Clinic n° 11 du 01/11/2017

 

ENQUÊTE

Anne-Chantal de Divonne  

Dans notre ère de communication, alors que le patient est bombardé d’informations, comment le praticien peut-il tisser des liens de confiance avec son patient ? Sous la houlette de Thierry Draussin, Corinne Lallam, Marc Sabek et Vianney Descroix vont explorer, chacun en 18 minutes, un aspect particulier de la relation avec le patient dans le but de donner des outils concrets pour la réussir.

Corinne Lallam : mieux connaître son patient pour mieux communiquer

« Nos points d’achoppement dans une journée sont souvent liés à un problème de communication ou à quelque chose qui nous stresse ou nous agace plutôt qu’à notre travail en lui-même. » Partant de ce constat, Corinne Lallam a suivi des formations afin de mieux connaître cet autre qui peut être le patient, mais aussi l’assistante dentaire ou même des membres de sa famille. « Je ne suis pas coach, juste un chirurgien-dentiste qui essaie de voir comment faciliter la communication et surtout la gestion du stress », prévient la praticiénne. Il y a des moments où rien ne va plus avec un patient. Et pourtant, rien de dramatique au départ, le praticien a simplement utilisé un mode de communication qui n’est pas celui du patient. C’est au praticien d’observer son patient pour savoir comment l’aborder en évitant des zones éventuelles de tension : certains aiment la précision, pour d’autres c’est un facteur de stress ; certains aiment l’affirmation, d’autres ne la supportent pas ; certains aiment le contact, d’autres pas… « Dès que le patient arrive, de nombreux signes permettent de trouver les termes qui fonctionnent pour être efficace, pour l’apaiser », assure Corinne Lallam.

Marc Sabek revisite le consentement éclairé

Le « consentement éclairé » est parfois devenu une formule abstraite que certains cantonnent à un formulaire. Pour Marc Sabek, il est fondamental d’avoir à l’esprit que « le libre choix qui conditionne le consentement ne peut se concevoir sans connaissance ».

Il ne s’agit donc pas, pour le patient, de choisir entre les traitements A et B parce que c’est son droit mais, pour le praticien, de l’éclairer pour qu’il puisse choisir en pleine connaissance de cause. Et cela requiert une aptitude pédagogique de la part du chirurgien-dentiste qui s’apprend : des mots appropriés, un discours adapté et une responsabilisation du patient.

Séduire et convaincre

Lorsque le chirurgien-dentiste expose des solutions thérapeutiques à son patient – son alter ego –, il doit “séduire” et “convaincre”. Mais attention au sens de ces mots, prévient aussitôt Marc Sabek. « Séduire n’est pas jouer une comédie, encore moins tromper, mais assurer une présentation convaincante, à la fois sincère et dépouillée d’expressions trop techniques, insaisissables. Il faut donc “revêtir” l’habit du conseil, humble et avisé, connaisseur et capable de simplifier, suivant un exposé construit pour chaque patient.

Convaincre n’est pas vaincre, encore moins vendre par les techniques du coaching commercial. Si le patient est un autre soi-même, la présentation du traitement s’adresse à l’intimité du couple soignant-soigné. Les mots, leur débit, les répétitions, les dessins et les graphiques, …, ne sont que le support d’un dialogue où le patient perçoit que si les rôles étaient inversés, l’autre – le praticien – serait consentant ! Le message est réellement perçu avec clarté – et le consentement qui en résulte sera parfait – si le patient voit également son chirurgien-dentiste dans le miroir. »

Vianney Descroix : l’histoire d’une rencontre

Un patient a les gencives douloureuses, il saigne lors du brossage. Ces symptômes le conduisent chez un chirurgien-dentiste. « Comment se servir de sa demande de soins pour donner du sens à la relation thérapeutique, construire quelque chose qui est de l’ordre de la rencontre ? » interroge Vianney Descroix.

Le chirurgien-dentiste peut répondre à cette demande par un geste technique. En soignant la gingivite, il « reste dans l’interaction » avec son patient, explique Vianney Descroix. Mais il peut aussi décider de dépasser l’aspect technique, de « donner du sens à l’interaction pour qu’elle devienne relation ». Les méthodes sont simples : une façon de regarder son patient, de l’écouter et d’être en empathie. Le patient pourra alors apporter des informations différentes. Il évoquera peut-être des difficultés de couple, des problèmes d’alcool ou de tabac…

Autre cas, celui d’un patient qui a peur des soins. « Entrer en interaction avec lui, c’est peut-être lui proposer une anesthésie générale pendant laquelle toutes ses caries seront soignées sans qu’il s’en rende compte. Et l’histoire s’arrêtera là. Le soignant peut aussi dire à la personne que le fait de surmonter son anxiété et sa phobie des soins va peut-être donner un sens à son existence et, à travers ce passage-là, elle va pouvoir se révéler à elle-même, elle va pouvoir avoir accès à une autre signification… »

Les Anglais disposent de deux mots pour caractériser ces deux approches du patient, le cure (soigner) pour la première et le care (prendre soin) pour la seconde. Deux approches que l’on retrouve aussi dans l’évolution de la médecine. Historiquement, on est passé d’une médecine qui voulait soigner une maladie à une médecine qui veut prendre en charge et soigner un être humain. Il n’y a « ni prise de position, ni jugement de valeur » dans ces deux méthodes, tient à préciser Vianney Descroix. « C’est ma vision de ce qu’est une relation thérapeutique ou de ce que j’aimerais qu’elle soit » !

E120 - Réussir la relation avec son patient 18 minutes pour convaincre Samedi 2 décembre, de 10 h 30 à 12 h