesté jusqu’à 5 ans après le traumatisme.

Le tableau 4, propose d’après les recherches des Andreasen [3, 10], un planning de suivi adapté à chaque diagnostic.

Conclusion

Par définition, l’urgence pour cause de traumatisme dentaire fait appel à des réflexes professionnels non routiniers. Leur standardisation permet de réagir de façon rapide et sûre dans des situations difficiles et déstabilisantes.

Toute l’équipe de soin doit pouvoir proposer une communication efficace pour garantir la bonne prise en charge du patient. Celle-ci est fondée sur des protocoles faciles à mettre en œuvre s’ils ont été prévus. Le déroulement de la séance, de l’accueil aux gestes cliniques en passant par la phase diagnostique, peut ainsi se faire sereinement.

La compréhension des phénomènes tissulaires associés à ces événements est une aide importante pour prendre les décisions thérapeutiques adaptées et, surtout, déterminer les besoins de suivi afin d’éviter toute complication et perte de chance des dents atteintes.

Les traitements nécessaires s’appuient sur trois types de procédures : restauration adhésive, thérapie pulpaire et contention. Les particularités de ces procédures pour les cas de traumatisme seront présentées dans des articles à venir.

Bibliographie

  • [1] Andreasen JO, Andreasen FM, Skeie A, Hjørting-Hansen E, Schwartz O. Effect of treatment delay upon pulp and periodontal healing of traumatic dental injuries. A review article. Dent Traumatol 2002;18:116-128.
  • [2] Klapisz-Wolikow M, Lasfargues JJ. Conduite et finalité de l’examen du patient traumatisé. Real Clin 1992;3:415-427.
  • [3] Naulin-Ifi C. Traumatismes dentaires. Du diagnostic au traitement. Rueil-Malmaison : CdP, 2005.
  • [4] Andreasen JO, Andreasen FM, Anderson L. Textbook and color atlas of traumatic injuries to teeth. Oxford/Copenhague: Blackwell/Munksgaard, 2007.
  • [5] Tardieu C, Chafaie A, Leonardon N. Les contentions. Real Clin 2002;13:75-86.
  • [6] Andersson L, Andreasen JO. Guidelines for the management of traumatic dental injuries. 1. Fractures and luxations of permanent teeth. Int Assoc Dent Traumatol 2017;39:17-18.
  • [7] Lim L, Sirichai P. Bone fractures: assessment and management. Austr Dent J 2016;61: (suppl.):74-81.
  • [8] Andersson L, Andreasen JO. Guidelines for the management of traumatic dental injuries. 2. Avulsion of permanent teeth. Int Assoc Dent Traumatol 2017;39:17-18.
  • [9] Andreasen FM, Kahler B. Pulpal response after acute dental injury in the permanent dentition: clinical implications – A review. J Endod 2015;41:299-308.
  • [10] Site internet : https://dentaltraumaguide.org/my-account/

ENCADRÉ 1

Le test de percussion s’effectue dans le sens vertical et horizontal avec le manche d’un miroir. On observe le son produit et la sensibilité :

• son métallique → luxation latérale d’un fragment coronaire fracturé ;

• son sourd → extrusion ou subluxation ;

• sensibilité axiale → atteinte du ligament parodontal, éventuellement du réseau vasculaire pulpaire.

Si le praticien ressent une vibration lors de la percussion en positionnant son doigt sur la face vestibulaire de la couronne, le ligament parodontal est considéré comme intact.