Clinic n° 10 du 01/10/2017

 

Rentrée universitaire

ENQUÊTE

Marie Luginsland  

Elles ont déjà franchi le pas du numérique et ont souvent rejoint les autres facultés de santé au sein de pôles ou campus communs. Les facultés dentaires n’en poursuivent pas moins leurs efforts vers une meilleure adaptation de leur pédagogie et de leurs équipements aux innovations des techniques et des matériaux. Parallèlement, les unités de formation et de recherche (UFR) intensifient leurs liens avec la recherche, ouvrant la porte des laboratoires aux étudiants dès la deuxième année. Enfin, conscientes de leur rôle d’acteur de la santé publique, elles continuent d’essaimer efficacement vers les territoires sous-dotés. Tour d’horizon à l’heure de la rentrée universitaire.

Montpellier : ouverte sur les DOM-TOM, la faculté suscite aussi des vocations en recherche

Les éléments marquants pour la rentrée de l’UFR d’odontologie sont que parallèlement à la formation initiale des chirurgiens-dentistes, la faculté s’est dotée d’un nouvel axe de développement stratégique. Forte du succès de ses DU d’implantologie, de CFAO et d’hypnose dentaire qui affichent déjà complet pour l’année 2018-2019, elle exporte son DU d’odontologie restauratrice et esthétique dans les DOM-TOM. « Face à la forte demande de nos confrères des Caraïbes, nous avons choisi de venir à eux plutôt que de les faire se déplacer en métropole. Les alternatives les plus proches pour eux se trouvaient aux États-Unis », expose le Pr Philippe Gibert, doyen de la faculté d’odontologie de Montpellier.

Mais, rappelle le doyen, la vocation première de la faculté est d’assurer la formation des futurs chirurgiens-dentistes. Dans ce domaine, l’investissement de l’université s’est porté, pour cette année et la suivante, sur la réfection de deux salles de travaux pratiques pour un montant de 950 000 euros. Les deux salles de 38 simulateurs gestuels permettent d’acquérir, dès la préclinique, les notions de base, telle la position de fraisage. « En amont de leur formation, nos étudiants ont ainsi l’occasion de se former à la pression de la main, à la précision du geste sur les “fantômes” de ces deux salles dont l’une sera équipée de simulateurs virtuels, l’autre de microscopes pour les travaux pratiques d’endodontie », décrit le doyen.

Autre innovation : les étudiants auront la possibilité de se former à l’impression 3D, en cours, à petite échelle. Un nouveau pas qui sera franchi face au succès remporté par la formation en CFAO, intégrée à l’enseignement initial. Ce n’est que l’une des facettes de cette faculté qui offre à ses étudiants l’occasion d’explorer de nouveaux champs de recherche, au sein du laboratoire de bio-ingénierie et nanosciences situé dans l’UFR et dirigé par le Pr Frédéric Cuisinier, ou les marqueurs salivaires dans le Département d’étude et de recherche de biomarqueurs salivaires dirigé par les Pr Deville de Périère et Hirtz. Ce département est né du partenariat scientifique avec le laboratoire de biochimie et protéomique clinique du CHU dirigé par le Pr Sylvain Lehmann. « Aujourd’hui, cette proximité et cette perméabilité permettent d’éveiller des vocations et de développer un véritable parcours recherche, et ce dès la deuxième année pour ceux qui souhaitent faire leurs premiers pas en recherche grâce à un enseignement de libre choix » précise le Pr Gibert.

Bordeaux : la faculté dentaire rejoint le campus Santé

D’importantes réalisations s’annoncent pour l’année 2018 à la faculté dentaire qui s’installera sur le nouveau campus Santé à la rentrée universitaire prochaine. Cet investissement ne concerne pas uniquement les bâtiments. Cette opération est l’occasion pour l’UFR dentaire de se doter de nouveaux équipements tels que des mannequins permettant la simulation en préclinique, une nouvelle salle de céramique, une salle de CFAO ainsi qu’une salle informatique. « Nous détiendrons par ailleurs un cabinet dentaire de simulation à visée pédagogique, une salle d’imagerie radio et une salle de stérilisation attenantes au cabinet dentaire. Ce cabinet en simulation pourra être également utilisé pour la retransmission de cours dans le cadre de la formation initiale et de la formation continue », expose le Pr Caroline Bertrand, doyen de la faculté des sciences odontologiques notant que ces innovations seront accompagnées de nouvelles approches pédagogiques. « Plus que jamais, les projets pédagogiques doivent s’inscrire dans l’évolution des technologies et des matériaux », relève-t-elle.

La faculté bénéficie du soutien financier de différents partenaires, tels le Collège des sciences de la santé, l’IdEx (initiative d’excellence) et le Conseil régional de Nouvelle Aquitaine.

L’UFR ne saurait parachever ses missions sans répondre aux besoins des territoires sous-dotés. Il ne s’agit pas seulement de suivre sa vocation de service public mais aussi de pallier l’insuffisance du nombre de fauteuils au CHU de Bordeaux (52 pour 496 étudiants). « Nous proposons un stage clinique odontologique hospitalier dans ces zones en développant des antennes hospitalières à l’image de celle qui vient d’être ouverte au CH de Périgueux. Poitiers accueillera cette année quelques étudiants bordelais et nous travaillons au projet d’une petite antenne à Angoulême puis, pourquoi pas, à Agen ? », détaille le Pr Caroline Bertrand, précisant que certains étudiants sont également envoyés à Limoges depuis 2014 et que la plupart d’entre eux s’installent par la suite à proximité de cette ville.

Reims : décloisonner enseignement et recherche

C’est avec 77 nouveaux entrants issus de 3 PACES (Amiens, Rouen et Reims) ? ainsi que 2 passerelles et 2 étudiants étrangers ? que la faculté dentaire aborde cette nouvelle année universitaire. Mais c’est aussi avec des plans plein les cartons qu’elle se projette dans l’avenir. « Nous travaillons ardemment au projet architectural de ce qui sera, à la rentrée universitaire 2021, notre nouvelle faculté, avec à la clé de nouveaux équipements en simulation, notamment avec un nouveau secteur CFAO », expose le Pr Pierre Millet, doyen de la faculté dentaire de Reims.

Cette perspective suppose de nouvelles capacités de financement et le recours au soutien de la Fondation de l’université. Elle induit également un travail de communication et d’image auquel s’emploient le doyen et son équipe en mettant en place un mécénat auprès des industriels, des anciens élèves et de la profession. Cette dynamique lancée n’empêche pas des réalisations plus immédiates comme l’inauguration, le 12 décembre prochain, du nouveau centre odontologique hospitalier doté de 80 fauteuils et de 2 blocs opératoires.

Cette synchronisation des multiples projets requiert une implication importante de l’équipe pédagogique (16 MCU-PH, 5 PU-PH, 1 PU, 2 MCU et 18 assistants hospitalo-universitaires). La faculté de Reims privilégie la coopération et la mutualisation en équipements et en recherche avec les autres filières de santé en contribuant notamment à la création d’un champ de formation commun avec Médecine, Pharmacie et Maïeutique dénommé « Santé et Sport » en associant la filière STAPS.

Ce souci de transversalité se reflète également dans le domaine de la Recherche où les enseignants de la faculté dentaires sont très impliqués dans le laboratoire BIOS EA4691 (biomatériaux et inflammation en site osseux) et dans le laboratoire d’ingénierie et Sciences des matériaux (LISM EA4695). « Nous incitons les étudiants à suivre des UE de Master dès la deuxième année en enseignement optionnel qui peuvent déboucher sur un Master Recherche BSQ (Biologie Santé Qualité) ou BBB (Biomécanique Biomatériaux Biomédical) porté par l’UFR Odontologie »

Clermont-Ferrand : à la croisée des territoires

Depuis son déménagement il y a 3 ans, la faculté de chirurgie dentaire aurait pu se contenter de fonctionner à une vitesse de croisière confortable dans un bâtiment qui regroupe l’ensemble des entités de l’UFR et du Service d’odontologie, mais elle s’est engagée dans de nouveaux défis. En témoigne l’émergence, le 1er janvier dernier, dans le sillage de la fusion des universités clermontoises, du collegium « Sciences de la vie, Santé, Environnement » qui réunit désormais 4 UFR. « Nous ressentons une véritable dynamique qui va permettre de porter de nouveaux projets autour notamment du développement de la simulation en santé », se félicite le Pr Stéphanie Tubert-Jeannin, doyen de la faculté de chirurgie dentaire.

La faculté de chirurgie dentaire, « faculté de la recherche par essence », intègre 2 laboratoires labellisés reconduits par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) en 2016. Le laboratoire Inserm multi équipe Neurodol, qui mène des recherches de neurosciences (UMR 1107), est dirigé par un odontologiste, le Pr Radhouane Dallel. Une équipe d’accueil (CROC, EA4847), dirigée par le Pr Martine Hennequin, s’intéresse, quant à elle, aux liens entre la santé bucco-dentaire, la mastication et la nutrition, et évalue les pratiques de soins et de prévention. « Cet environnement propice à la recherche permet de promouvoir la formation de futurs professionnels de santé qui pourront exercer dans les meilleures conditions et offrir des soins basés sur l’évidence scientifique. D’autre part, cette proximité avec la recherche contribue à la formation des futurs cadres hospitalo-universitaires », expose le Pr Tubert-Jeannin.

Cette approche scientifique est complétée par une démarche d’innovation pédagogique avec d’importants investissements en équipements techniques : salle de simulation avec mannequins (« fantômes ») permettant l’initiation à la prothèse numérique et usage d’une imprimante 3D permettant la simulation sur dents imprimées. « Toute la chaîne de production prothétique par CFAO est disponible dans le service d’odontologie. Cela semblait important de connecter cet équipement avec la formation préclinique. En effet, il est essentiel d’adapter la formation initiale à la réalité de la pratique professionnelle et de disposer de modèles pédagogiques pertinents en travaux pratiques », décrit le doyen.

La nécessité de répondre aux réalités du terrain prend une connotation toute particulière à Clermont-Ferrand. Cette faculté de chirurgie dentaire, qui se situe aux confins des régions Bourgogne Franche-Comté et Centre, accueille des étudiants issus de 4 PACES (Clermont-Ferrand, Dijon, Limoges et Tours). « L’UFR œuvre à l’aménagement territorial avec les acteurs locaux et travaille ainsi avec l’agence régionale de santé pour un soutien des stages actifs de sixième année réalisés à temps plein en zone sous-dotée. Cela permet d’irriguer les territoires avec un suivi pédagogique des étudiants et une alternance entre des phases de stage et de formation universitaire. Par ailleurs, nous souhaitons développer l’offre de stages cliniques dans des antennes hospitalières odontologiques délocalisées, comme celle de Dijon ou celle de Tours qui est en cours de création », annonce le Pr Stéphanie Tubert-Jeannin. La mission de santé publique d’une faculté dentaire se concrétise également par le développement d’activités de soins vers les populations à besoins spécifiques, de prévention ou de promotion de la santé avec un volet de formation et de recherche associé.

Toulouse : engagée dans l’innovation et la recherche

La faculté dentaire a vu son numerus clausus augmenter de 72 à 76 et il devrait être relevé à 80 d’ici 7 à 8 ans. Pour cette faculté « entourée de déserts médicaux », comme le souligne son doyen, le Pr Philippe Pomar, cette évolution devra être inévitablement accompagnée de budgets importants. Pour l’heure, le principal budget a été alloué à la rénovation des bâtiments et de nouvelles allocations devraient suivre pour accompagner l’innovation pédagogique dans le numérique et la simulation, complétant ainsi la salle de simulation préclinique ouverte en 2009. « Nous bénéficierons dès janvier 2018 d’un simulateur avec bras articulé et, vraisemblablement en 2020, d’un autre simulateur avec réalité augmentée, extrêmement profitable en clinique comme en préclinique », explique le Pr Pomar.

L’investissement technique a également été un moyen d’intensifier les liens avec le monde de la recherche. C’est ainsi qu’a été montée une structure d’appui à la recherche, un plateau technique mutualisé, en lien avec les autres facultés de santé, le CNRS, l’Inserm, le CHU et l’École Nationale Vétérinaire. « Notre faculté s’est inscrite trois priorités en recherche : la recherche en parodontologie sur cellules souches, le big data et la santé orale, et l’approche centrée sur le patient avec un élargissement aux sciences humaines et sociales, une stratégie sur laquelle nous articulons des modules d’enseignement », relève le doyen.

Autre dossier en cours : la réforme du troisième cycle à la maquette de laquelle le Pr Pomar et ses équipes travaillent ardemment. « Cette approche nous intéresse particulièrement sur le plan pédagogique car elle nous oblige à définir nos pratiques », apprécie-t-il. Son impatience est d’autant plus importante qu’il déclare son intention d’utiliser la réforme du troisième cycle pour obtenir l’internat généralisé et envoyer, notamment, des internes dans des centres hospitaliers périphériques. « Le dossier de Cahors où nous avons créé une consultation et un fauteuil, est pratiquement bouclé. Celui de Gourdon, dans le Lot, est en cours », précise-t-il.

Ces nouvelles perspectives ne sont, sur le terrain, que la matérialisation des trois axes stratégiques propres à la faculté de Toulouse : la santé publique orale, la permanence et l’accès aux soins dentaires avec un meilleur maillage territorial. Le développement de la chirurgie orale est ainsi envisagé avec le projet d’ouverture d’un service de chirurgie orale.

Strasbourg : le numérique au service de la pédagogie

Engagée récemment dans une restructuration de ses locaux, la faculté de chirurgie dentaire s’est dotée d’un projet d’établissement ouvert sur les mutations du numérique. Cette stratégie implique de nombreuses innovations tant technologiques que pédagogiques. C’est ainsi que la faculté a successivement inauguré, au cours des deux dernières années, un training center en implantologie et un laboratoire de conception assistée par ordinateur (CAO). Ces investissements, rendus possibles grâce au mécénat d’industriels et à des bourses IdEx (initiative d’excellence) de l’université de Strasbourg, seront suivis, au printemps prochain, de la création d’un cabinet dentaire de consultation doté de son mannequin virtuel(1). Une unité de radiologie préclinique, équipée à terme de trois fauteuils et de trois têtes de simulateurs reproduisant parfaitement les structures anatomiques viendra compléter cet environnement consacré à une pédagogie par l’entraînement. « Parmi nos divers objectifs, les étudiants doivent savoir effectuer des radios quand ils arrivent en situation réelle. Ils seront entraînés aux gestes dès la deuxième année », précise Corinne Taddei-Gross, doyen de la faculté de chirurgie dentaire.

L’entraînement en continu de ses 417 étudiants(2) est l’un des principaux projets de cette faculté d’odontologie qui fêtera prochainement ses 50 ans. « Jamais la première fois sur un patient », a été le fil conducteur de l’ensemble de ces innovations, en phase avec l’évolution des techniques et des matériaux.

Toujours dans le but de conjuguer le numérique pour mettre l’étudiant, le plus tôt possible, en conditions réelles, un enseignement de simulation virtuelle en 3D sera offert dans les 5 ans à venir. Cet univers, qui reproduira l’environnement d’un cabinet grandeur nature, placera l’étudiant dans le quotidien de l’exercice professionnel mais aussi dans les cas d’urgences médicales. À l’horizon 2022, un laboratoire de prothèse et de morphologie incluant toute la chaîne prothétique en conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) sera aménagé dans la salle de stage historique réinvestie après travaux. « Je tiens impérativement à ce que les étudiants bénéficient d’enseignement en CFAO en formation préclinique afin qu’ils maîtrisent parfaitement cette technique lorsqu’ils arrivent en clinique », insiste le Pr Taddei-Gross, indiquant que cet investissement, opéré en partenariat avec la Chambre des métiers, permettra également aux prothésistes de bénéficier de l’équipement.

Si la faculté doit l’ensemble de ces réalisations à l’implication de son comité de direction et au soutien de la fondation de l’université, elle peut également compter sur la participation de ses enseignants et de ses étudiant. De même, ce sont également les étudiants qui développent un musée avec le concours de la faculté et des praticiens de la région. Deux vitrines supplémentaires devraient être disséminées dans la faculté au cours des prochains mois. La richesse de cet environnement est complétée par une proximité renforcée avec la recherche. La faculté travaille ainsi en lien étroit avec deux unités INSERM(3) et collabore avec plusieurs autres instituts de recherche – Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire, Institut Charles-Sadron (IGBMC), etc. Elle dispose également d’un centre de référence maladies rares (CRMR) orales et dentaires (O-Rares). Enfin, à l’avenir, les étudiants auront accès à des serious games mis au point au sein des nouveaux outils de simulation dans les univers virtuels 3D.

1. Deux, voire trois sont prévus à moyen terme.

2. Effectif de l’année 2015-2016 en formation initiale. Numerus clausus stable à 59 avec, en plus, les étudiants issus de passerelles, les redoublants, les étudiants étrangers, les transferts de dossiers, les reprises d’études et les 14 places réservées aux PACES de Besançon et Dijon ainsi que 5 places aux étudiants luxembourgeois. Les promotions comptent 90 étudiants.

3. UMR 1121 et UMR 1109.