Clinic n° 03 du 01/03/2015

 

PASSIONS

Catherine FAYE  

Entier et circonspect, Jean-Michel Bolvin a tissé son existence au fil de ses engagements. D’un côté, le soin à ses patients dans son cabinet dentaire charentais, de l’autre, l’action politique. Si l’homme reste au centre de ses préoccupations, l’expérience lui a appris à naviguer entre déconvenues et satisfactions, dans un jeu de balancier constant.

À quel moment êtes-vous entré dans la vie politique ?

Après mes études à la faculté dentaire de Bordeaux, je suis revenu dans ma région d’origine, la Charente, m’associer avec un chirurgien-dentiste, aujourd’hui décédé, à Saint-Amand-de-Montmoreau. Dès lors, je n’ai plus quitté cette commune et je partage maintenant mon cabinet d’omnipratique avec Marina Blanca-Schiano, sous la forme d’une société civile de moyens (SCM). C’est en 1977, après trois années d’exercice, que mon attrait pour les affaires publiques me rattrape. Les élections municipales approchant, le maire de ma commune, également conseiller général, me propose de m’inscrire sur sa liste, à l’époque le RPR (Rassemblement pour la République). Je lui oppose d’abord un manque de temps dû à ma récente installation… et finis par accepter un mandat de conseiller municipal, pour 6 ans – une activité peu chronophage – suivi d’un second mandat dans la nouvelle équipe municipale pour lequel j’obtiens la majorité des voix.

En restez-vous là ?

Au cours de ce second mandat, le maire de ma commune décède et je me retrouve au pied du mur. Me voilà élu maire et conseiller général. Plus tard, je deviens également suppléant du député-maire d’Angoulême, Georges Chavannes. Mais, en 2003, le président du Conseil général démissionne. C’est là que l’on me fait comprendre que le train ne passera pas une seconde fois. J’accepte alors la présidence, en gardant néanmoins par prudence mon cabinet dentaire.

N’était-ce pas trop d’activités à gérer ?

Je n’avais plus de vie. Je quittais mon domicile à 6 heures du matin, enchaînais réunions, rendez-vous, gestion de dossiers jusqu’à 14 heures, puis recevais mes patients à mon cabinet de 14 h 30 à 20 heures et repartais ensuite à nouveau en réunion… Je ne dormais que 3 heures par nuit. Heureusement, cela a eu une fin, même si l’adrénaline, les applaudissements, la satisfaction d’avoir un peu de pouvoir et l’ego flatté donnent de l’énergie et effacent désillusions et problèmes quotidiens.

Quel impact cela a-t-il eu sur votre vie personnelle ?

Plus je m’investissais dans les affaires publiques et plus il me fallait jongler entre mon cabinet et mon engagement politique. Toujours dans une bivalence. C’est ce que j’ai finalement fait toute ma vie, au détriment de ma vie familiale, de mes vacances, de mes week-ends. Peu à peu, je suis entré dans une spirale infernale et, comme bon nombre d’hommes politiques, j’ai divorcé. À partir du moment où l’on entre dans le champ de la vie politique, si l’on veut bien faire les choses, cela prend toute la place.

Qu’est-ce qui vous a captivé dans cet engagement ?

Avant tout, c’est le fait de rendre service. Mais aussi, l’ouverture d’esprit que cela suppose et la possibilité de rencontrer toutes sortes de personnes, avec différents points de vue. Et puis, une fois que l’on met le doigt dans l’engrenage, il est difficile d’en sortir : d’élections en mandats, de promotions en campagnes, on ne lâche plus.

Aujourd’hui, quel rôle politique avez-vous ?

Je suis resté conseiller général UMP (je ne renouvelle pas mon mandat qui prend fin ce mois-ci) et maire de Saint-Amand-de-Montmoreau ; je suis également président de l’Association des maires de Charente et président du Syndicat départemental d’électricité et de gaz (SDEG) – ce qui me permet d’avoir un mandat national qui n’empiète pas sur ma vie professionnelle.

N’avez-vous jamais eu envie d’avoir un mandat national plus conséquent ?

L’année dernière, Angoulême étant passée à droite et sachant que je pouvais profiter d’un potentiel de grands électeurs, j’avais décidé de me présenter en tant que candidat UMP aux sénatoriales. En 2 mois, j’ai parcouru 8 200 km et suis allé rencontrer 404 maires, un par un. Malgré la quasi-certitude d’être élu, j’ai été battu. Cela a été une expérience extrêmement intéressante, mais aussi une très grande déception.

Avez-vous de nouveaux projets ?

J’ai 68 ans, je garde des responsabilités, mais je ne peux pas continuer sur un rythme effréné. Je n’ai plus la force intellectuelle ni l’envie de vivre comme cela. C’est aux nouvelles générations de prendre le relais. De plus, j’ai beaucoup donné et je n’ai plus confiance. Il y a tellement de gens qui vous sourient, puis qui vous poignardent dans le dos.

C’est ce que vous tirez de cette expérience ?

Lorsqu’on fait de la politique, il faut être un tueur, être capable de décapiter ses amis pour y arriver. Ce n’est pas ma nature. Je préfère perdre sur mes convictions en étant propre que de gagner en faisant des tours de passe-passe.

Avez-vous un modèle ?

De Gaulle a été un modèle pour moi, même si j’étais très jeune à l’époque. Il avait une certaine idée de la France, comme moi de mon travail et de ma vocation politique. Je crois qu’il faut faire abstraction de toute certitude, ne pas rester obtus dans ses raisonnements, car personne ne détient la vérité. Militer c’est important, si l’on sait rester lucide et si l’on connaît ses limites. L’engagement politique est pour moi, jusqu’ici, une longue marche, faite d’humilité et de respect des autres.

Finalement, quel serait selon vous le point commun entre odontologie et politique ?

Le sentiment d’apporter quelque chose aux citoyens, quels qu’ils soient, d’embellir leur bouche ou leur ville, de les soulager ou de participer au développement économique de leur région… Dans les deux cas, il fait aimer les gens et le contact.

Une œuvre littéraire ou un film qui vous a marqué ?

La Guerre des boutons, un film et un roman sains parce que l’intrigue se déroule au milieu d’enfants issus de milieux simples, avec des personnalités différentes et dans des conditions difficiles. C’est à l’image de la vie. J’aime ce qui parle de la vie au quotidien, sans cachotteries, avec ses difficultés et ses bonheurs simples.