Clinic n° 12 du 01/12/2017

 

DE BOUCHE À OREILLE

Frédéric BESSE  

« Il n’y a de tyrans que parce que nous sommes à genoux. » Cette phrase d’Étienne de la Boétie risque de résonner dans nos esprits durant les années à venir. En effet, nos professions médicales libérales, trop libres et trop indépendantes, souillées dans l’esprit de nos concitoyens par cette idée de gagner de l’argent sur le malheur des autres, sont vouées à passer au broyeur des réseaux de soins et diverses sociétés d’exercice.

Leur principe sera...


« Il n’y a de tyrans que parce que nous sommes à genoux. » Cette phrase d’Étienne de la Boétie risque de résonner dans nos esprits durant les années à venir. En effet, nos professions médicales libérales, trop libres et trop indépendantes, souillées dans l’esprit de nos concitoyens par cette idée de gagner de l’argent sur le malheur des autres, sont vouées à passer au broyeur des réseaux de soins et diverses sociétés d’exercice.

Leur principe sera de proposer des soins bon marché et de qualité, en réduisant dans de fortes proportions nos revenus, nous contraignant à plus de productivité, tout en nous obligeant à garantir la qualité de notre travail. Mais afin de nous transférer dans de bonnes conditions à ces entités, les pouvoirs publics ont déclenché une guerre contre notre profession. Le premier acte a consisté à s’attaquer à toutes les institutions garantissant notre indépendance : les ordres ont été perquisitionnés par une première police politique, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), puis par une seconde, la Cour des comptes, dont le rapport s’est retrouvé divulgué très vite dans les médias. Les syndicats se sont fait atomiser à coups de promesses fallacieuses et sont désormais incapables de défendre quoi que ce soit de manière cohérente. Le tout est accompagné d’un « dentiste bashing » permanent dans les médias, dont l’origine n’est pas innocente. Cet affaiblissement de nos forces a permis un arbitrage qui va entamer le processus de réduction des coûts dentaires dans des proportions conformes aux desiderata de ceux qui veulent nous reprendre.

Le collectif laminé, la guerre se déplace désormais sur le terrain individuel sous la forme de contrôles d’activité. Avec pour principe de briser les résistances et de mâchouiller du praticien pour le rendre plus docile. Les confrères contrôlés subissent violemment une agression administrative destinée à les déstabiliser : un grand nombre de dossiers sont demandés, les réponses devant arriver rapidement (comptez 2 heures par dossier, en moyenne 40 à 50 dossiers). Les griefs tombent sur une base administrative, la clinique est occultée. Les fautes sont empilées : si votre endo n’est pas pile à l’apex, elle est récusée, donc la couronne est refusée, s’il s’agit d’un bridge, il est refusé également et… vous devez tout rembourser. De plus, une chasse particulière est faite aux praticiens qui osent soigner des CMU : la moindre tentative pour rendre service à un patient en détresse est sanctionnée sans pitié. Des indus ruineux nous sont demandés. Ces contrôles d’activité hyper agressifs, rendus possibles par la complexité et la précision de la classification commune des actes médicaux (CCAM), se généralisent sous la pression de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). Selon l’adage « Lorsque l’on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage », je fais le pari que d’ici à quelques mois, au plus une année, des statistiques calamiteuses pour notre profession vont « fuiter » dans les médias, qui nous feront passer (encore plus) pour des voleurs et des incapables. Cette politique délibérée de déstabilisation de notre profession n’a qu’un but : nous faire accepter l’inacceptable. Alors, relevons-nous et combattons de toutes nos forces !