Clinic n° 03 du 01/03/2015

 

PROJET DE LOI DE SANTÉ

ACTU

ANNE-CHANTAL DE DIVONNE  

Neuf syndicats dentaires appellent à rejoindre la manifestation nationale du 15 mars à Paris pour protester contre le projet de loi de santé. Cette manifestation, qui rassemblera les internes et les médecins libéraux, aura valeur de test. L’examen du projet de loi à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a été une nouvelle fois repoussé au… 17 mars.

Après l’appel à la grève du 30 septembre puis à la fermeture des cabinets dentaires le 22 janvier, la profession se mobilise à nouveau pour grossir les rangs de la manifestation nationale initiée par les internes en médecine et soutenue par l’ensemble des syndicats de médecins libéraux à Paris le 15 mars.

Les trois syndicats représentatifs – la CNSD*, la FSDL* et l’UJCD* –, les étudiants (UNECD*), les internes (SNIO*), les hospitaliers (SNOHP*), les chirurgiens oraux (SNCO*), les spécialistes en orthodontie (SFSO*) et le syndicat des femmes (SFCD*) dénoncent un projet de loi qui « organise la mainmise de l’État sur l’organisation de la santé » et demandent un report de la discussion parlementaire afin de « permettre la réécriture totale » du texte. « La pseudo-concertation engagée par la ministre de la Santé a exclu délibérément les chirurgiens-dentistes », estiment les syndicats.

Un fort impact sur l’exercice

« Il fallait marquer notre colère devant ce projet de loi qui va impacter fortement notre exercice. Nous avons une vision commune avec les médecins sur la plupart des dossiers, il était cohérent de défiler avec eux », affirme Catherine Mojaïsky. La responsable de la CNSD décline plusieurs points d’opposition au projet de loi : la généralisation du tiers payant, l’absence de politique de prévention bucco-dentaire, la mise sous tutelle de la vie conventionnelle par l’État, le plafonnement des tarifs dans le cadre de l’aide à la complémentaire de santé. Avec le plafonnement des tarifs dans le cadre de la CMU, « c’est bientôt 10 % de la population qui va bénéficier de tarifs plafonnés, et cela à des niveaux qui risquent de ne pas être cohérents », craint la responsable de la CNSD. S’ajoute aussi le fait que personne ne sait comment les mesures retirées du projet de loi d’Emmanuel Macron seront intégrées dans le projet de loi de santé, en particulier le projet de dissociation de l’acte prothétique.

La goutte d’eau de trop

« Le tiers payant est la goutte qui fait déborder le vase. C’est un monstre ingérable et si l’on a face à nous un entier payeur, c’est comme si nous étions salariés. Après la loi Leroux, on veut vraiment détruire le libéral », s’emporte Yves Trin, président du SFSO.

Guy Le Toux, président du SNCO, s’associe aussi au mouvement pour lutter contre la généralisation du tiers payant « impossible à faire sur un plan pratique ». Moins concernés par les mesures issues de la loi Macron, les chirurgiens oraux estiment cependant qu’on ne peut pas dissocier un même acte. « Au pire, cela signifierait que le patient peut aller se fournir chez le prothésiste de son choix ! » s’exclame Guy Le Toux qui appelle à venir manifester « un ras-le-bol généralisé de la profession ».

Le pouvoir de l’ARS

Les internes en odontologie emboîtent aussi le pas, après leur grève du 4 février, aux internes en médecine pour protester contre l’absence totale de concertation sur le projet de loi. Ils s’opposent au tiers payant « très difficile à mettre en place », remarque la présidente du SNIO, Anna Karimova. Mais ils s’inquiètent aussi du « renforcement des pouvoirs de l’ARS qui va gérer les besoins en professionnels de santé. Est-ce qu’on ne va pas nous imposer des lieux d’installation ? » S’agissant du dossier des patients, « il y a des risques de dérive. Jusqu’où pourrons-nous intervenir dans la base de données ? Les patients pourront-ils gérer leur dossier ? » Les internes protestent aussi contre l’absence de création de postes de praticiens hospitaliers et la non-prise en compte de la prévention bucco-dentaire dans le projet de loi.

La profession ignorée

« En tant qu’hospitaliers, nous sommes solidaires de nos internes. De plus, la dissociation de l’acte prothétique est inacceptable. Pourquoi l’imposerait-on aux chirurgiens-dentistes et pas aux autres professions, aux boulangers ? » interroge le président du SNOHP. Pour Éric Gérard, « la profession de chirurgien-dentiste est ignorée à tous les niveaux ». Pas plus que les autres composantes de la profession, le président du SNOHP n’a été invité à participer à l’un des six groupes de travail mis en place par la ministre de la Santé à la fin du mois de janvier pour déminer différents aspects de la loi, en particulier celui qui traite du service public hospitalier. On n’y retrouve que des médecins, quand ceux-ci n’ont pas déjà claqué la porte après avoir constaté qu’ils n’étaient pas écoutés.

*CNSD : Confédération nationale des syndicats dentaires ; FSDL : Fédération des syndicats dentaires libéraux ; SFCD : Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes ; SFSO : Syndicat français des spécialistes en orthodontie ; SNCO : Syndicat national des chirurgiens oraux ; SNIO : Syndicat national des internes en odontologie ; SNOHP : Syndicat national des odontologistes des hôpitaux publics ; UJCD-UD : Union des jeunes chirurgiens-dentistes ; UNECD : Union nationale des étudiants en chirurgie dentaire.