Clinic n° 06 du 01/06/2017

 

JURIDIQUE

Audrey UZEL  

Avocat au barreau de Paris

Depuis plusieurs années, le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes estime que des centres dentaires pratiquent des actes de publicité prohibés par le Code de déontologie. Par un arrêt du 18 février 2016, la cour d’appel de Paris a donné tort à l’Ordre en estimant que les centres dentaires ne sont pas soumis au Code de déontologie faute de textes prévoyant explicitement cette soumission. Sans revenir foncièrement sur cette analyse, la Cour de cassation est récemment venue limiter les moyens d’action dont disposent les centres de santé(1).

Les faits

Pour l’ouverture d’un centre dentaire mutualiste dans le Bas-Rhin, la Mutualité Française d’Alsace avait obtenu la parution d’un publireportage et d’un article dans Le Journal d’Alsace, ainsi que d’un encart publicitaire dans un magazine, Le Mag, édition Pays de Saverne. La Mutualité avait par ailleurs fait éditer des dépliants et des lettres de présentation. En région parisienne, l’association ADDENTIS avait, quant à elle, communiqué dans le journal Le Parisien. Elle avait bénéficié d’un reportage télévisuel dans l’émission Capital sur M6. Elle avait également créé un site Internet et diffusé des flyers. Pour les Ordres départementaux et nationaux, les syndicats et la Confédération nationale des syndicats dentaires, les deux centres ont réalisé des actes de publicité prohibés par le Code de déontologie. Le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes soutenait également que ces actes s’apparentaient à des actes de concurrence déloyale.

La solution

La Cour de cassation raisonne en deux temps. Tout d’abord, elle confirme que le Code de déontologie n’est pas opposable à une personne morale (association ou mutuelle) qui emploie un chirurgien-dentiste salarié. En d’autres termes, le Code de déontologie ne s’applique qu’aux chirurgiens-dentistes libéraux ou exerçant en société d’exercice libéral (SEL), l’application du Code de déontologie étant expressément prévue pour ces structures. Cependant, la Cour de cassation a entendu encadrer l’activité des centres de santé. Pour ce faire, elle se penche ensuite sur le terrain de la concurrence déloyale. Il est en effet admis, au niveau européen, que le droit de la concurrence s’applique aux opérateurs économiques de la santé. Ainsi, le droit de la concurrence a pu notamment s’appliquer à une mutuelle. Sous couvert de ce droit, la Cour de cassation considère que les centres dentaires ne peuvent pas réaliser des prestations promotionnelles qui viendraient rompre l’égalité avec les professionnels libéraux. Elle condamne donc sur ce motif la Mutualité Française d’Alsace. Grâce à ce fondement juridique, la Cour de cassation condamne parallèlement la publicité faite par ces centres. En effet, à l’encontre d’ADDENTIS, elle estime que les centres dentaires ne peuvent délivrer que des informations objectives relatives notamment aux prestations de soins dentaires qu’ils proposent au public. En revanche, un centre dentaire « ne peut pas recourir à des procédés publicitaires concernant ces prestations, de nature à favoriser le développement de l’activité des chirurgiens-dentistes qu’il emploie, dès lors que des chirurgiens-dentistes sont soumis à l’interdiction de tous procédés directs ou indirects de publicité ».

L’analyse

C’est certainement la multiplicité des supports (article, publireportage, reportage, plaquette, lettre de présentation) et des moyens de diffusion (presse écrite, presse audiovisuelle, vecteur professionnel) qui a conduit la Cour de cassation à mettre un coup d’arrêt à la liberté que s’étaient octroyée les centres de santé.

1. Cass. civ. 1, 26 avril 2017 (2 arrêts).

À RETENIR

Grâce au recours au droit de la concurrence, la Cour de cassation condamne les actes de publicité des centres de santé. À l’instar des professionnels libéraux, ces derniers ne peuvent pas faire de publicité autre qu’informative, c’est-à-dire à visée scientifique, objective. Une belle décision qui vient réglementer l’activité des centres de santé qui se croyaient parfaitement libres de leurs actions.