Clinic n° 07 du 01/07/2017

 

IMAGERIE

Matthias PISAPIA*   Daniel BANDON MCU-PH**  


*Ancien AHU, Odontologie Pédiatrique
Aix-Marseille Université
**Odontologie Pédiatrique
Aix-Marseille Université

La radiographie dentaire intra-orale est un geste quotidien dans la pratique d’un cabinet dentaire. Elle permet d’affiner le diagnostic dans de nombreuses situations. L’émergence de la microdentisterie associée aux concepts de dentisterie adhésive ainsi que les demandes de plus en plus fréquentes des patients liées à l’essor de nouvelles technologies obligent le praticien à faire des choix entre plusieurs systèmes.

Définition et principes

Une radiographie intra-orale est une image en deux dimensions d’une structure en trois dimensions, utilisée en grande partie pour la détection des déminéralisations tissulaires. Elle est un outil d’aide au diagnostic très fiable pour la détection des lésions proximales et des lésions dentinaires modérées à sévères [1]. Cependant, l’émail étant très radio-opaque, les caries des sillons (occlusaux, vestibulaires et linguaux/palatins) sont difficiles à visualiser car l’épaisseur des tissus minéralisés est trop importante.

L’utilisation de la radiographie est ainsi limitée pour la détection des lésions de petite taille quelle que soit leur localisation, mais tout particulièrement lorsqu’elles sont situées au niveau des puits et des sillons occlusaux et des faces vestibulaires et linguales.

L’une des erreurs d’interprétation les plus fréquentes, en ce qui concerne les lésions évoluées, est d’assimiler systématiquement les images de radio-clarté des tissus dentaires à des cavités de carie. En fait, la radio-translucidité correspond à une déminéralisation qui ne s’accompagne pas forcément d’une cavitation, ce qui signifie qu’une zone radio-claire ne reflète pas forcément la présence d’une cavité carieuse. Pitts et Rimmer [2] ont mis en évidence le fait que la plupart des images radio-claires sur des faces proximales correspondent à des lésions non cavitaires et doivent donc être traitées par une technique non invasive.

Les cas de déminéralisation sans cavitation sont fréquents et constituent l’un des stades de l’évolution du processus carieux. Ainsi, la plupart des lésions proximales, qui présentent une image radio-claire confinée dans le tiers externe de l’épaisseur dentinaire sont des lésions vraisemblablement non cavitaires. Chez les patients coopérants, acceptant un suivi périodique, ces déminéralisations dentinaires sont susceptibles d’être traitées par des traitements chimiques et d'être stabilisées [3]. Cette technique est hautement dépendante de la qualité de l’image. Il est donc primordial de choisir un système performant avec la technique la plus adaptée à la pratique de chacun. L’examen visuel, réalisé méticuleusement, doit précéder le bilan radiologique. Ce dernier n’offre que des résultats partiels s’il est réalisé a priori et de manière standardisée. L’examen clinique doit localiser les zones suspectes et les sites qui doivent être radiographiés. L’association de plusieurs outils diagnostiques améliore la sensibilité du diagnostic pour les lésions occlusales. Pour les lésions cavitaires, la sensibilité des tests est de 62 % pour les examens visuels, de 75 % pour l’examen visuel réalisé avec des loupes grossissantes, de 79 % pour la radiographie et de 90 % pour l’association des examens visuel et radiographique [4]. L’association de plusieurs outils de diagnostic est intéressante également pour les lésions initiales. Cependant, les valeurs de sensibilité restent très basses pour celles-ci (de 12 % pour l’examen visuel seul à 49 % pour l’association examens visuel et radiographique).

En parodontie

L’examen radiographique fait partie intégrante de l’examen clinique en parodontie. La radiographie panoramique est un cliché intéressant car il permet d’observer les structures environnantes par rapport aux dents mais il manque très souvent de précision. Les radiographies intra-orales nous permettent alors de distinguer avec beaucoup plus de précision les lésions osseuses interproximales. Attention ! Une radiographie ne représente qu’un plan de coupe, ce qui est présent sur les faces vestibulaires ou palatines n’est pas visible radiographiquement [5] (fig. 1).

Seul le sondage permet un état précis des lésions osseuses. L’examen radiographique sera un complément indispensable de l’examen clinique : il précise la nature de l’alvéolyse et donc son degré de sévérité, il permet de voir la forme des racines, leur longueur et toutes les lésions associées aux parodontites (caries, résorptions radiculaires, kystes, obturations débordantes, etc.). Il permet aussi une reproductibilité dans le temps qui nous permettra de confirmer la stabilisation et/ou l’évolution de la pathologie (fig. 2).

En endodontie

La radiographie intra-orale joue un rôle important dans le traitement endodontique, tout d’abord en contribuant au diagnostic et à l’évaluation de l’anatomie radiculaire, puis en accompagnant le praticien tout au long de sa séquence opératoire (fig. 3). Enfin, elle permet de suivre au cours du temps la guérison, la stabilisation ou la récidive de la l’évolution de la lésion.

Quel matériel ?

Ces nombreuses indications nous impliquent de choisir un système performant au quotidien, pratique et peu contraignant.

Il existe deux principales technologies numériques accessibles sur le marché :

• le capteur numérique ;

• le système de plaques au phosphore avec un développement numérique.

Dans le cas des capteurs numériques, les rayons X sont transformés en lumière visible à l’aide d’un scintillateur, lumière qui est à son tour transmise à un capteur d’image haute résolution (fig. 4).

Les écrans radio-luminescents à mémoire (ERLM), ou plaques au phosphore, stockent l’énergie transmise par les rayons X dans une structure cristalline radio-sensible. La lecture de l’image est ensuite réalisée au moyen d’un scanner par balayage laser. (fig. 5).

Les deux systèmes ont des avantages et des inconvénients. Grâce à l’évolution des technologies la qualité d’image s’améliore tout en limitant au maximum les radiations.

Ces deux systèmes donnent des radiographies de qualité et chaque praticien choisira en fonction de sa pratique et de ses habitudes. On pourra, en fonction du logiciel utilisé par le fabricant, faire des retouches de contraste et de netteté mais aussi prendre des mesures ou mettre des commentaires et annotations.

Un capteur simple, performant mais peu confortable

Le capteur numérique est la technologie la plus répandue car elle est rapide à mettre en place et son utilisation est simple. La qualité d’acquisition d’image est souvent meilleure que pour une autre technologie. De plus, la prise de radiographie est rapide et son traitement est immédiat. L’image apparaît instantanément sur l’écran.

Cependant, un capteur filaire numérique peut présenter des inconvénients dans la pratique quotidienne. Le fil rend l’utilisation du capteur plus complexe et moins hygiénique, même en adoptant des gaines de protection. C’est un système qui requiert une bonne coopération du patient, sachant que l’encombrement du capteur est assez important. Il en existe différentes tailles sur le marché, mais souvent une seule au cabinet.

De plus, la rigidité du produit peut créer des difficultés de mise en bouche chez les patients avec une anatomie particulière (ouverture buccale limitée, palais plat, enfant jeune…) ou chez les sujets ayant d’importants réflexes nauséeux. Il existe des capteurs souples qui diminuent ce problème sans toutefois le régler. Enfin, il est difficile d’utiliser un angulateur avec cette technologie car il augmente encore plus l’encombrement de l’appareil.

Plaques au phosphore : maniables et adaptables

Pour la technologie utilisant des plaques au phosphore, on se rapproche de la radiographie argentique dans son utilisation [6]. Il en existe différentes tailles allant de l’utilisation en odontologie pédiatrique à la taille pour un sextant en passant par des tailles 1 et 2 dents (fig. 6).

Une plaque très fine sert de récepteur et permet d’utiliser facilement l’angulateur en donnant la possibilité d’avoir des incidences précises et reproductibles. On peut également l’utiliser pour des clichés rétrocoronaires à des fins de détection précoce des lésions carieuses. Le positionnement en bouche sera plus proche de la dent qu’avec un autre système, car on adapte la taille de la plaque en fonction de la situation à laquelle on est confronté, ce qui permet d’obtenir des informations avec très peu de déformation et, donc, d’avoir une qualité d’image se rapprochant de celle des capteurs numériques. La prise de radiographies au cours de l’acte du traitement endodontique peut être problématique du fait de la présence d’un champ opératoire. Les plaques associées à un angulateur dédié à l’endodontie offrent un éventail de possibilités permettant de trouver la solution adéquate. De même pour un bilan parodontal, l’utilisation d’une plaque de grande taille nous amène à réaliser moins de clichés pour une couverture totale de la bouche du patient.

Une fois la radiographie réalisée, il faut enlever la plaque de sa protection à usage unique. L’insertion dans le système de développement est simple et prend une dizaine de secondes avant l’affichage de l’image radiographique sur l’écran. Il est possible d’effectuer, en fonction du logiciel, les rectifications souhaitées.

Cas clinique

Une jeune patiente de 4 ans se présente au cabinet pour une carie provoquant des douleurs à la mastication et, occasionnellement, des réveils nocturnes. L’examen clinique révèle la présence d’une carie profonde en distal de 84 (fig. 7).

Une radiographie doit être réalisée mais la patiente est un peu apeurée et l’ouverture buccale est limitée. Il est décidé d’utiliser le système de plaque au phosphore PSPIX2 avec la plus petite taille associé à un porte-film (ERLM PSPIX2 de taille 0) (fig. 8 et 9).

La radiographie est alors réalisée facilement, sans rejet par l’enfant (fig. 10). Le diagnostic est posé et le traitement de pulpotomie est ensuite réalisé (fig. 11).

Conclusion

La radiographie numérique constitue un outil diagnostic essentiel mais reste un examen complémentaire de l’examen clinique. Elle présente toutefois des limites. Le praticien dispose dans sa panoplie d’autres examens complémentaires. Il existe en effet des systèmes d’image sans rayons X qui permettent la détection des pathologies dentaires par l’intermédiaire de la fluorescence des tissus dentaires, comme par exemple la SOPROLIFE(r) (caméra intrabuccale de diagnostic). En utilisant le système adapté au patient mais aussi à la pratique, la ?séquence de soin peut être effectuée dans les meilleures conditions.

Bibliographie

  • [1] Pitts NB. Modern perspectives on caries activity and control. J Am Dent Asoc 2011;142:790-792.
  • [2] Pitts NB, Rimmer PA. An in vivo comparison of radiographic and directly assessed clinical caries status of posterior approximal surfaces in primary and permanent teeth. Caries Res 1992;26:146-152.
  • [3] Pitts NB. Modern concepts of caries measurement. J Dent Res 2004;83:43-47.
  • [4] Ekstrand KR, Ricketts DNJ, Kidd EAM, Qvist V, Schou S. Detection, diagnosing, monitoring and logical treatment of occlusal caries in relation to lesion activity and severity: an in vivo examination with histological validation. Caries Res 1998;32:247-254.
  • [5] Itic J. L’examen clinique et radiographique en parodontie. Le fil dentaire 2008;31:14-20.
  • [6] Nishikawa K, Ooguro T, Kuroyanagui K. Comparisons of physical imaging properties amond three kinds of imaging plates used in photostimulable phosphor systems for dental radiography. Bull Tokyo Dent Coll 2002;4:23-30.

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