Emmanuel Macron s’est donné trois défis à relever dans le domaine de la santé pendant son quinquennat : la « révolution » de la prévention, la lutte contre les inégalités en santé et la soutenabilité financière. Il revient maintenant à Agnès Buzyn nommée le 17 mai ministre des Solidarités et de la Santé du gouvernement Philippe, de mettre en oeuvre les orientations et les engagements pris par le nouveau président de la République quand il était candidat.
La « révolution » de la prévention annoncée par Emmanuel Macron passe par la mise en place d’un service sanitaire de 3 mois pour tous les étudiants en santé. Les 40 000 futurs professionnels mèneront des actions de prévention dans les écoles et les entreprises. La prévention passe aussi par la lutte contre le tabac. L’objectif du nouveau président de la République est que ceux qui naissent aujourd’hui soient la première génération sans tabac.
La rémunération des praticiens évoluera afin de valoriser la prévention.
Pour lutter contre les inégalités en santé, son deuxième défi, Emmanuel Macron veut prendre en charge à 100 %, à l’horizon 2022, les lunettes, les prothèses dentaires et auditive (voir encadré). Il veut aussi rétablir la prise en charge à 100 % des patients souffrant d’hypertension artérielle. Et il s’engage à ne pas dérembourser de soins utiles. S’agissant du tiers payant, Emmanuel Macron veut « se donner le temps d’évaluer ses bénéfices et les contraintes qu’il pourrait induire ». Cette évaluation sera menée dès les premières semaines du mandat.
Et c’est un tiers payant non pas généralisé mais « généralisable, simple et efficace » qui sera privilégié.
Le nouveau président veut aussi « se battre contre les déserts médicaux ». Il est prévu de doubler le nombre de maisons de santé pluridisciplinaires, ce qui représente tout de même 1 000 maisons de plus en un quinquennat. Le numerus clausus actuel étant jugé « injuste et inefficace », Emmanuel Macron a prévu de former « davantage de praticiens » en adaptant les capacités de formation aux besoins de santé des territoires.
Enfin, l’accès à la télémédecine, vu comme un « levier de lutte contre les inégalités sociales et territoriales », sera massivement déverrouillé. Des aides financières sont prévues pour équiper les patients, les associations, les professionnels et les établissements en technologies numériques.
L’efficience du système de santé, troisième défi, passe par la généralisation de la vente à l’unité des médicaments, l’évaluation de la qualité et de la pertinence des soins, et la diffusion des bonnes pratiques. Emmanuel Macron confie aux professionnels de santé (médicaux, paramédicaux, hospitaliers et libéraux) le soin de lancer des initiatives et des expérimentations visant à renforcer la coordination des soins et à mieux accompagner les malades dans leur parcours. Il veut faire évoluer les métiers de la santé par un développement des pratiques avancées mais « dans un dialogue constructif avec les professionnels de santé ».
Enfin, pour donner plus de visibilité aux acteurs de la santé, l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) sera pluriannuel.
Le gouvernement va très rapidement être confronté à la mise en musique des premières mesures avec la préparation, dès le mois de mai, du projet de loi de finances pour la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018.
Olivier Véran, 37 ans, neurologue au CHU de Grenoble, ex-député socialiste suppléant de Geneviève Fioraso en Isère et porte-parole santé d’Emmanuel Macron pendant sa campagne, avait listé quelques jours avant les élections les sujets que le nouveau gouvernement aurait à traiter en urgence : le 3e cycle des études médicales, les évolutions conventionnelles pour les chirurgiens-dentistes après un règlement arbitral « contestable et contesté » et la finalisation des projets régionaux de santé avant l’été. Un programme changé pour la nouvelle ministre.
L’une des mesures phares en santé du programme d’Emmanuel Macron est la prise en charge des actes prothétiques à 100 % à l’horizon 2022, sans augmentation de prix des mutuelles. Elle sera appliquée en favorisant la concurrence et en instaurant notamment trois contrats types que devront proposer les assureurs et mutuelles pour garantir la transparence et faciliter les comparaisons.
« Un plan d’action concerté »
« C’est une revendication forte de nos concitoyens », affirmait le candidat dans sa réponse à un questionnaire adressé par la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) avant le second tour des élections (voir Le Chirurgien-dentiste de France du 4 mai 2017). Le candidat Emmanuel Macron précisait qu’il comptait d’abord « recevoir les différents professionnels et experts afin de définir précisément un plan d’action concerté ».
Le candidat assurait aussi vouloir « mieux prendre en compte en matière de tarification, de façon plus réactive », certains actes à technicité élevée.
Maintien du règlement arbitral ?
Questionné sur l’avenir du règlement arbitral, Emmanuel Macron se félicitait de « la revalorisation de certains soins conservateurs et de l’introduction du remboursement de certains actes nouveaux ». Mais face aux inquiétudes de la profession et des étudiants, celui qui n’était pas encore président affirmait vouloir « renouer le dialogue avec l’ensemble des organisations représentatives pour mettre en œuvre notre projet, très ambitieux en matière de prévention et d’accessibilité aux soins prothétiques ».
Une « politique de prévention plus résolue »
Sur le volet prévention, la responsabilisation des patients (visites périodiques obligatoires avec prime aux prévento-conscients) avancée par la CNSD n’est pas encore à l’ordre du jour pour Emmanuel Macron qui veut auparavant « mettre en place les conditions d’une politique de prévention plus résolue et conforme aux données acquises de la science ». Et de citer différentes mesures envisageables comme les visites régulières, l’application topique de fluor, les dépistages pour les sujets à risque ou encore des systèmes de rémunération fondés sur le parcours des soins, ou des interventions à un stade précoce. Le candidat affirmait aussi vouloir renforcer les actions menées par la profession dans les écoles car elles « peuvent permettre de donner des bases solides d’hygiène bucco-dentaire, ainsi que permettre un dépistage précoce ». Toutes ces actions seront menées « avec les professionnels et les représentants des usagers ».
S’agissant de l’accès aux techniques modernes de conservation des dents non prises en charge, il s’en remet à l’avis de la Haute Autorité de santé et des professionnels.
À moyen et long termes, des études d’impact « sont indispensables » pour orienter la politique. Le candidat prévoyait une évaluation « précise et régulière » de l’état de santé bucco-dentaire de la population.
Évaluer…
Questionné sur divers autres sujets, le candidat avait donné quelques pistes.
Les réseaux de soins ? Il s’en remettait aux évaluations en cours. « Nous serons très attentifs aux conclusions de ces travaux, avec pour seule motivation la santé publique ».
La mise en place d’un numerus clausus européen ? « Il faut aussi considérer les potentiels effets néfastes d’une telle mesure. » Et le candidat indiquait qu’il écouterait les professionnels et prendrait en considération les travaux de l’Association pour l’éducation en chirurgie dentaire européenne (ADEE) et du Conseil européen des dentistes (CED).
Les inégalités de formation dans l’Union européenne ? Le candidat voulait s’assurer que la Commission européenne prend toutes ses responsabilités vis-à-vis de l’application de la directive 2005/36/EC sur les qualifications professionnelles au sein des États membres. S’il n’y a pas d’évolution, il faudra « réfléchir à des mesures nationales et européennes ».