Clinic n° 02 du 01/02/2015

 

BERNARD DEVAUCHELLE Chef du service de chirurgie maxillo-faciale du centre hospitalo-universitaire d’Amiens

L’ENTRETIEN

Anne-Chantal de Divonne  

Après Dijon, Metz-Thionville puis Le Havre, Rouen et Caen, le CHU d’Amiens vient à son tour d’ouvrir un service d’odontologie. Rattaché à la faculté de Reims, il accueillera chaque année 20 étudiants de 6e année qui bénéficieront de la dynamique de l’Unité de chirurgie maxillo-faciale d’Amiens reconnue au niveau international pour sa spécialisation en microchirurgie reconstructrice des grands délabrements. Son chef de service, le Pr Bernard Devauchelle, qui y a réalisé la première greffe partielle de visage en 2005, explique à Clinic l’esprit dans lequel a été créé le service d’odontologie.

Pourquoi votre service s’ouvre-t-il davantage aux étudiants en odontologie ?

Nous avons des accords avec la faculté de Reims depuis 10 ans. À l’issue de la PACES*, les étudiants d’Amiens font leurs études d’odontologie à Reims. Et en 6e année, 6 d’entre eux sont accueillis dans le service de chirurgie maxillo-faciale.

La mise en place récente d’une nouvelle infrastructure regroupant le CHU et l’hôpital nous a permis d’ouvrir un secteur spécifique d’odontologie au sein de l’Unité de chirurgie maxillo-faciale, qui peut accueillir un plus grand nombre d’étudiants en odontologie qu’avant. Aussi, depuis la fin du mois de janvier, 10 étudiants de 6e année peuvent nous rejoindre chaque semestre, soit 20 étudiants par an. En accord avec l’UFR* de Reims, ils seront encadrés par un praticien hospitalier d’odontologie à temps partiel et un MCU-PH* qui arrivera plus tard dans l’année.

L’accueil de ces étudiants prend une forme véritablement hospitalo-universitaire à l’image de ce qui existe à Rouen puisque nous avons maintenant un secteur d’odontologie dédié.

Comment l’odontologie est-elle intégrée à l’unité de chirurgie maxillo-faciale ?

Une dizaine de fauteuils sont prévus dans le secteur des consultations (6 sont déjà installés), juste en face des consultations de chirurgie maxillo-faciale et de stomatologie ainsi que du laboratoire de prothèses. Ce service n’est pas totalement indépendant. Notre volonté de ne pas isoler la discipline répond à l’orientation que nous voulons donner aux chirurgiens-dentistes. En plus des disciplines classiques de l’odontologie, ils sont très impliqués dans le domaine de la chirurgie orale qui constitue pour eux une nouvelle spécialité.

Leur terrain de stage à Amiens est assez original compte tenu de la population de très grands défigurés que draine le service. Nous avons affaire à des pathologies malformatives, cancéreuses ou traumatiques que l’odontologiste ne voit pas habituellement ou seulement en seconde ligne. Notre collaboration avec ces jeunes praticiens est très heureuse. Elle les ouvre à des domaines qu’ils ne retrouveront vraisemblablement pas dans leur pratique. Ils sont totalement intégrés à la vie du service de chirurgie maxillo-faciale ; ils sont présents quand nous avons des consultations pluridisciplinaires ; ils ont accès au bloc opératoire ; et ils peuvent assister à des interventions qu’ils ne feront jamais mais qui éclaireront leur esprit.

Avez-vous besoin d’odontologistes ?

Il y a des interpénétrations des disciplines qui prêtent parfois sur le plan national à des guerres picrocholines. On le voit avec la chirurgie orale, la chirurgie buccale… Je pense au contraire que nous sommes dans une transversalité absolument indispensable si l’on veut une prise en charge holistique du patient. Ce n’est pas parce que nous avons nos propres connaissances et notre culture que nous ne devons pas les croiser avec celles d’autres disciplines. C’est vrai pour les odontologistes par les connaissances spécifiques qu’ils ont en matière d’occlusion, de pédodontie… En matière d’implantologie aussi il est intéressant de voir comment leur culture et la nôtre sont complémentaires et non pas en opposition. C’est dans cet esprit de complémentarité que nous pouvons nous apporter mutuellement.

La segmentation que l’on observe dans le domaine médical en général, qui fait que les patients sont « saucissonnés », me paraît très mauvaise. On devrait au contraire s’ouvrir aux disciplines voisines, périphériques.

* MCU-PH : maître de conférences, praticien hospitalier ; PACES : Première année commune aux études de santé ; UFR : unité de formation et de recherche.