BIOLOGIE
Suzanne ADAMS* Dave ARNOLD ** Barry MURPHY*** Pamela CARROLL**** Alison GREEN***** Adrian SMITH****** Philip MARSH******* Tsute CHEN******** Robert MARRIOTT********* Melanie BRADING**********
*Microbiologist
**Unilever R&D Port Sunlight, Bebington,
Wirral CH63 3JW, UK
***Statistician
****Unilever R&D Port Sunlight, Bebington,
Wirral CH63 3JW, UK
*****Microbiome Science Leader
******Unilever R&D Port Sunlight, Bebington,
Wirral CH63 3JW, UK
*******Clinical Research Assistant
********Unilever R&D Port Sunlight, Bebington,
Wirral CH63 3JW, UK
*********Oral Care R&D Director
**********Unilever R&D Port Sunlight, Bebington,
Wirral CH63 3JW, UK
***********Bioinformatician Unilever R&D Colworth Science Park, Sharnbrook, Bedfordshire. MK44 1LQ, UK
************Professor of Oral Microbiology
School of Dentistry, University of Leeds, LS2 PLU. UK
*************Associate Research Investigator
Forsyth Dental Institute, 245 First Street,
Cambridge, MA 02142, USA.
**************R&D Manager
***************Unilever R&D Port Sunlight, Bebington,
Wirral CH63 3JW, UK
****************R&D Manager
*****************Unilever R&D Port Sunlight, Bebington,
Wirral CH63 3JW, UK
De nombreuses espèces microbiennes qui composent le microbiome buccal jouent un rôle clé dans l’établissement et le maintien de la santé bucco-dentaire. La capacité à identifier les membres de la communauté au niveau taxonomique de l’espèce est importante pour en connaître la diversité et l’association avec la santé et la maladie. Dans l’étude présentée ici, les bénéfices écologiques généraux sur le microbiome de la plaque après utilisation d’un dentifrice contenant des enzymes et des protéines par rapport à un dentifrice témoin sont présentés.
Cet article présente les résultats d’une étude sur l’écologie du microbiome de la plaque dentaire : ceux-ci démontrent qu’un dentifrice contenant des enzymes et des protéines, lesquelles augmentent les défenses naturelles de la salive, peut favoriser une modification de l’ensemble de la communauté, permettant une augmentation des bactéries associées à la santé gingivale et à une diminution concomitante de celles liées à la maladie parodontale. L’analyse statistique montre une augmentation significative de 12 taxons associés à la santé gingivale et une diminution significative de 10 taxons associés à la maladie parodontale. Les résultats démontrent qu’un dentifrice contenant des enzymes et des protéines modifie significativement l’écologie du microbiome buccal au niveau taxonomique de l’espèce, favorisant une communauté plus propice à la santé.
Le microbiome de la cavité buccale, qui est composé de bactéries, de virus, de champignons, de protozoaires et d’archées, est l’un des plus diversifiés de l’organisme. Plus de 700 espèces bactériennes différentes y ont été identifiées à ce jour. L’équilibre de cet écosystème dans la cavité buccale est essentiel à la promotion et au maintien de la santé. La présence d’une communauté microbienne aussi diversifiée prévient la prolifération d’espèces pathogènes (fig. 1). Il arrive toutefois que la relation symbiotique soit compromise, par exemple en cas de mauvaise hygiène bucco-dentaire, ce qui génère dysbiose et maladies liées à la plaque.
La salive joue un rôle important dans la prévention de la dysbiose et la préservation de la santé de la cavité buccale. Des composants de la salive, en particulier des facteurs antimicrobiens tels que des enzymes et des protéines, exercent de fortes pressions sélectives sur le microbiote. Ils contribuent ainsi à fournir une protection contre les micro-organismes pathogènes et à contrôler la communauté résidente.
Des produits d’hygiène bucco-dentaire contenant des enzymes et des protéines, dont des dentifrices, ont été mis au point afin de renforcer la fonction de contrôle de la communauté microbienne buccale assurée par les défenses naturelles de la salive. Le Zendium® contient un système tri-enzymatique (amyloglucosidase, glucose oxydase et lactoperoxydase) conçu pour favoriser la production de peroxyde d’hydrogène et d’hypothiocyanite, ainsi que trois composants protéiques additionnels (lysozyme, lactoferrine et immunoglobuline G), dont le but est d’apporter des bénéfices antimicrobiens supplémentaires. Il a été montré que la concentration tant du lysozyme que du peroxyde d’hydrogène était plus élevée dans la salive après un brossage des dents avec du Zendium® qu’avec un dentifrice témoin dépourvu d’enzymes et de protéines.
L’objectif de cette étude est de comprendre l’effet de l’utilisation de dentifrice sur l’écologie du microbiome buccal au niveau taxonomique de l’espèce, en comparant un dentifrice au fluor contenant des enzymes et des protéines à un n’en contenant pas.
Toutes les personnes recrutées ont fourni un consentement éclairé écrit. Le protocole de l’étude a été examiné et approuvé par le comité d’éthique indépendant d’Unilever R & D de Port Sunlight.
Des sujets en bonne santé âgés de plus de 18 ans ont été recrutés pour l’étude. Leur âge moyen était de 42 ans ; 33 hommes et 78 femmes sont arrivés au terme de l’étude. Les principaux critères d’inclusion étaient les suivants : âge minimum de 18 ans, nombre minimum de 20 dents, pas d’antibiothérapie ni de nettoyage professionnel dans le mois précédant le début de l’étude. Les principaux critères d’exclusion comprenaient : grossesse, allaitement, diabète, port d’une prothèse adjointe, tabagisme au cours des 6 derniers mois, affections médicales et/ou utilisation régulière de médicaments susceptibles d’influencer les résultats de l’étude et signes évidents de caries non traitées/de maladie parodontale.
Cette étude était un essai randomisé en double aveugle et en groupes parallèles conduit par une tierce partie indépendante. Les sujets ont reçu un dentifrice au fluor à utiliser pendant les 4 semaines précédant le début de l’étude. À l’issue des 4 semaines initiales d’utilisation à domicile, un échantillon de plaque supra-gingivale du maxillaire supérieur a été prélevé pour évaluer la composition du microbiome à ce terme qui correspond à l’inclusion dans l’étude. Ensuite, chaque sujet s’est vu attribuer de façon aléatoire un des deux dentifrices, à savoir un dentifrice au fluor (1 450 ppm) contenant des enzymes et des protéines (Zendium®) ou un dentifrice au fluor témoin (1 450 ppm) dépourvu d’enzymes et de protéines. Les patients inclus dans l’étude ont été invités à employer le dentifrice à leur domicile, en se brossant les dents 2 fois par jour pendant 14 semaines. Un nouvel échantillon de plaque supra-gingivale du maxillaire supérieur a été prélevé au bout de ces 14 semaines pour évaluer la composition du microbiome. Les échantillons ont été conservés à - 25 °C jusqu’à l’analyse.
Après l’extraction de l’ADN et l’amplification de la portion V4-V6 du gène de l’ARNr 16S, les échantillons ont été séquencés à l’aide de séquenceurs de nouvelle génération (Illumina®, MiSeq). Une fois le traitement informatique terminé, une classification au niveau de l’espèce a été réalisée au moyen du pipeline informatique du Forsyth Institute et de la base de données HOMD (Human Oral Microbiome Database). Cette dernière a été organisée pour faciliter une identification taxonomique exacte au niveau de l’espèce. Des analyses statistiques ont été effectuées au niveau des genres et des espèces à partir des dénombrements issus de l’analyse bio-informatique. Une analyse de la variance (ANOVA, analysis of variance) a été utilisée pour déterminer les différences entre les groupes d’échantillons sur la base de leur profil taxonomique et des graphiques d’ordination pour visualiser les résultats. Toutes les méthodes sont décrites en détail dans les rapports scientifiques [1].
220 échantillons de plaque ont été traités et analysés, ce qui a initialement généré quelque 37,9 millions de séquences brutes, et 14,7 millions de séquences d’ADN ont pu être classées au niveau du genre/de l’espèce via l’utilisation du pipeline informatique du Forsyth Institute ; 17 taxons ont ainsi été identifiés au niveau du phylum, 183 du genre et 1 220 de l’espèce. Les taxons totalisant moins de 100 lectures ont été regroupés aboutissant à 414 taxons au niveau de l’espèce pris en compte pour l’analyse statistique.
Une analyse a été menée au niveau du genre afin de déterminer l’influence de l’utilisation des dentifrices pendant 14 semaines. Aucune différence significative entre les communautés bactériennes n’a été observée à l’inclusion (p = 0,36). Les données ont ensuite été évaluées pour détecter des changements dans la communauté pendant la durée de l’étude de 14 semaines. Cette évaluation a mis en évidence une évolution importante du profil de la communauté chez les utilisateurs du dentifrice étudié (p = 0,01), mais pas chez les utilisateurs du dentifrice témoin (p = 0,97). Une différence significative entre les communautés bactériennes des deux groupes de traitement a été constatée au bout de 14 semaines (p = 0,011).
Une analyse statistique n’a révélé aucune différence significative entre les communautés à l’inclusion (p = 0,23). Des modifications importantes dans la communauté ont été observées chez les utilisateurs du dentifrice étudié au bout de 14 semaines (p = 0,025), ce qui n’était pas le cas chez les utilisateurs du dentifrice témoin (p = 1,00). Une différence statistiquement significative a été relevée entre les dentifrices étudié et témoin au bout de 14 semaines (p = 0,003). Un modèle tridimensionnel a été utilisé pour isoler le regroupement des échantillons et illustrer plus clairement les résultats (fig. 2).
Pour comprendre de façon plus détaillée les différences au sein et entre les groupes, l’abondance relative moyenne d’espèces données a été comparée entre les dentifrices et au fil du temps. Celle des 414 espèces a été examinée afin de détecter d’éventuels changements entre l’inclusion et la 14e semaine pour chaque dentifrice.
Des changements significatifs de l’abondance relative ont été constatés pour 54 taxons : 37 chez les utilisateurs du dentifrice étudié et 17 chez les utilisateurs du dentifrice témoin. Dans le groupe recevant le dentifrice étudié, l’abondance relative s’est accrue pour 18 taxons et s’est réduite pour 19 taxons. Dans le groupe recevant le dentifrice témoin, l’abondance relative s’est accrue pour 7 taxons et s’est réduite pour 10 taxons.
Dans cette étude, il est montré pour la première fois in vivo des modifications écologiques du microbiome buccal étudié au niveau des espèces après l’utilisation du dentifrice Zendium®. Ces changements sont cohérents tant au niveau du genre qu’à celui de l’espèce et ont été mis en évidence à la fois par un traitement informatique de pointe et par une analyse statistique solide.
Il est important de noter que les résultats confirment qu’une comparaison des communautés au niveau du genre, tout en étant instructive, est insuffisante pour discriminer rigoureusement le rôle des membres spécifiques de la communauté impliqués dans l’évolution écologique.
Au sein d’un genre bactérien, des taxons étroitement apparentés peuvent remplir des fonctions différentes dans une communauté. Ils pourraient en tant que tels favoriser la santé ou la maladie. Ainsi, dans le genre Porphyromonas, Porphyromonas gingivalis est associé à la maladie parodontale, tandis que Porphyromonas catoniae est associé à la santé. Par conséquent, une identification au rang des espèces aide à mieux cerner la possibilité d’un impact différentiel sur la communauté. Une revue de la littérature scientifique a facilité l’association des taxons identifiés avec la santé et/ou la maladie. Une augmentation de l’abondance relative des micro-organismes associés à la santé gingivale et une diminution concomitante de ceux associés à la maladie parodontale avec le dentifrice étudié ont été mises en évidence.
Dans le groupe recevant le dentifrice étudié, l’abondance relative de 12 taxons associés à la santé a augmenté, tandis que celle de 10 taxons associés à la maladie parodontale a diminué.
Dans le groupe recevant le dentifrice témoin, l’abondance relative de 1 taxon associé à la santé a augmenté, tandis que celle de 4 taxons associés à la maladie parodontale a diminué.
Les changements observés au niveau de l’espèce sont compatibles avec le mode d’action des enzymes et des protéines que contient le dentifrice Zendium®. La cascade enzymatique menant à la formation d’hypothiocyanite produit du peroxyde d’hydrogène ; les taux accrus de peroxyde d’hydrogène observés in vivo pourraient à leur tour conduire à une élévation de la concentration en oxygène, par exemple par l’intermédiaire de l’activité catalase. Dans cette étude, des espèces du genre Neisseria, qui sont parmi les seuls micro-organismes aérobies de la cavité buccale et qui sont généralement associées à la santé, ont vu leur abondance relative s’accroître. Par ailleurs, les espèces dont l’abondance relative s’est réduite (par exemple celles du genre Treponema) comprenaient des micro-organismes anaérobies dont l’abondance lors de la maladie parodontale est attestée et qui sont connus pour être très sensibles à l’oxygène.
La diminution la plus nette de l’abondance relative dans le groupe recevant le dentifrice étudié a été attribuée à Rothia dentocariosa. On peut s’attendre à ce que cette bactérie à Gram positif soit plus sensible que d’autres au lysozyme, dont le taux est presque doublé après le brossage des dents avec le dentifrice étudié.
Les résultats présentés confirment qu’un dentifrice formulé de manière à renforcer les défenses naturelles de la salive entraîne une évolution positive vers un microbiome plus propice à la santé. Ils montrent plus spécifiquement que le dentifrice Zendium® contenant des enzymes et des protéines peut, avec le temps, augmenter significativement l’abondance relative de micro-organismes de la plaque associés à la santé, tout en provoquant une baisse concomitante de l’abondance d’un certain nombre de micro-organismes associés à la maladie par rapport à un dentifrice dépourvu d’enzymes et de protéines. Nous suggérons donc que l’utilisation régulière d’un dentifrice contenant des enzymes et des protéines peut préserver activement l’équilibre du microbiome, de façon à ce que sa composition reste favorable à la santé bucco-dentaire, en contribuant ainsi à réduire le risque de changements dysbiotiques associés à la maladie.
Le séquençage de l’ADN a été réalisé par le Centre for Genomic Research (Liverpool, Royaume-Uni). Eagle Genomics (Cambridge, Royaume-Uni), s’est chargé du traitement bio-informatique. Les auteurs expriment leur gratitude à Intertek, qui a mené à bien l’étude.