PHOTOGRAPHIE
Michel BECKER* Didier CRESCENZO** Hélène CRESCENZO***
*Ancien assistant hospitalo-universitaire
Paris V
Pratique privée
**Prothésiste dentaire
***Prothésiste dentaire
La photographie numérique est devenue incontournable dans la communication entre les différents acteurs du traitement à visée esthétique. Incontournable non seulement au sein du couple praticien-patient afin de mettre en avant, de façon objective, les propositions et avancées du traitement mais également entre le cabinet et le laboratoire de prothèses pour assurer le meilleur résultat et gagner l’implication et la satisfaction du patient.
Dans cet article, une procédure de prises de vue utilisant des moyens relativement minimes va être décrite, permettant néanmoins des résultats qualitatifs et reproductibles. En effet, la mise en place d’un studio photographique de qualité, relativement peu onéreux, de faible encombrement, facile d’installation et d’utilisation sera présentée en détail.
Une fois les prises de vue réalisées, il s’agira de les utiliser comme guides dans le choix thérapeutique. C’est là que sera introduit le projet esthétique virtuel, ou VEP (Virtual Esthetic Project), véritable GPS mis au point par Hélène et Didier Crescenzo (laboratoire Esthetic Oral) [1]. Il s’agit d’une étude qui permet un diagnostic et une planification du plan de traitement global en vue d’améliorer esthétiquement et fonctionnellement le sourire des patients 0demandeurs.
Notons là, sujet particulièrement actuel s’il en est, que cette prise en charge du patient doit être réalisée au sein d’une équipe dont le laboratoire est un maillon indéfectible.
À l’issue de sa présentation, une application du VEP sera présentée au travers d’un cas clinique réel.
La prise de vue au cabinet, qu’elle soit macrophotographique ou pour un portrait, est utilisée pour illustrer les cas et pour communiquer avec le laboratoire. Elle nécessite de respecter certaines procédures pour permettre stabilité et reproductibilité des images.
Nous pensons que la qualité des images que l’on peut obtenir aujourd’hui doit et peut être accessible à tous.
Cela a été pour nous une véritable démarche d’analyse et de réflexion sur les objectifs à atteindre et une remise en question des procédures de prise de vue.
Notre expérience a débuté avec l’utilisation d’un Nikon D200 équipé d’un flash annulaire.
Nous pouvons voir sur l’image initiale (fig. 1) les limites de ce système. On remarque à la fois les ombres portées et la forte dominante orange. Le flash, utilisé en direct pour le portrait, trouble l’image et la rend plate. La qualité visuelle et le message informatif en sont perturbés.
Pour améliorer ces défauts, un nouveau boîtier, le Nikon D7200, a remplacé le boîtier D200. La définition a été augmentée (plus du double de pixels) et la gestion a été améliorée : plus souple, elle offre un modelé de l’image plus intéressant qu’avant (fig. 2).
Le boîtier ainsi changé permet une amélioration de la qualité d’image mais le recours au flash en lumière directrice (dans le même axe que l’objectif) donne toujours des ombres portées et aplatit les structures du visage.
Pour l’image suivante (fig. 3), le matériel de prise de vue est le même (Nikon D7200) mais ce sont les sources lumineuses qui ont évolué, ainsi que l’environnement. D’un flash directif, on est passé à deux flashes déportés latéralement, placés dans des « bols beauté ». Le modèle est également placé devant un fond uni gris neutre.
Le déport et l’équilibre des sources lumineuses permettent à la fois d’éviter les ombres portées et de donner un joli modelé.
Les « bols beauté » sont des accessoires photographiques qui jouent le rôle de boîtes à lumière. De petite dimension, ils offrent une lumière douce tout en conservant les microcontrastes.
Pour l’image suivante (fig. 4), nous retrouvons la même configuration de prise de vue. À ce niveau, un léger réglage logiciel automatisé permet d’équilibrer la couleur tout en flattant légèrement le sujet.
La reproductibilité des résultats est rendue possible par l’installation dans le cabinet d’un « ministudio de prises de vue ». Il n’occupe aucune place au sol, ne dénature pas « la décoration » et permet un résultat en adéquation avec les « canons » attendus.
Une telle organisation est accessible à tous et notre objectif est que ce montage personnel permette à chacun de reproduire le processus à frais et difficultés réduits.
Certaines transformations locales sont nécessaires. Il faut, en ce qui concerne :
• les objectifs :
- avoir un fond gris neutre, ne dénaturant pas la couleur du sujet,
- avoir au moins deux sources de lumière, utilisables instantanément (rien à sortir d’un placard, pas de branchement à effectuer…),
- éviter les ombres portées,
- avoir un recul limité (2 à 3 m maximum) en accord, avec la taille de la surface des cabinets citadins ;
• les moyens :
- peindre sur le mur, délimité par du ruban de masquage (fig. 5), un grand rectangle de 1,5 × 2,2 m (gris neutre et mat, se trouvant dans n’importe quel magasin de bricolage) (fig. 6),
- installer en partie haute, de chaque côté, un support de flash mural mobile (Wall Boom) se dépliant jusqu’à 1,5 m (qui monte, descend et pivote),
- sur ces supports muraux, accrocher un support Bowens pour flash Cobra,
- sur ces supports Bowens, fixer des « bols beauté » de 50 cm de diamètre (adaptés à la taille du cabinet présenté ici) blancs (lumière plus douce),
- les habiller de diffuseurs blancs,
- installer dans les supports Bowens les flashes Cobra, le récepteur infrarouge orienté vers le flash maître (celui de l’appareil photo) qui va commander ces flashs (fig. 7 et 8).
Il faut ensuite procéder au réglage des flashes. Ici, ils sont séparés en deux groupes, le A et le B. Le A est celui de gauche (le principal, réglé en mode TTL correction 0). Le B est celui de droite (réglé également en TTL, correction -1.0) (fig. 7 et 8), pour déboucher les ombres à la gauche du visage (fig. 9).
Puis vient le placement des bols. Le bol principal est au plus près, dans l’axe du sujet, à peine à sa droite, et le secondaire est déporté sur la gauche. C’est le placement standard que nous conseillons, donnant des résultats reproductibles dans la gestion des ombres, destiné principalement aux portraits VEP à destination des Crescenzo. Après, rien n’interdit bien évidemment d’être plus créatif avec réflecteur blanc, argent ou doré, translucide, dessus ou dessous (quelques exemples seront donnés plus loin).
Quel flash choisir ? Tous les flashes Cobra pilotable par TTL en infrarouge conviennent. Une puissance minimale de NG 40 est néanmoins nécessaire. Pour notre part, nous avons un flash Nikon SB900 à droite du sujet et un Metz Mecablitz 44 à gauche.
Le réglage du boîtier pour les prises de vue est en « semi-auto, priorité diaphragme », le diaphragme réglé à f 5.6 ou 8, la mise au point effectuée sur les yeux, la vitesse de synchronisation flash réglée au 1/60 de seconde. Même si cette vitesse peut sembler relativement faible, aucun flou de bougé ne sera perçu. Dans cette configuration, c’est la lumière apportée par le flash qui impressionne le capteur. Sa vitesse varie, selon la puissance émise, entre 1/800 et 1/8 000e de seconde. Sur un sujet immobile, il n’y a aucun risque d’avoir un flou de bougé dû à l’opérateur…
En matière de température de couleur, il est nécessaire, toujours dans un souci de reproductibilité (entre autres des couleurs), que la lumière apportée soit étalonnée. Cela évitera d’avoir des images à dominante bleue ou orange. Pour plus de simplicité, au cabinet, les photos sont prises en JPEG avec réglage de la balance de blancs, « flash » sur le boîtier (module WB sur les Nikon).
Pour aller un peu plus loin dans la qualité, pour les portraits, un étalonnage avec une charte gris neutre (X-Rite ColorCheker) est fait de temps en temps (les conditions sont toujours les mêmes).
Comment ça marche ?
Prendre un cliché du sujet tenant la charte tournée vers l’appareil (fig. 10). Une fois l’image enregistrée dans l’ordinateur sur le catalogueur (lightroom par exemple) [2], dans le module développement, cliquer avec la pipette « sélecteur balance des blancs » sur la charte grise. Une correction s’affiche. Ici, la température passe de 0 à + 3 et la teinte de 0 à - 2. On enregistre ensuite ces valeurs et on les nomme « PORTRAIT/type VEP cab » (fig. 11 et 12).
Pour appliquer ensuite cette correction aux nouvelles images, dans le module développement, il suffira, après sélection des photos, de cliquer sur « type VEP cab » et toutes les images « portraits » recevront automatiquement ces corrections (fig. 11). Facile !
En fin de traitement, on est autorisé à être un peu plus « créatif ». On peut par exemple proposer :
• l’effet fenêtre (fig. 13). Le « bol beauté » principal est placé derrière le sujet. Entre les deux, un réflecteur translucide blanc laisse passer uniformément la lumière, un peu comme si le modèle était devant une fenêtre. L’intensité du flash est réglée à + 2 IL. Une seconde source de lumière est orientée à 45° en façade, ce flash secondaire est réglé à 0 [3] ;
• le contraste élevé, noir et blanc (fig. 14). La source lumineuse principale est placée devant le sujet sur sa droite à 30° au-dessus [4]. Le modèle regarde vers le haut, « un sourire au soleil », un réflecteur argent ou or est placé dessous et renvoie de la lumière pour déboucher les ombres. Un léger travail en postproduction sur le module lightroom est apporté, transformation en noir et blanc, effet vignetage…
Après plusieurs années de réalisations photographiques, nous avons ressenti le besoin de systématiser la prise de portrait des patients pour les traitements du sourire. L’idée d’une simplification s’est alors imposée pour rendre cette volonté faisable. Au final, pour un investissement relativement minime, de l’ordre de 1 000 € (flashes, support et fond), nous pouvons, dans de très bonnes conditions, prendre des portraits de qualité. C’est une valeur ajoutée reconnue pour et par le patient. L’image de notre cabinet s’en trouve également valorisée et beaucoup de patients nous réclament leur « magnifique portrait » !
Sur le plan technique, quand nous avons installé les flashs, nous avons voulu avoir une installation qui reste discrète en évitant, par exemple, les boîtes à lumière ou autres parapluies sur pied un peu volumineux et prenant de la place au sol.
Une fois installé, cet équipement nous a semblé monstrueusement visible. Malgré tout, de manière anecdotique, le premier patient n’a remarqué l’installation qu’au bout de 3 semaines ! Il ne faut pas oublier que nos cabinets sont déjà encombrés de fauteuils dentaires, d’écrans, d’ordinateurs, d’appareils de radiographie, de microscopes, etc., ce n’est pas deux flashes de plus qui poseront problème.
Du point de vue pratique, la prise de cliché s’effectue dans le flux des examens complémentaires, tels les enregistrements radiographiques, les prises d’empreintes, l’arc facial… Il n’y a pas de difficulté particulière dans cette mise en œuvre. Moins de 10 minutes sont nécessaires à cet enregistrement. La réaction des patients est toujours positive, impressionnés qu’ils sont par ces « grands moyens » utilisés qui, nous le savons, sont bien loin des investissements basiques des cabinets dentaires.
Légalement, nous présentons un consentement éclairé au patient, à signer, dans lequel nous incluons une clause concernant la prise et l’utilisation des clichés photographiques de ce type : « J’autorise le praticien à prendre les clichés photographiques nécessaires dans le cadre de mon programme de soins et à les utiliser de façon anonymisée dans le cadre de publications ou de congrès professionnels. »
Pour ce qui est de la codification et des honoraires, ils rentrent dans le cadre, encore aujourd’hui, d’actes NPC sous le code ZAQP001.
Une des motivations importantes de notre démarche « ministudio photographique » était de mieux communiquer non seulement avec le patient mais également avec notre équipe du laboratoire de prothèses. En effet, nous avons voulu développer l’utilisation de l’analyse virtuelle du sourire assistée par ordinateur pour améliorer la réponse à la demande esthétique du patient. Celui-ci souhaite participer à la transformation de son aspect et il est important de valider avec lui le but à atteindre. Pour cela, notre équipe dentiste-céramiste se fonde sur la technique du projet esthétique virtuel (ou VEP) proposée par deux des auteurs de cet article (Didier et Hélène Crescenzo). La technique de sa mise en œuvre est exposée dans la deuxième partie.