ODONTOLOGIE CONSERVATRICE
Noémie DRANCOURT* Valérie ROGER-LEROI** Sophie DOMÉJEAN***
*Interne en médecine bucco-dentaire
Université Clermont-Auvergne
UFR d’odontologie
Centre de recherche en odontologie clinique
EA 4847
63100 Clermont-Ferrand
**PU-PH
Université Clermont-Auvergne
UFR d’odontologie
Centre de recherche en odontologie clinique
EA 4847
2, rue de Braga
63100 Clermont-Ferrand
CHU Clermont-Ferrand
Service d’odontologie
Hôpital Estaing
63003 Clermont-Ferrand
***PU-PH
Université Clermont-Auvergne
UFR d’odontologie
Centre de recherche en odontologie clinique
EA 4847
2, rue de Braga
63100 Clermont-Ferrand
CHU Clermont-Ferrand
Service d’odontologie
Hôpital Estaing
63003 Clermont-Ferrand
Connaître le statut d’activité d’une lésion permet d’adapter les stratégies thérapeutiques au cas par cas, lésion par lésion. Si la notion d’activité carieuse et son importance sont faciles à comprendre d’un point de vue conceptuel, il est primordial de se demander quels sont les moyens utilisables facilement en pratique clinique.
Le processus carieux, avec ses phases cycliques de déminéralisation et de reminéralisation, n’est plus à démystifier [1]. Aussi, notamment par l’action des fluorures, il peut être enrayé et une lésion carieuse peut donc passer d’active à inactive [1]. Connaître le statut d’activité d’une lésion permet d’adapter les stratégies thérapeutiques au cas par cas, lésion par lésion. En effet, une lésion jugée inactive ne fera pas l’objet de procédure particulière de prévention secondaire pour empêcher sa progression. Une lésion carieuse est en phase active lorsque les processus de déminéralisation l’emportent sur ceux de reminéralisation. Elle a pu se développer en raison d’habitudes de brossage insuffisantes tant en termes de fréquence que de durée et/ou en raison d’un changement de comportement alimentaire avec grignotage d’aliments ou prise de boissons sucrées entre les repas ; cependant, si le patient a retrouvé de lui-même de meilleures habitudes, les phénomènes de reminéralisation peuvent reprendre le dessus et la lésion, devenue inactive, peut passer inaperçue. En revanche, lorsqu’une lésion est active, des mesures appropriées/ciblées sont nécessaires pour empêcher la lésion de progresser jusqu’à une perte de substance et la formation d’une cavité (prévention secondaire).
Si la notion d’activité carieuse et son importance sont faciles à comprendre d’un point de vue conceptuel, il est primordial de se demander quels sont les moyens utilisables facilement en pratique clinique. L’objectif du présent article est donc de faire le point sur les outils et techniques disponibles pour l’évaluation de l’activité carieuse à l’échelle de la lésion.
Pour répondre à cette question, une recherche bibliographique a été effectuée sur la base de données PubMed en avril 2017. Après lecture des titres et des résumés, 19 articles publiés en langue anglaise (parmi les 297 initialement identifiés) et portant sur les études in vivo et in situ ont été retenus [2-20]. Trois articles ont été également retenus parmi les références bibliographiques des articles initialement sélectionnés [21-23].
Le tableau 1 présente les différents systèmes et outils ainsi que les critères utilisés pour déterminer l’activité carieuse à l’échelle de la lésion ; ils peuvent être regroupés selon trois types :
• les méthodes fondées sur des combinaisons de critères visuels et tactiles (Ekstrand et al., ICDAS-CAA, ICDAS-LAA, Maltz, Miller et Massler, Nyvad) ;
• les outils fondés sur la fluorescence (DiagnoDent®, DiagnoDent Pen®, QLF (quantitative light-induced fluorescence), SoproLife®) ;
• les outils fondés sur l’évaluation du pH à la surface des lésions (ClinPro®).
Les figures 1 à 4 présentent des vues cliniques de lésions carieuses de différents scores ICDAS et de statuts d’activité différents selon des critères visuels et tactiles.
Pour être performant, un outil diagnostique doit être « validé ». Pour ce faire, il doit répondre à plusieurs qualités intrinsèques :
• il doit être sensible, c’est-à-dire pouvoir limiter/éviter les faux négatifs (test négatif alors qu’une lésion est active) ;
• il doit être spécifique, c’est-à-dire pouvoir limiter/éviter les faux positifs (test positif alors qu’une lésion est inactive). Il n’existe pas de valeur seuil pour la sensibilité et la spécificité qui évoluent généralement en sens inverse ;
• il doit permettre des résultats reproductibles :
– entre les opérateurs pour un même cas (variation interexaminateur faible),
– pour un même opérateur pour un même cas mais à des temps différents (variation intra-examinateur faible).
Les reproductibilités interopérateurs et intra-opérateurs sont jugées excellentes lorsque le coefficient de kappa de Cohen est supérieur ou égal à 0,75 (0,40-0,75 : reproductibilité bonne ; ≤ 0,40 : reproductibilité mauvaise).
Le tableau 2 présente les données liées à la validation (sensibilité, spécificité, variations interopérateurs et intra-opérateurs) des différents systèmes et outils décrits dans le tableau 1. Il montre qu’il existe une grande hétérogénéité des variables étudiées entre les travaux. Par exemple, la sensibilité et la spécificité sont des valeurs importantes puisqu’elles permettent de savoir si l’outil détermine vraiment l’état qu’il est censé renseigner ; elles sont pourtant peu étudiées par comparaison aux variations interexaminateurs et intra-examinateurs. Cette hétérogénéité rend difficile, voire impossible, la comparaison des différents systèmes/outils entre eux. Il en est de même concernant les standards de référence qui sont différents d’une étude à l’autre. D’ailleurs, à ce propos, le seul test histologique à la disposition des chercheurs est fondé sur l’utilisation d’une solution rouge de méthyle à 1 %. Le rouge de méthyle a la propriété de colorer une lésion carieuse en jaune lorsque le pH de celle-ci est supérieur à 5,5 et en rose/rouge lorsqu’il est inférieur à 5,5 (lésions actives). En effet, 5,5 représente la valeur critique de déminéralisation de l’émail [2].
Le dispositif ClinPro® qui a enregistré des valeurs intéressantes tant en termes de sensibilité (0,96) que de spécificité (0,67) n’est malheureusement plus disponible sur le marché professionnel.
La caméra SoproLife®, qui a par ailleurs montré des résultats prometteurs en termes de détection des lésions carieuses [24], n’a fait l’objet d’aucune étude concernant son potentiel d’évaluation de l’activité carieuse pourtant décrit par le fabricant.
La présente synthèse illustre le besoin d’un outil/test simple d’utilisation et validé pour aider les chirurgiens-dentistes à quantifier l’activité carieuse à l’échelle de la lésion de façon objective, en temps réel, par un résultat binaire (actif/inactif) tant pour les dents temporaires que permanentes. Cet outil permettrait, au fauteuil, de faciliter la prise de décision lésion par lésion par les chirurgiens-dentistes.