Clinic n° 04 du 01/04/2015

 

C’EST MON AVIS

Francis HARTMANN  

Professeur habilité à
diriger des recherches

Aussi surprenant que cela puisse paraître, 46 ans de recherches fondamentales et cliniques me permettent de confirmer l’effet pernicieux pour l’organisme de la crispation continuelle des mâchoires, dents serrées (bruxisme centré), chez une personne stressée. C’est l’objet de mon ouvrage Mal de dos, Fatigue, Migraine… si vous serrez les dents !, publié en ce début d’année aux éditions Kawa.

Ce tic, valorisé à tort dans l’esprit gaulois par l’adage...


Aussi surprenant que cela puisse paraître, 46 ans de recherches fondamentales et cliniques me permettent de confirmer l’effet pernicieux pour l’organisme de la crispation continuelle des mâchoires, dents serrées (bruxisme centré), chez une personne stressée. C’est l’objet de mon ouvrage Mal de dos, Fatigue, Migraine… si vous serrez les dents !, publié en ce début d’année aux éditions Kawa.

Ce tic, valorisé à tort dans l’esprit gaulois par l’adage « Serre les dents, ça passera… », est en réalité une dyskinésie qui peut avoir de lourdes conséquences et entraîner des troubles invalidants dans des zones du corps très éloignées de leur origine bucco-dentaire.

Lorsqu’un sujet serre les dents, souvent sous l’effet d’un stress intense intériorisé, des messages sensitifs tactiles sont susceptibles d’être envoyés dans le système nerveux central à plusieurs niveaux : la moelle épinière, depuis la nuque jusqu’au bas du dos, le cervelet et les noyaux vestibulaires, le centre des nausées et du vomissement*, l’hypothalamus.

Serrer les dents de manière trop fréquente ou trop intense peut donc entraîner nombre de troubles et de maux, tels que des acouphènes, des troubles cardio-vasculaires, respiratoires, digestifs et urinaires, mais aussi des troubles du sommeil, le syndrome de fatigue chronique (dit de cause inconnue), des migraines, des nausées et vomissements ou encore des douleurs dans la nuque et crampes dans les mollets…

La recherche américaine a investi beaucoup d’énergie et de ressources depuis le début du XXe siècle pour mieux comprendre les désordres temporo-mandibulaires. Ainsi, les chercheurs en sciences fondamentales ont depuis longtemps décrit les trajets et les terminaisons des informations sensitives tactiles. Leurs travaux ont notamment mis en lumière le fait que le nerf de la dent est particulièrement sensible aux hormones féminines (œstrogènes). Cela explique que les troubles mentionnés sont susceptibles de toucher principalement les femmes (80 %).

Le serrement de dents ne laissant pas de trace - contrairement au grincement, qui use les dents -, seul l’interrogatoire du praticien ou l’aveu spontané du patient stressé permet de poser le diagnostic. Si cette dyskinésie n’est pas retrouvée lors de l’interrogatoire, le patient doit impérativement consulter de nouveau son médecin.

S’il s’agit bien de bruxisme centré, la thérapie modératrice et relaxante (TMR), détaillée dans mon ouvrage, propose un traitement efficace en seulement 8 semaines. Celle-ci combine des traitements généraux (relaxation, sophrologie…) et des traitements bucco-dentaires. Pour éviter le phénomène de rebond que la pose d’une gouttière occlusale peut entraîner - au bout d’un certain temps, le patient serre les dents encore plus fort sur sa gouttière -, il est recommandé de faire précéder la pose des gouttières par 4 semaines de relaxation de la mâchoire et d’injections d’anesthésique local dans celle-ci.

* http://tmd-dentalmedical.org/index.php?lang=en