WHAT’S UP EN ENDO ?
Ancienne AHU en odontologie
conservatrice et endodontieDirectrice d’EndoSophie, concept de transmission du savoir en endodontie
Paris
Le jeu du What’s up d’EndoSophie est de mettre en lumière la réflexion clinique du praticien pendant tout le déroulé d’un cas clinique. Le but est d’apprendre à jouer avec les données historiques, cliniques et radiographiques que présente le patient.
Notre diagnostic se fonde sur un échange d’informations entre le praticien et le patient : dialogue, observation clinique, interrogatoire précis sont nécessaires à notre analyse. Dans ce cas clinique, nous verrons de quelle façon le praticien fait écho aux demandes et ressentis de la patiente en construisant une prise en charge adaptée de sa douleur, notamment selon des indications raisonnées de conservation pulpaire.
Ce que rapporte le patient. La patiente se présente pour une douleur qui dure depuis deux ans. Sur une échelle de 1 à 10, elle vit en permanence sur un stade 2-3. La douleur vient du secteur 4.
→ Ce que déduit le praticien. Alerte ! Il s’agit d’une douleur chronique. Une douleur installée ne part pas facilement. Outre le traitement dentaire, il va falloir traiter la douleur. Risque d’installation d’un tableau de douleurs neuropathiques. Il faut rapidement faire un diagnostic dentaire efficace pour la sortir d’affaire et faire cesser au plus vite la symptomatologie. Le diagnostic doit être fait dans les meilleurs délais et le traitement aussi.
Ce que rapporte le patient. La douleur est assez bien localisée par la patiente sur deux molaires en bas à droite. Des amalgames ont été réalisés une première fois pour traiter des lésions carieuses. La patiente a demandé elle-même à ce qu’ils soient refaits une deuxième fois, car elle avait toujours mal et le praticien ne voyait toujours rien mais a accepté pour vérifier et la rassurer.
→ Ce que déduit le praticien. Diagnostic différentiel à établir. Deux dents ne peuvent pas faire mal en même temps. L’une appelle plus la symptomatologie que l’autre.
La patiente a dû demander à refaire les soins, alors que le dentiste n’objective pas cette demande. Elle n’osera jamais faire la demande une troisième fois. Elle peut craindre aussi une pathologie plus grave qui dépasse le cadre du diagnostic dentaire. Souvent c’est l’inquiétude concernant le développement d’un cancer.
Terrain d’anxiété possible, qui aggrave la symptomatologie. Dans le traitement de la douleur, la première chose à faire sera de cadrer et rassurer.
→ Ce que rapporte le patient. La douleur persiste sous forme de gêne ; l’intensité est la même. Elle est continue, même en l’absence de sollicitation. Parfois, la patiente l’oublie, parfois la douleur se rappelle à elle. Elle a souvent envie d’appuyer au doigt entre la 46 et la 47, la zone est inconfortable.
→ Ce que déduit le praticien. Le diagnostic n’a donc jamais été posé correctement, il est bien à faire. Il y a un problème de point de contact entre 46 et 47.
Ce que rapporte le patient :
• Test au froid sur 46 : immédiatement ressenti. Intensité comparable à la 45, et à la 36.
• Test au froid sur 47 : immédiatement ressenti. Intensité plus forte que la 46, la 45 et la 37.
• Test à la percussion sur 46 et 47 : réponse comparativement aux 44, 45 et 47 normale.
• Palpation bidigitale entre 46 et 47 : positive. Point de contact déficient, le fil s’ébrèche et passe trop facilement.
→ Ce que déduit le praticien. Les deux dents sont vivantes. La 47 est la dent la plus en cause. La conservation pulpaire de la 46 semble bien envisageable. Celle de la 47 est encore à évaluer.
La symptomatologie a été contrôlée par téléphone le lendemain : les symptômes avaient cessé et la nuit avait été bonne.
Trois jours après, la patiente nous a rappelés pour quelques douleurs, qui n’étaient pas du même ordre que celles subies jusque-là. Nous avons traité par une ordonnance d’Advil 200 + Doliprane 500, 3 fois par jour, pendant 3 jours.
Le contrôle à une semaine a été négatif. La patiente ne souffre plus. Elle a enchaîné immédiatement sur la réalisation des soins prothétiques.
C’est le patient qui a guidé les choix thérapeutiques du praticien. La décision de conserver la pulpe est éminemment variable et fonction du cas diagnostique.
Plus nous avons d’options thérapeutiques possibles, plus nous devons affiner nos capacités diagnostiques, voire accepter, comme dans ce cas, que le diagnostic se termine in situ, en lisant la dentine.
Les choix doivent toujours être faits dans l’intérêt du patient et corrélés au niveau de chacun. Et à sa capacité à traiter un échec.
Il n’y a pas de bon choix en soi, il y a un bon choix pour le tandem patient-praticien dans une relation de confiance gérée sur le long terme.