Clinic n° 02 du 01/02/2015

 

JEAN-NOËL VERGNES Chirurgien-dentiste, enseignant à l’UFR d’odontologie de l’université Paul-Sabatier de Toulouse et professeur associé dans la division Oral Health & Society de l’université McGill de Montréal (Canada)

ENQUÊTE

TROIS QUESTIONS À…

Marie Luginsland  

En quoi l’approche centrée sur le patient appliquée à l’odontologie est-elle novatrice dans la relation patient-praticien ?

Il ne s’agit pas seulement d’écouter le patient mais de mettre en place les conditions pour susciter sa parole, par une attention de tous les instants. La parole du patient permet de recueillir des éléments décisionnels inhérents à son origine sociale, professionnelle, à sa forme physique, à ses conditions matérielles mais aussi à son...


En quoi l’approche centrée sur le patient appliquée à l’odontologie est-elle novatrice dans la relation patient-praticien ?

Il ne s’agit pas seulement d’écouter le patient mais de mettre en place les conditions pour susciter sa parole, par une attention de tous les instants. La parole du patient permet de recueillir des éléments décisionnels inhérents à son origine sociale, professionnelle, à sa forme physique, à ses conditions matérielles mais aussi à son niveau émotionnel. Ces éléments permettront non seulement d’élaborer un plan de soins concerté et personnalisé en tenant compte de ses attentes et de ses craintes, mais aussi de créer un environnement propice à la conversation et à la confiance, à tous les stades de la consultation.

Dans quelle mesure remet-elle en cause les postures classiques du praticien ?

C’est une révolution culturelle dans la mesure où elle implique un partage du pouvoir entre le patient et le praticien. En effet, l’approche centrée sur la personne amène le praticien, grâce à une écoute attentive, à recueillir et respecter toutes les informations exprimées par le patient. Cette relation « interprétative », qui permet d’explorer et de clarifier les attentes du patient, débouche sur une prise de décision partagée mais génère aussi un climat de confiance particulièrement important en ces temps de suspicion de la société vis-à-vis de notre profession.

L’approche centrée sur le patient peut-elle être pratiquée dans n’importe quelles conditions d’exercice ?

Nous la mettons en pratique en milieu hospitalier, notamment en première consultation et aux urgences, mais nous l’avons initialement conçue en pratique privée au Canada. La notion de temps est souvent évoquée par les praticiens, soucieux de la « rentabilité » de leur activité. Il apparaît que cette approche clinique ne fait pas perdre autant de temps qu’on pourrait le penser. Au contraire, la satisfaction du patient est telle qu’il recommande par exemple le cabinet à son entourage. Comme il se sent davantage écouté et impliqué dans un parcours de soin réaliste et personnalisé, il semble que les rendez-vous manqués soient moins fréquents qu’avant.

Toutefois, cette nouvelle approche demande un entraînement de la part du praticien en matière de compétences culturelles et de validation émotionnelles, par exemple, mais aussi de rigueur, d’humilité et d’une certaine « créativité » dans l’élaboration des plans de traitement.

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