Comme chaque année, c’est en pleine saison de cueillette des pommes qu’Apple a présenté ses derniers produits. Si tablettes et ordiphones ont été mis en avant, Tim Cook, le gérant de la multinationale fruitière, a passé sous silence une innovation majeure concernant la carte SIM des nouvelles tablettes.
C’est sur les sites d’Apple aux États-Unis et en Grande-Bretagne que l’on pouvait découvrir que les nouveaux iPad et iPhone vendus dans les magasins de la marque étaient équipés de cartes SIM universelles (1). Ces dernières sont programmables par l’utilisateur qui peut alors instantanément changer d’opérateur en fonction des réseaux et des offres tarifaires disponibles. Il est aisé de comprendre que cette « Apple SIM » constitue une remise en cause des relations actuellement en usage entre les abonnés et les opérateurs. Bien que l’offre se limite actuellement à la transmission des données par l’Internet et oublie les communications vocales, il est tentant d’expliquer l’absence de médiatisation de cette innovation par le souci d’éviter qu’elle constitue une pomme de discorde pour les opérateurs.
Apple n’en est pas à sa première tentative dans ce domaine. En 2010, un projet de carte SIM intégrée et scellée dans ses téléphones, mis au point avec le spécialiste français des cartes à puces Gemalto, avait dû être abandonné sous la pression des opérateurs (2). En 2014, le concept ressort sous une nouvelle forme et de manière beaucoup plus mesurée. Des accords ont été passés avec AT & T, Sprint et T-Mobile outre-Atlantique et avec EE outre-Manche, et des négociations sont en cours avec les principaux opérateurs en France. Tous sont conscients qu’à terme, Apple entend équiper ses ordiphones avec cette technologie et ils considèrent que la relation directe à leurs clients est menacée. Certes, ils pourraient prendre de haut l’initiative d’Apple qui, bien que second vendeur, ne représente que 13 % des parts de marché. Mais ils connaissent les capacités d’innovation de ce désormais concurrent, qui est parvenu à imposer successivement les nouveaux formats de cartes SIM micro et nano (3). Par ailleurs, pour activer cette carte SIM universelle, il faut bien un accès à l’Internet via un réseau mobile et, comme le souligne Elsa Bambaron dans le Figaro.fr, « officieusement, les opérateurs cherchent à être cet opérateur privilégié » (4). Lequel croquera dans le fruit défendu ?
Il se pourrait donc bien que 2015 soit l’année d’un changement majeur dans le domaine de l’accès à l’Internet et peut-être aussi de la téléphonie mobile. La décision des opérateurs de l’Hexagone sera observée de près car la nouvelle carte d’Apple est particulièrement adaptée au marché français. En effet, contrairement aux États-Unis où la plupart des utilisateurs de mobiles sont liés par un abonnement de 2 ans, en France ils sont 57 % à être libres de tout engagement. Certes Apple est souvent critiqué pour avoir élaboré des produits particulièrement fermés, depuis les systèmes d’exploitation en passant par les formats de fichiers audio et les applications pour mobiles, jusqu’à la connectique. Si ces options constituent un gage de fiabilité et de sécurité des produits, elles n’en représenteraient pas moins une menace si elles devenaient hégémoniques. Mais par ailleurs la position dominante des opérateurs de téléphonie a aussi besoin d’être quelque peu contrariée, ce qu’Apple a la capacité de faire. Il reste à espérer que le consommateur ne soit pas la poire dans cette histoire.
(1) Apple - Apple SIM support : http://support.apple.com/en-us/HT203099
(2) Challenges.fr : http://www.challenges.fr/high-tech/20141020. CHA9204/les-5-questions-que-soulevent-l-apple-sim.html
(3) France-info.fr : http://www.franceinfo.fr/emission/nouveau-monde/2014-2015/pourquoi-apple-veut-bouter-la-carte-sim-hors-des-mobiles-20-10-2014-06-50
(4) Figaro.fr : http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2014/11/22/ 01007-20141122ARTFIG00011-apple-cherche-un-cheval-de-troie-dans-les-telecoms.php