Tünde Petre est un chirurgien-dentiste à part. Son parcours et sa personnalité en font une praticienne pleine de sensibilité où l’humain est au cœur de toute prise en charge. Dans son petit cabinet d’Épernon (28), elle reçoit ses patients comme des proches.
C’est d’abord la chaleur humaine qui vous accueille dans le cabinet d’omnipratique de Tünde Petre. Un petit espace simple et plein de délicatesse, où l’on sent bien que c’est le patient qui est au cœur des soins attentifs et précis. Plus encore, on y découvre que l’odontologie y est une passion et un rêve accompli pour cette Hongroise, née en Transylvanie, à Cluj-Napoca, dans la vallée du Somesul Mic, à 440 km de Bucarest. Une ville profondément multiculturelle, avec ses deux grandes communautés de langues roumaine et hongroise. Non seulement l’un des plus importants centres culturels de Roumanie mais aussi le deuxième centre universitaire du pays. Rien d’étonnant, donc, à l’ouverture d’esprit de cette praticienne et à l’atmosphère conviviale de son cabinet.
Mais comment et pourquoi Tünde Petre est-elle arrivée en France ? Son parcours est singulier. Sa personnalité atypique. À 5 ans, la petite fille sait déjà qu’elle veut devenir chirurgien-dentiste. Alors qu’elle est en visite chez le praticien de sa mère, celui-ci la met tout de suite à l’aise, lui explique les soins prodigués. « Je savais qu’un jour je ferai ce métier », assure-t-elle. Dès l’âge de 9 ans, au lieu de jouer avec les enfants de son âge, elle passe du temps dans les cabinets dentaires d’amis de ses parents. Les praticiens lui permettent d’assister aux soins et de poser des questions. « À 15 ans, je suis devenue l’amie d’une dentiste qui m’a transmis des notions de drainage des abcès, qui m’a appris à faire la différence entre un tissu ?dentaire sain et un tissu altéré, à comprendre la structure dentaire et pas mal d’autres choses », raconte-t-elle. À 18 ans, elle est autorisée à assister à sa première résection apicale et se fait remarquer par le professeur d’université qui lui confie être convaincu qu’un jour elle deviendra dentiste. À 21 ans, elle est la patiente d’un professeur universitaire : « Je faisais toujours en sorte d’être la dernière patiente et j’arrivais très en avance. De ce fait, cela me permettait d’écouter toutes les explications qu’il donnait aux étudiants, dans la salle de soins avec 6 fauteuils. » Sa voie semble donc toute tracée. Mais au moment de s’inscrire à l’université, sa mère, comptable, et son père, technicien en mécanique, refusent d’accéder à son souhait. Elle fera des études dans la finance.
Cinq ans plus tard, elle devient directrice financière, à la tête de 400 employés. Un poste qu’elle va occuper pendant 13 ans. On est en plein régime communiste. Ce n’est qu’après le coup d’État de décembre 1989 que le régime de Ceaucescu est renversé.
En 2005, Tünde Petre se marie et décide de mener de pair vie professionnelle et études odontologiques. Grâce à la législation et à ses compétences dans la finance, elle crée, dès sa 2e année d’études, un cabinet dentaire à Bucarest, engage trois spécialistes et une assistante. Elle quitte alors la direction financière et commence à exercer dans son propre cabinet composé de 2 salles de soins, en tant qu’administratrice médicale. Tout en poursuivant ses études.
« En Roumanie, à partir de la 3e année universitaire, les étudiants commencent à prodiguer des soins de détartrage et d’hygiène à des patients. À partir de la 4e année, ils commencent à faire des soins divers, de l’endodontie, de la prothèse fixe. Cette année-là, j’ai réalisé plus de 5 prothèses fixes avec ablation, des inlay-cores et des couronnes après des soins endodontiques. J’ai toujours eu mes propres patients à l’université qui me suivaient lors de mes stages », se souvient-elle. Dès lors, les soins complexes n’ont plus de mystère pour cette praticienne pleine d’enthousiasme qui, une fois son diplôme en poche, exerce enfin. Elle a plus de 40 ans.
Quelques années plus tard, son mari, ingénieur informaticien, part travailler en France. Qu’à cela ne tienne, elle met son cabinet de Bucarest en location et vient le retrouver en Eure-et-Loir, en avril 2013. C’est là qu’elle rencontre un chirurgien-dentiste qui lui propose une collaboration à Épernon. Grâce à la reconnaissance de son diplôme européen et à ses compétences, elle entame ainsi un nouveau pan de vie. C’est l’apprentissage de la langue française qui va lui demander beaucoup de travail. Elle s’y attelle. Aujourd’hui encore, un Bescherelle trône dans sa salle de soins. Après sa réussite à l’examen de langue et de législation de l’Ordre, elle commence donc, en juin 2013, à exercer avec 2 praticiens, dans 2 salles de soins situées sur 2 étages, en fonction de leurs plannings. « Nous avions une très bonne relation confraternelle et ils m’ont aidée à m’adapter à l’esprit français. » Mais, fin 2013, l’un des deux praticiens tombe gravement malade. Tünde Petre lui rachète alors sa patientèle et devient titulaire du cabinet du 1er étage. L’autre praticien, devenu un ami, part à la retraite fin 2014. Là encore, Tünde rachète la patientèle, loue les deux niveaux. Mais, très vite, la configuration du cabinet devient trop compliquée à gérer pour une seule personne. Et la praticienne ne trouve pas de collaborateur souhaitant s’établir à 40 minutes de train de la gare Montparnasse.
Le rez-de-chaussée d’un petit immeuble situé non loin de là cherche acquéreur. C’est une ancienne clinique vétérinaire de 60 m2. Tünde Petre saisit l’occasion, achète le local et le transforme. « C’est moi qui ai fait office d’architecte et qui ai organisé les travaux. J’ai tout refait : plomberie, électricité, faïences, carrelage, isolation thermique… Je savais ce que je voulais. » Elle fait réaliser des meubles sur mesure, s’équipe d’un fauteuil Fedesa Zafiro, d’un microscope Global, d’un scanner optique 3M pour les empreintes et d’une radio, en attendant un futur cone beam. En tout, 1 mois de travaux. Sa signature ? Une fausse cheminée dans sa salle de soins, entièrement imaginée et dessinée par elle, avec quartz de cristal et béton pour renforcer la structure. Sans oublier, dans la partie inférieure, un écran diffusant… un faux feu de bois ! C’est là toute la poésie et l’humour de la praticienne qui a « toujours rêvé d’avoir une cheminée ». Et qui ne lâche jamais ses rêves.
Sa patientèle la suit. Il faut dire qu’elle entretient avec chacun une relation sincère. Enfants, aînés, personnes en situation de handicap, tout le monde est le bienvenu dans son cabinet d’omnipratique créé aux normes, avec un accès direct de la rue et des places de stationnement devant ses murs. « La mairie d’Épernon s’est également impliquée en faisant poser deux rambardes devant ma porte, afin d’éviter que les voitures ne s’y garent et pour faciliter le passage de mes patients. » Si la dentisterie est sa passion, elle a une affinité particulière pour la parodontologie. Elle prépare ainsi un CES et suit plusieurs formations, tout en envisageant de faire un DU à l’université Paris-Descartes. Son objectif ? « Faire un doctorat en parodontologie. Et toujours me perfectionner pour le bien de mes patients. » Elle confie aussi avoir un modèle en implantologie – dont elle détient un DU – et en chirurgie, Michel Abbou, docteur en chirurgie dentaire, praticien parisien et membre de l’Association française d’implantologie, qui la conseille et l’accompagne dans ses réflexions professionnelles. Avec une file active de 3 000 patients, elle met l’accent sur la prévention et la communication. « Je prends le temps de faire comprendre l’importance des soins dentaires, en mettant en perspective les risques et les bénéfices. » Très humaine, elle a réussi à créer une petite équipe avec son assistante Cilinia et sa secrétaire Stéphanie, « une famille » comme elle se plaît à le dire. Elle travaille avec un réseau de prothésistes français, est soucieuse de qualité, et fournit un certificat de traçabilité à ses patients. Si un de ses passe-temps est l’écriture, le design d’intérieur l’emporte. Son cabinet illustre ses dispositions par touches : couleurs gaies, jeux de transparence et de lumière, miroirs, portes coulissantes. Très bien intégrée dans sa seconde patrie, la France, elle est reconnaissante à ses patients qui lui ont permis de s’intégrer et n’hésitent pas à corriger ses petites fautes de syntaxe. De sa voix franche et attentionnée, elle assure : « C’est ici ma place. »
Sa prévenance à l’égard des enfants. Un tableau dans la salle d’attente peint par la fille d’une de ses patientes, des peluches, des jouets, des petits cadeaux, un ballon. Et une nuée de paillettes qui se fondent dans la peinture violette des murs de sa salle de soins.