Clinic n° 02 du 01/02/2015

 

ENDODONTIE

Guillaume JOUANNY  

Docteur en chirurgie dentaire
Ancien assistant hospitalo-universitaire de Paris DescartesPost graduate in endodontics university
of Pennsylvania
MSC candidate – microbiology g.jouanny@gmail.com

Avec les nouvelles techniques d’imagerie et les instruments de mise en forme en nickel-titane de dernière génération, il est désormais possible d’aborder des cas difficiles en toute sérénité et d’augmenter ses chances de succès. Les impératifs biologiques inhérents à tout traitement endodontique sont plus faciles à atteindre grâce à une meilleure planification du traitement et à une amélioration des systèmes de rotation continue à la disposition du praticien.

Le but de tout traitement endodontique est de prévenir ou de traiter les lésions d’origine endodontique. Ces lésions osseuses résultent d’une inflammation persistante de l’os en relation avec les apex dentaires. Les bactéries présentes dans le canal radiculaire et leurs produits de dégradation sont à l’origine de cette réponse inflammatoire. L’objectif du traitement endodontique est donc de retirer mécaniquement le maximum de tissu organique potentiellement infecté et de prévenir une éventuelle infection du système endocanalaire. Il s’agit également de réduire la charge bactérienne éventuellement présente en cas de nécrose pulpaire jusqu’à un niveau compatible avec une guérison et un maintien de la santé osseuse péri-apicale [1].

Il existe donc deux objectifs complémentaires : un objectif mécanique et un objectif biologique.

Cas clinique

Il s’agit d’une patiente de 35 ans, en bonne santé générale, qui se présente en urgence pour des douleurs aiguës situées du côté gauche en haut, qui durent depuis la veille, pulsatiles et insomniantes.

La percussion axiale et la palpation ne sont pas douloureuses. La patiente réagit aux tests de sensibilité pulpaire (test au froid et test électrique) et la seconde prémolaire maxillaire gauche (25) présente une lésion carieuse mésiale visible cliniquement. La réponse au test au froid est plus rapide que sur les dents saines adjacentes et la douleur provoquée ne s’estompe pas rapidement après le retrait du stimulus.

Un premier cliché rétrocoronaire (fig. 1) permet d’estimer l’atteinte carieuse et d’évaluer la possibilité de restauration de la dent en question. Il s’agit d’une lésion de site 2 et de stade 4, c’est-à-dire une lésion proximale mésiale atteignant la pulpe, objectivable cliniquement par un effondrement de la crête marginale mésiale. Un second cliché rétroalvéolaire (fig. 2) permet d’évaluer l’état du parodonte et l’anatomie canalaire de la 25. Aucune destruction osseuse n’est visible en regard des apex mais l’anatomie radiculaire semble différer de la norme.

En effet, si l’on suit les lignes correspondant au ligament alvéolo-dentaire qui permettent d’objectiver les contours radiculaires, on s’aperçoit que cette prémolaire a vraisemblablement trois racines distinctes. Il s’agit dès lors d’un cas particulier et un examen cone beam est prescrit pour prendre plus d’information.

L’analyse des coupes horizontales ou axiales au niveau de la 25 et à différents niveaux (fig. 3) montre que la 25 possède bien trois racines distinctes et que la racine palatine est très divergente. On observe que les trois canaux se séparent rapidement après la chambre pulpaire et que les deux canaux vestibulaires sont proches et le restent jusqu’à leur extrémité apicale. Il est dès lors possible de se servir de ces coupes comme on se servirait d’un GPS. Plutôt que de rechercher les canaux avec sa seule expérience et des aides optiques, il est possible de se diriger directement là où se trouvent les canaux et de limiter l’élimination inutile de tissus dentaires sains. À l’heure de la dentisterie minimalement invasive, le CBCT devient un formidable outil en endodontie conventionnelle.

Après une anesthésie classique, la lésion carieuse est complètement éliminée sous digue et la reconstitution pré-endodontique est réalisée avec un ciment verre ionomère photopolymérisable. La cavité d’accès est ensuite réalisée a minima.

Une fois tous les surplombs éliminés, les orifices canalaires sont repérés grâce à une sonde et les longueurs de travail sont prises avec une lime K10 pour les deux canaux vestibulaires, une lime K15 pour le canal palatin et un localisateur d’apex. Une radiographie rétroalvéolaire permet de confirmer la longueur de travail (fig. 4). Lorsqu’une lime K15 peut atteindre l’apex sans contrainte, la mise en forme peut commencer.

Le système utilisé pour ce cas est le système BT-Race (fig. 5) mis au point par la société suisse FKG (http://www.fkg.ch). C’est un système qui permet d’atteindre les objectifs biologiques endodontiques dans la plupart des cas avec trois instruments.

Le premier instrument est une lime de 10/100 de diamètre à l’apex et de 6 % de conicité. Il permet de libérer les contraintes dans les tiers médian et coronaire.

Le deuxième instrument est une lime de 35/100 de diamètre à l’apex mais sans conicité. Cet instrument bouscule un peu le concept des instruments classiques. L’absence de conicité rend la lime extrêmement flexible et donc très sûre à utiliser. La pointe de l’instrument est une pointe BT (booster tip) brevetée qui possède six arêtes de coupe. Cette pointe particulière permet à l’instrument de suivre les courbures en limitant le stress sur l’instrument et sur la racine. Après le passage du premier instrument, du fait de son absence de conicité, cette lime n’est travaillante que dans les quatre derniers millimètres du canal. Elle permet donc de préparer uniquement la partie apicale sans interférences coronaires. Elle permet également de jauger le diamètre apical. En effet, si l’instrument commence à travailler à 4 mm de la longueur de travail, alors le diamètre final de la préparation est choisi à 35. Si l’instrument commence à travailler à 2 mm de la longueur de travail ou va directement à la longueur de travail sans résistance, le diamètre final sera choisi à 40 ou à 50 à l’aide de deux instruments fournis dans un kit BT-Race XL complémentaire.

Dans ce cas clinique, l’instrument BT2 a commencé à travailler à 4 mm de l’apex. Le diamètre apical final a donc été choisi à 35/100 dans les trois canaux.

Le troisième instrument est une lime de 35/100 de diamètre à l’apex et de 4 % de conicité. Il permet de finir la mise en forme et de donner au canal une forme compatible avec les techniques d’obturation actuelles.

Une fois l’instrumentation terminée, un protocole de désinfection final avec EDTA, hypochlorite et activation ultrasonore est appliqué. Les canaux sont obturés à la gutta-percha et avec un ciment endodontique classique au moyen d’une technique de condensation verticale.

Une radiographie postopératoire permet de visualiser les canaux obturés (fig. 6).

Les figures 7 et 8 montrent la cavité d’accès conservatrice mais qui répond aux objectifs biologiques et les différents angles permettant de visualiser les orifices canalaires obturés.

Conclusion

En endodontie, dès lors que les examens radiologiques classiques ne permettent pas d’analyser et de planifier un traitement de façon optimale, l’utilisation d’un examen cone beam est recommandée. Le choix du système de mise en forme dépend de la complexité du cas, de la facilité et de la sécurité d’utilisation. Le système présenté dans cet article permet de remplir ces trois critères dans le cas d’une prémolaire maxillaire à trois canaux et trois racines.

  • [1] Siqueira JF Jr, Rôças IN. Clinical implications and microbiology of bacterial persistence after treatment procedures. J Endod 2008;34:1291-1311.
  • [2] Ferreira CM, Moraes IG, Bernardineli N. Three-rooted maxillary second premolar. J Endod 2000;26:105-106.
  • [3] Barros DB, Guerreiro Tanomaru JM, Tanomaru-Filho M. Root canal treatment of three-rooted maxillary second premolars: report of four cases. Aust Endod J 2009;35: 73-77.
  • [4] Haute Autorité de santé. Tomographie volumique à faisceau conique de la face (cone beam computerized tomography). Saint-Denis-la-Plaine : HAS, 2009.
  • [5] Wu MK, R’oris A, Barkis D, Wesselink PR. Prevalence and extent of long oval canals in the apical third. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2000;89:739-743.
  • [6] Zandbiglari T, Davids H, Schäfer E. Influence of instrument taper on the resistance to fracture of endodontically treated roots. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2006;101:126-131

LE POINT SUR L’ANATOMIE

• La deuxième prémolaire maxillaire a généralement une racine (94,6 %) et soit un (53,7 %) ou deux canaux (40 %) [2]. Dans le cas d’une racine unique, le canal est très large dans le sens vestibulo-palatin, avec un rétrécissement apical rapide. Lorsque deux canaux sont présents, on observe souvent un septum dentinaire entre les deux canaux. La présence de trois canaux dans les secondes prémolaires maxillaires est très rare (0,69 %) [3].

LE POINT SUR LE CBCT

• Le CBCT (cone beam computed tomography) est une technique d’imagerie sectionnelle qui autorise une exploration limitée des structures maxillaire, mandibulaire et dento-alvéolaire. Les appareils se distinguent du scanner traditionnel par un faisceau radiologique ouvert, conique, qui lui permet en une seule révolution de balayer l’ensemble du volume à radiographier.

Le recours à l’imagerie CBCT ne saurait se justifier s’il n’améliore pas la prise en charge et le pronostic du traitement envisagé.

Le rapport d’évaluation technique de la Haute Autorité de santé sur le CBCT paru en décembre 2009 [4] précise que « l’imagerie CBCT en endodontie peut présenter un intérêt dans certains cas bien sélectionnés, lorsque les informations fournies par la clinique et la radiologie conventionnelle ne sont pas suffisamment contributives au diagnostic et qu’une image tridimensionnelle est indispensable ». Dans ces indications figurent la recherche et la localisation d’un canal radiculaire supplémentaire.

LE POINT SUR LA CAVITÉ D’ACCÈS

• Une nouvelle tendance consiste à réaliser des cavités d’accès les plus petites possible en oubliant parfois même le concept originel. La cavité d’accès doit permettre l’excavation de tout le contenu organique de la chambre pulpaire et la visualisation directe du plancher et des orifices canalaires, elle doit faciliter l’introduction d’instruments dans les canaux sans trop de contraintes et rendre l’accès possible au tiers apical aux instruments à la fois de mise en forme et d’obturation. Elle ne doit pas être aussi petite que possible mais aussi petite que pratique. On voit malheureusement aujourd’hui certains objectifs biologiques sacrifiés sur l’autel de la préservation tissulaire à tout prix.

LE POINT SUR L’INSTRUMENTATION

• La forme de préparation idéale devrait présenter un diamètre apical de 35/100 minimum selon les cas, avec une conicité de 4 % maximum. Ces dimensions sont en accord avec les études d’anatomie classiques [5]. Elles assurent un protocole d’irrigation efficace grâce à un diamètre apical adéquat ainsi qu’une préservation de la dentine dans le tiers cervical et, donc, la limitation du risque de fracture [6].