Clinic n° 01 du 01/01/2015

 

L’événement

Christian Couzinou  

Président du Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes

Comment agir plutôt que réagir ? Comment passer de la phase de sidération, celle qui a suivi les agressions multiples dont la profession a été l’objet ces six derniers mois, à une phase de construction ? On a presque envie d’écrire : quelle posture après l’imposture ? On veut parler, bien sûr, de l’imposture des politiques, qui instrumentalisent l’acte prothétique en annonçant des mesures démagogiques sur la transparence du coût de la prothèse.

On veut aussi...


Comment agir plutôt que réagir ? Comment passer de la phase de sidération, celle qui a suivi les agressions multiples dont la profession a été l’objet ces six derniers mois, à une phase de construction ? On a presque envie d’écrire : quelle posture après l’imposture ? On veut parler, bien sûr, de l’imposture des politiques, qui instrumentalisent l’acte prothétique en annonçant des mesures démagogiques sur la transparence du coût de la prothèse.

On veut aussi parler de la généralisation des réseaux de soins. On commence d’ailleurs à observer des dérives de plus en plus fréquentes avec certains organismes qui multiplient les tentatives de détournement de leurs assurés vers des praticiens « maison ». Quand on est président de l’Ordre et que l’on lit ces courriers que les patients nous transmettent, ce qui révolte peut-être le plus, c’est la faculté qu’ont ces organismes de proposer des devis « moins chers » alors que le patient n’a même pas encore commencé à ouvrir la bouche. On imagine que leurs services administratifs exécutent des devis à la chaîne, mais quant à la singularité du patient et de son traitement – le b.a.-ba de la pratique médicale –, on repassera.

Ce qui est en jeu avec les réseaux, c’est certes l’indépendance thérapeutique du praticien, c’est certes la liberté de choix du praticien par son patient, mais c’est peut-être aussi, d’une manière plus diffuse mais ô combien plus pernicieuse, la remise en cause de notre pratique comme un exercice médical. Il n’y a pas de pratique médicale sans liberté du thérapeute, ni d’ailleurs sans la responsabilité qui lui est associée.

Face aux impostures, nous avons avancé plus haut le terme « posture ». Hélas ! Tant pis pour la rime : aujourd’hui, une simple posture ne suffit plus. Certes, dans l’immédiat, et selon le principe de l’action/réaction, l’Ordre va prendre toute sa part à la bataille qui va se jouer autour de la communication du prix d’achat de la prothèse. Sur le principe, nous l’avons dit et répété ailleurs, il n’est pas acceptable qu’un acte médical global soit considéré comme un acte de négoce entre un praticien et un prothésiste sur le dos du patient. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, dans l’immédiat, l’Ordre apporte son soutien plein et entier à la mobilisation du 22 janvier prochain.

Mais ensuite, que faire ? D’abord, opposer la pédagogie à la démagogie. Et, au besoin, produire des données fiables, objectives et impartiales sur la couverture des soins en France, mais aussi dans les principaux pays d’Europe. Il est temps que nous donnions collectivement rendez-vous aux Français, non pas pour répondre aux provocations des politiques mais, simplement, pour exposer le piège dans lequel le désengagement de l’État et de l’Assurance maladie nous a enfermés aujourd’hui. Les Français sauront parfaitement entendre quelques vérités simples. À commencer par celle-ci : ? il est médicalement scandaleux que le soin conservateur soit à ce point dévalorisé dans notre pays.

Quoi d’autre ? Eh bien, au cours du dernier congrès de l’ADF, nous avons entendu certains responsables professionnels, et pas des moindres, plaider pour un aggiornamento, une remise à plat du secteur dentaire. Chiche ! Le système de couverture des soins dentaires est à bout de souffle, tout le monde est d’accord. Mais ni l’État, ni l’Assurance maladie, ni les complémentaires ne bougeront d’un pouce. Alors pourquoi ne pas, nous, profession dentaire, prendre les devants ? Nous devons résolument passer d’une culture victimaire à une culture de proposition. L’Ordre y est prêt.