IMPLANTOLOGIE/PROTHÈSE
Docteur en chirurgie dentaire
Docteur en chirurgie dentaire
Spécialiste qualifiée en chirurgie orale
Diplôme d’études supérieures de
chirurgie buccale
Attachée hospitalière responsable
d’encadrement du DU d’implantologie
de Paris V
Ancienne assistante hospitalo-universitaire en chirurgie buccale
(Paris V)
100, avenue de Villiers
75017 Paris
L’implant unitaire antérieur est un défi pluridisciplinaire où le chirurgien, le dentiste et le prothésiste travaillent en équipe dans le but d’obtenir un joli résultat durable.
L’objet de cet article est d’illustrer un traitement simple qui permet de traiter un grand nombre de cas avec de bons résultats. Le point de départ est l’obtention d’un volume osseux suffisant et la pose d’un implant dans de bonnes conditions permettant au prothésiste et au dentiste d’avoir les conditions nécessaires pour une réalisation prothétique esthétique : profil d’émergence harmonieux, alignement des collets, papilles, rendu naturel des teintes au niveau de la gencive et de la couronne. Les bonnes décisions dépendent d’une analyse clinique et radiographique rationnelle de la situation à toutes les étapes de la réalisation [1].
Cette patiente distinguée de 80 ans (fig. 1) présente une reconstitution coronaire au ciment verre ionomère dans la partie cervicale sur 11 très esthétique (fig. 2) mais, malheureusement, très provisoire.
En effet, peu de temps avant, elle a consulté pour une gêne au niveau de la 11 qui présente une très importante carie corono-radiculaire (fig. 3) dont le traitement conservateur imposerait un allongement de couronne clinique tel que l’alignement des collets ne pourrait pas être préservé. Même si son sourire ne découvre pas les collets de ses incisives centrales, il est clair que la patiente ne souhaite pas avoir une rupture disgracieuse de l’alignement des collets. De plus, le rapport couronne clinique/racine clinique deviendrait très défavorable.
Il est donc décidé d’extraire la dent et de la remplacer par une restauration prothétique unitaire implanto-portée.
Une extraction-implantation immédiate est discutée : un cone beam pré-extractionnel est réalisé afin d’en valider le cahier des charges. Il confirme que le volume de la crête est à ce stade suffisant pour la mise en place d’un implant (fig. 4). En revanche, il ne permet pas d’identifier formellement la présence d’une paroi osseuse vestibulaire (fig. 5). L’implantation immédiate est donc contre-indiquée [2-4] et on décide de procéder à une extraction associée à une préservation alvéolaire qui permettra de maintenir au mieux le volume osseux.
Lors de l’intervention, la présence de la paroi osseuse vestibulaire est mise en évidence mais il est décidé de maintenir le plan de traitement initial.
L’extraction est conduite délicatement, permettant de garder l’ensemble des parois alvéolaires (fig. 6), et est associée à une technique de préservation alvéolaire : après curetage méticuleux de l’alvéole, un matériau de comblement xénogénique (Bio-Oss®) est déposé dans l’alvéole, recouvert d’une membrane collagénique (Zimmer Socket Repair Membrane) et d’une éponge hémostatique (fig. 7). Six mois plus tard (fig. 8), un cone beam est réalisé et met en évidence le maintien du volume de la crête avec une perte de 1 mm (fig. 9), ce qui est l’ordre de grandeur retrouvé en général avec les préservations alvéolaires [5-7]. Cette technique permet de limiter fortement la résorption du volume osseux initial : lors des extractions simples (sans préservation alvéolaire), une résorption de 30 à 50 % du volume de la crête au cours de la cicatrisation a été quantifiée [8-10].
Un implant Zimmer Dental 3,7 x 13 mm est alors mis en place (fig. 10 et 11). L’attention est portée sur l’axe implantaire, qui doit être légèrement palatin (fig. 12) pour permettre la réalisation :
• si possible d’une couronne transvissée ;
• d’un profil d’émergence adéquat par la suite.
Le comblement est bien ossifié et la densité osseuse permet l’obtention d’une bonne stabilité primaire.
La temporisation est poursuivie avec la même prothèse amovible qui passe par-dessus la coiffe de cicatrisation (fig. 13 et 14). En effet, la patiente qui avait initialement souhaité la réalisation d’une dent provisoire immédiate implanto-portée s’était bien adaptée à sa prothèse amovible provisoire. La solution la plus simple et la plus économique a donc été adoptée.
Le contrôle de l’ostéo-intégration est effectué 2 mois plus tard. Une empreinte est réalisée à l’Impregum®, avec un porte-empreinte fermé et le repositionnement du transfert dans l’empreinte (fig. 15). Le profil d’émergence de la gencive est bien modelé par le pilier de cicatrisation dont la taille est choisie en adéquation avec la taille du collet souhaitée (fig. 16).
Après la prise de teinte (fig. 17), une couronne monobloc transvissée céramo-céramique est réalisée. L’infrastructure est usinée en zircone et collée sur une base en titane. La cosmétique est ensuite réalisée au laboratoire (fig. 18 et 19).
Cette réalisation combine trois avantages :
• pas de risque d’excès de ciment de scellement ;
• esthétique optimale, pas de risque d’avoir la gencive qui prend un aspect grisé au collet par l’infrastructure métallique sous jacente ;
• réintervention simple.
Un résultat esthétique est au rendez-vous et l’alignement des collets est préservé (fig. 20). Un bon profil d’émergence permet le soutien de la gencive sans la refouler apicalement (fig. 21). Les papilles sont intégralement retrouvées à la fin du traitement, et ce malgré le fait qu’aucune dent provisoire n’a été réalisée. Les papilles étant ici relativement courtes à l’origine, cela facilite le traitement de ce cas (des papilles courtes sont toujours plus faciles à retrouver que des papilles longues et triangulaires).
L’accès palatin pour la vis est comblé avec un coton ou un amas de Téflon qui protège la tête de vis et un composite (fig. 22). Le suivi de la patiente permet de s’assurer de la stabilité du niveau osseux au bout de 2 ans et demi (fig. 23).
Depuis les études de Brånemark [11], les connaissances sur les conditions nécessaires à l’ostéo-intégration se sont affinées.
Brånemark préconisait l’enfouissement systématique des implants, ce qui obligeait à réaliser un second temps chirurgical (allongement et alourdissement du traitement pour le patient). Des études [12-14] ont montré depuis que l’ostéo-intégration est obtenue à partir du moment où les micromouvements générés sur l’implant par la fonction restaient inférieurs à un seuil compris entre 50 et 100 µm. Une stabilité primaire de 25-30 Ncm permet de rester sous ce seuil. Aujourd’hui, on met donc aisément les implants en fonction avec un pilier de cicatrisation qui dépasse de la gencive (fig. 13) dès le premier temps chirurgical dans la très grande majorité des situations, c’est-à-dire lorsque la stabilité primaire de l’implant est suffisante (25-30 Ncm) [15].
À ce stade, la temporisation peut être une couronne fixe si les conditions de stabilité osseuse sont optimales, si l’équilibration de l’occlusion ne sollicite pas la dent lors de la fonction et si la forme reste en adéquation avec l’esthétique attendue. Dans le cas contraire ou si le patient n’en exprime pas la demande, la prothèse adjointe partielle en résine peut être utilisée. Elle sera modifiée et évidée dans son intrados afin de n’exercer impérativement aucune pression sur le pilier de cicatrisation.
Les délais d’ostéo-intégration préconisés par Brånemark étaient de 6 à 8 mois. Conséquence de l’optimisation des formes des implants et de leur état de surface, ces délais ont aujourd’hui beaucoup diminué. À présent, on peut tester l’ostéo-intégration à partir de 2 mois [16] si l’implant était suffisamment stable lors de sa mise en place (25-30 Ncm).
Depuis les fondements de l’ostéo-intégration publiés par Brånemark, l’évolution des connaissances et leurs répercussions sur les procédures cliniques ont participé à la démocratisation et à l’accessibilité des traitements implanto-portés (réduction de la longueur des traitements et du nombre d’interventions chirurgicales).