Clinic n° 05 du 01/05/2017

 

SPÉCIAL IDS 2017

Marc APAP  

Exercice libéral Saint-Germain en Laye

Cette 37e édition de l’IDS ne déroge pas à la règle : toujours autant de visiteurs, venus de tous les coins du globe à cette immense foire aux matériels et produits les plus divers destinés aux chirurgiens-dentistes, assistantes, prothésistes et hygiénistes dentaires.

Cette année, l’IDS (l’Internationale Dental-Schau) a démarré aux premiers jours du printemps. Si j’ai titré mon reportage « Le printemps dentaire », ce n’est pas tant pour évoquer cette coïncidence inhabituelle que pour rendre hommage au mouvement de protestation de la profession en réponse aux décisions gouvernementales fixant unilatéralement le montant de nos honoraires et menaçant, de fait, la santé des Français. Printemps des peuples, Printemps de Prague, Printemps arabe et maintenant Printemps dentaire… Au départ, je pensais écrire « Mon dernier IDS » tant l’ambiance dans nos rangs est morose. Quel intérêt y a-t-il désormais à s’intéresser aux technologies inventives, aux procédures de soins innovantes, aux équipements inédits, aux produits révolutionnaires, dans un contexte où tout nous pousse à restreindre nos investissements ? Le salon de Cologne, vitrine de l’industrie dentaire, est une foire où échangent et se côtoient les fabricants du monde entier. Si la France s’enferre dans sa politique de repli économique concernant la filière dentaire, le reste du monde, lui, est en plein essor.

Un grand supermarché

Je n’en suis pas à mon premier IDS. Au début, j’étais surpris par l’ampleur de l’exposition. Puis, j’ai été étonné par la profusion de produits et l’activité incroyable qu’il y règne. De plus en plus de monde, de plus en plus de stands, des halls gigantesques pleins à craquer. Les années se suivent mais ne se ressemblent pas : parfois, une explosion de nouveautés qui marquent une vraie rupture, d’autres fois la multiplication des mêmes produits, avec le même packaging dans toutes les marques, à la couleur de l’étiquette près. Aujourd’hui, je commence à être un peu blasé et ne m’attends plus à découvrir la perle rare. Le marché dentaire est, pour l’essentiel, un vaste supermarché : les produits sont colorés, prometteurs et attractifs, mais ceux qui apportent une véritable valeur ajoutée restent exceptionnels. La grande percée se fait aujourd’hui dans le domaine des empreintes optiques et des prothèses par CFAO (Conception et Fabrication Assistées par Ordinateur) (fig. 1), mais ces machines coûtent encore cher et deviennent rapidement obsolètes tant leurs performances s’améliorent d’année en année.

Tour de Babel

De plus en plus de pays sont représentés à l’IDS. Des Européens d’un peu partout, y compris de Bulgarie, Tchéquie, Slovaquie et Pologne, beaucoup de Russes, des Ukrainiens et des Turcs. Pour l’Asie, des Chinois continentaux et de Taïwan, des Coréens et, naturellement, des Japonais. Des Américains du Nord et du Sud, Brésil, Argentine principalement. Je suis étonné du nombre de Pakistanais qui proposent toutes sortes d’instruments de chirurgie en inox, d’une qualité parfois irréprochable, à prix avantageux, mais également des modèles au design un peu plus baroque (fig. 2). Une chose me surprend : tout le monde fait tout ou presque. Des produits d’obturation, des contre-angles, des limes endodontiques, des fauteuils, des matériaux à empreintes et même de comblement osseux. La qualité n’est pas toujours au rendez-vous, surtout chez les Chinois qui proposent souvent des équipements d’un aspect rudimentaire à prix suspect : on peut acheter chez eux des contre-angles bague bleue à bouton-poussoir pour 30 € ! Une autre chose me frappe : l’Europe invente, innove, découvre. Les autres ne font que copier, très vite, y compris les erreurs ou les imperfections initiales, le plus souvent sans la moindre créativité ni amélioration de ce que les premiers ont réalisé. On a l’impression de se retrouver dans un souk, où chacun vante sa marchandise. Si les grandes enseignes sont prises d’assaut, les stands des petits fabricants, en particulier asiatiques, restent déserts. Clairement, la plupart de ces productions exotiques sont bien en dessous de nos standards et n’offrent, dans 90 % des cas, pas le moindre intérêt.

Équipements grands et petits

Difficile de faire un tri ou un choix parmi tous les fauteuils proposés. On trouve tous les niveaux de qualité, depuis le bas de gamme chinois jusqu’aux Morita ou Planmeca super-luxueux. J’ai eu l’agréable surprise de voir qu’A-dec proposait une pédale classique à curseur latéral, que je trouve largement plus intéressante que celle à pression. Les équipementiers italiens offrent, sur leurs fauteuils Castellini ou Anthos, des têtières à commande pneumatique capables de s’orienter dans tous les sens, ce qui est un progrès considérable pour le confort du patient et l’ergonomie du praticien (fig. 3). Même proposition chez Planmeca, avec une exécution plus soignée puisqu’on ne voit aucun tuyau, mais avec une latitude de mouvements plus restreinte. Toujours chez ce fabricant, un nouvel éclairage opératoire à LED permet de faire varier l’intensité de la lumière et sa tonalité. Pour le travail des composites, la lumière blanche fait place à un éclairage orange, unique sur ce genre d’équipement. A-dec, lui, propose une version plus simple de son modèle 500 LED : le 300 LED, un peu meilleur marché. Le Français Elker a encore amélioré son scialytique couplé à une caméra, avec un look plus consensuel que celui du modèle précédent. Le Danois Heka propose un affichage par projection lumineuse des paramètres de l’unit (vitesse de rotation du moteur par exemple) directement sur la serviette du patient lorsque la tablette porte-instruments est en position transthoracique. Galit, un assembleur tchèque qui utilise des composants d’Europe occidentale pour construire ses propres équipements, propose un fauteuil avec un long meuble latéral contenant un compresseur et une centrale d’aspiration pour un fonctionnement totalement autonome, sans branchements extérieurs.

Côté petits périphériques, les contre-angles évoluent peu. La plus grosse innovation est le système Primea Advanced Air de chez W&H qui propose, à condition d’acquérir à la fois la turbine dédiée et la platine électronique correspondante, un contrôle de vitesse et de couple permettant d’atteindre des performances proches de celles d’un contre-angle multiplicateur électrique. J’ai pu tester le système sur un bloc de céramique. L’effet est stupéfiant car la fraise conserve toute sa puissance de coupe, même lorsque l’on appuie très fort dessus. Si le fabricant autrichien fait, avec un tel système, du neuf avec du vieux, c’est un peu l’inverse chez le suisse EMS. En tout cas pour ce qui concerne le look de son Air Flow Prophylaxis Master. Cette station d’hygiène, qui peut éventuellement s’installer sur un chariot mobile équipé d’une pédale à pression, est constituée d’un détartreur et d’un aéropolisseur, avec des réservoirs en verre évoquant les laboratoires scientifiques du XIXe siècle (fig. 4). Selon le représentant, cet équipement est 30 % plus efficace qu’un aéropolisseur classique grâce à une meilleure distribution de l’air et de l’eau.

Brossage assisté

Les produits d’hygiène dentaire sont nombreux. Ayant été visité par un représentant de la société suisse Curaden il y a quelques mois, j’ai voulu voir à quoi ressemblait leur brosse à dents ultrasonique qui présente une toute petite tête, en même temps que des brins ultrafins. J’ai eu pendant quelques temps la Sonicare de chez Philips, conçue selon le même principe de vibrations de haute fréquence. Sa tête, certes étroite et ovale, est assez longue et donc moins maniable que les celles des brosses rondes oscillo-rotatives. Sur la Curaprox Microsonic, le mouvement est à peu près le même, mais la tête en forme de goutte est nettement plus petite. On peut, en appuyant un peu plus longtemps sur un bouton sur le manche, sélectionner un des trois programmes : normal, doux ou avec des oscillations plus amples mais moins rapides. Une brosse à essayer donc, malgré ses couleurs inattendues, noire à brins rouges, dignes d’un cabaret (fig. 5). Chez plusieurs fabricants, une brosse pas différente du modèle habituel mais connectée, pour rendre plus ludique la corvée du matin. Dommage que la recherche ne s’oriente pas vers la mise au point de dispositifs d’une forme mieux adaptée à la complexité de la bouche, plutôt que de modifications tape-à-l’œil qui n’améliorent en rien les performances intrinsèques de l’objet. Celui-ci n’est plus chez certains, cet outil médical blanc et froid : la Sonicare se décline désormais en plusieurs couleurs très chics, comme un accessoire de luxe, mais avec toujours, hélas, la même forme (fig. 6). Le Suédois Foreo, qui a fait l’année dernière une apparition à l’ADF, expose un bel éventail coloré de brosses tout en silicone. Il propose trois modèles, au manche galbé (fig. 7). Celui-ci abrite une batterie rechargeable en 1 heure, mais consommant si peu qu’elle durerait, selon la représentante, jusqu’à 6 mois. La tête est large et allongée pour le modèle adulte, plus petite sur le modèle enfant et toute ronde pour les bébés. Les « brins » sont moulés dans la masse et, donc, assez larges quoique très souples. Lorsqu’on appuie sur le petit interrupteur invisible logé dans le manche, ils vibrent, mais d’une manière pas bien violente. Le silicone se nettoie facilement, n’est guère agressif et ne se déformerait pas aussi vite que les brins de Nylon d’une brosse classique. Pour l’instant, les brosses Foreo peuvent être achetées en ligne ou, pour les Parisiens, au Bon Marché. La compagnie serait en pourparlers pour une distribution prochaine dans les magasins Darty. La société américaine DenMat expose un modèle qui n’est pas encore vendu en Europe faute de marquage CE, mais que j’ai trouvé assez intéressant : une brosse entièrement rotative, avec deux embouts étroits dont l’un est un peu plus effilé que l’autre pour accéder aux zones interdentaires. Deux vitesses de rotation sont possibles, assez faibles cependant, ce que l’on peut comprendre, pour éviter les projections de dentifrice. Les brins sont fins mais assez denses pour une efficacité très prometteuse.

Pour finir ce petit tour des articles d’hygiène, mon attention a été attirée par de jolis emballages de dentifrices de tous parfums et une publicité pour le R.O.C.S. Active Calcium au pouvoir reminéralisant. Après quelques mots échangés avec le représentant, j’ai appris qu’il s’agissait d’une société russe et suis reparti avec un tas d’échantillons.

Composites et adhésifs

Deux nouveautés intéressantes, parmi les composites, sont présentées à ce salon. L’Américain Ultradent expose son nouveau Mosaic, un nano-hybride à vocation esthétique qui remplace l’ancien Amelogen Plus. L’éventail de teintes - 20 au total - est semblable mais le produit, plus élaboré, est plus lumineux et plus brillant pour un rendu encore plus naturel (fig. 8). Chez Kerr, je découvre l’Harmonize, un composite nano-hybride lui aussi, dont les propriétés de manipulation sont calquées sur celles du SonicFill. Comme lui, il s’assouplit lors de la manipulation pour faciliter le modelage et se raffermit une fois en place. Reprenant les termes utilisés pour ses instruments d’endodontie, Kerr évoque le concept d’adaptive response technology pour désigner cette thixotropie. J’ai fait un essai du produit sur une dent en plastique : il m’a semblé très agréable, ne collant pas du tout aux instruments avec un aspect lisse après la mise en forme. 3M ESPE dévoile son Filtek One, un nouveau composite bulk fill de haute viscosité, capable de durcir sous forte épaisseur. Il s’agit d’une évolution de la version initiale un peu trop translucide. Celui-ci est légèrement plus opaque et disponible en 5 teintes. J’ai pu tester en avant-première ce matériau en bouche : sa manipulation, extrêmement agréable, est identique à celle du Supreme XTE. La teinte A2 est très satisfaisante. Toujours dans les bulk fill, DMG propose l’Ecosite en seringue, disponible en deux teintes. La version bleutée que j’ai vue sur le stand, d’un aspect plutôt éloigné de celui des dents naturelles, m’a paru discutable. Je n’ai pas vu de grande nouveauté chez les autres fabricants importants, si ce n’est la sortie d’un nouveau bulk fill fluide chez Voco, l’Admira Fusion X-base qui remplace X-Tra base. Ce matériau a été mis au point à partir de la molécule d’Ormocer(r) proposée il y a 2 ans pour la gamme Admira Fusion. Dentsply propose désormais son composite bulk fluide SDR dans une gamme élargie de teintes. Chez Coltène, nous découvrons des flows qui complètent la gamme du Brillant Everglow et, chez GC, deux flows de moyenne et basse viscosités en grosse seringue comme le G-ænial Flow de teinte universelle et sur la même base que son composite esthétique, Esssentia, lancé il y a 2 ans (fig. 9).

Enfin, l’Australien SDI propose un petit coffret, aura eASY, pour des résultats esthétiques simplifiés par rapport à l’ensemble plus complet que constitue l’aura.

En termes d’adhésifs, je n’ai remarqué comme nouveauté que l’Universal Bond chez Tokuyama, un produit à deux composants qui permet le collage sur n’importe quel substrat, naturel ou prothétique, d’une manière efficace en quelques secondes.

Du côté des accessoires, on observe un nombre croissant d’anneaux écarteurs pour maintenir les matrices sectorielles : Garrison propose un nouvel anneau aux embouts verts pour les cavités larges, Polydentia expose des systèmes variés, y compris le Quickmat Deluxe que l’on installe à la main plutôt qu’avec des pinces pour maintenir la matrice en place (fig. 10), et le système Contact Pro de chez Young, une filiale du groupe Microbrush que je n’avais jamais vue auparavant. Ivoclar Vivadent complète sa proposition d’accessoires de modelage des obturations en méthode directe par un nouvel instrument composé d’un manche métallique sur lequel on adapte, au choix, l’un des trois petits embouts à usage unique en silicone semi-rigide. En ce qui concerne les lampes à polymériser, le seul modèle qui m’ait attiré est une nouvelle version de la Bluephase chez Ivoclar Vivadent, autorisant une exposition de seulement 5 secondes. Une proposition tout de même discutable.

Instruments endodontiques

Difficile de passer à côté des maîtres du genre, Dentsply Maillefer et VDW, les frères ennemis du tout nouveau groupe Dentsply Sirona qui nous offre un stand toujours aussi chic mais sans ostentation, lumineux et illustré de posters très pédagogiques. Le premier met l’accent sur deux gammes : le ProTaper Next pour la rotation continue et le WaveOne Gold en réciprocité. J’ai été étonné de ne pas voir le ProTaper Gold, qui a succédé à l’Universal dont les praticiens français semblent de gros consommateurs. Ici, l’accent est vraiment mis sur le Next, qui diffère par une section en parallélogramme et une exécution en M-Wire(r), un alliage plus résistant à la fatigue que le nickel-titane classique, obtenu par traitement avant usinage. Le WaveOne Gold n’a pas changé depuis 2 ans mais s’est vu adjoindre un petit frère, le ProGlider Gold, une lime de cathétérisme en réciprocité pour l’exploration initiale du canal (fig. 11). Comme pour les autres instruments de la gamme Gold, le nickel-titane de base a subi un traitement thermique après usinage de la lime qui le rend un peu plus ductile, déformable avec une moindre élasticité et nettement plus résistant à la rupture que l’alliage conventionnel.

Chez VDW qui présente le Reciproc Blue en métal « mou » que nous connaissons en France depuis quelques mois, on retrouve le pendant du ProGlider, qui s’appelle R-Pilot. Son profil rappelle celui des Reciproc et MTwo, sortes de limes H à section en S, d’une grande agressivité. Très résistant lui aussi, le R-Pilot est fabriqué en M-Wire(r), ce qui est une bonne idée car l’exploration du canal est plus facile avec un métal un peu rigide. Il accroche beaucoup dans celui en plastique que le représentant m’a fourni pour le tester. Sur des dents naturelles, je suis sûr qu’il sera parfait car la dentine est beaucoup plus dure que le plexiglas. Pour ceux qui pratiquent la réciprocité pure et dure version Dentsply, la firme allemande propose désormais le Reciproc(r) Direct qui me semble être l’un des dispositifs les plus intéressants de tout le salon : branché directement sur un moteur électrique ou à air, ce contre-angle entièrement mécanique à petite tête produit le mouvement de réciprocité sans aucun équipement électronique (fig. 12). Même s’il n’est pas couplé à un localisateur d’apex comme le moteur électrique Gold – une option d’un intérêt discutable à mes yeux –, pouvoir brancher ce contre-angle directement sur l’unit est l’assurance d’une liberté insurpassable. En matière de réciprocité, mais d’un genre un peu différent, j’ai pu voir, sur le stand du Suédois Sendoline, un contre-angle à peu près similaire qui reçoit, lui, les limes S1 présentées dans ces colonnes il y a quelques mois. Sur les photos officielles, il est toujours vu de dessus, ce qui ne permet pas d’appréhender sa forme particulière : le manche ne présente pas les angles habituels de tous les contre-angles, il est entièrement rectiligne, avec la tête exactement à angle droit. Je reste sceptique sur les avantages ergonomiques d’une telle conception. Cet appareil produit lui aussi un mouvement de réciprocité, mais de 180° dans le sens horaire et de 30° en sens inverse sans la moindre commande électronique. Pour ceux qui n’auraient pas encore fait de choix définitif et même si les choses continuent d’évoluer, la société américaine Ultradent commercialise depuis quelques mois en France son moteur Genius que l’on peut utiliser avec les limes de la marque, au profil très semblable à celui des Sendoline, mais pas seulement. L’avantage de ce moteur, par rapport à tous les autres, c’est qu’il peut être programmé pour la réciprocité selon n’importe quel angle horaire et antihoraire (fig. 13).

D’après plusieurs études, la réciprocité asymétrique réduit significativement les contraintes instrumentales en diminuant les risques de fracture. Elle évite l’effet d’aspiration des limes dans le canal, rendant leur progression plus agréable et facile à contrôler. Elle autorise également des préparations canalaires avec un nombre réduit d’instruments comme l’a montré initialement Ghassan Yared, l’un des premiers à prouver cliniquement l’intérêt de ce mouvement. Avec le moteur Genius, on peut employer n’importe quelle série de limes classiques en réciprocité horaire de manière à bénéficier des mêmes avantages que la réciprocité Dentsply, mais avec des instruments moins coûteux.

La réciprocité « classique » étant de plus en plus implantée dans le monde, elle est désormais programmable sur certains units dentaires, comme ceux de la gamme Castellini ou Anthos. Cette option permet d’éviter d’acquérir un moteur de table à commande séparée, toujours encombrant et peu pratique. Pour les adeptes du tout intégré, le japonais Morita sort le TriAuto ZX2, un moteur qui va sans doute en intéresser plus d’un. Il était temps que le premier modèle, à bout de souffle et bien trop volumineux, cède la place à un combiné plus compact. Celui-ci reprend les mêmes spécificités que son prédécesseur et constitue le seul contre-angle d’endodontie sans fil associé à un localisateur d’apex logé dans le manche. Pour ceux déjà équipés du moteur Dentsply à mouvement réciproque, Komet présente les R6 Resiflow, répliques exactes, mais en miroir, des SkyTaper : ces limes à section en S et conicité 6 % sont disponibles en 25, 30, 35, 40, 45 et 50, avec un pas de spire inversé. Même s’il ne s’agit pas d’instruments endodontiques à proprement parler, signalons également la sortie, chez le grand fabricant allemand, des Endo Explorer, des fraises à long col et partie travaillante très fine pour élargir l’entrée des canaux, idéales pour le travail sous microscope. Chez Micro-Mega, j’ai eu l’agréable surprise de découvrir deux nouveaux instruments de préparation, le système 2Shape (fig. 14). Ces deux limes sont fabriquées en nickel-titane ayant subi également un traitement thermique en usine, ce qui leur donne une meilleure résistance à la fracture et une souplesse améliorée, comme celle du One Flare présenté récemment. Toutes deux ont une section en triangle excentré, avec deux lames de coupe actives et une autre moins profonde qui facilite l’élimination des débris. Ce genre de configuration s’est révélé tout à fait efficace : c’est à peu près celle du OneG, lime de cathétérisme en rotation continue que je considère la meilleure du marché. Les deux 2Shape, TS1 et TS2, mesurent 25/100 mm à la pointe. La première a une conicité de 4 %, la seconde de 6 %. Des instruments complémentaires, F35 de conicité 0.6 et F40 de conicité 0.4, sont également disponibles, ainsi que des pointes de papier sous blister stérile et des cônes de gutta adaptés à cette nouvelle gamme que j’ai hâte d’essayer. Coltène, qui a proposé le premier ses limes Hyflex à mémoire de forme en 2011, consolide sa position avec les EDM usinées par électro-érosion qui leur confèrent une dureté de surface plus élevée, assurant à la fois souplesse et efficacité de coupe. Je vous ai déjà parlé des XP-endo Shaper en forme de tire-bouchon, de la société suisse FKG, commercialisées en France par Acteon. Rien de neuf sous le soleil concernant cet instrument étonnant, mais une présentation par séquence sous blister stérile contenant deux limes manuelles pour le cathétérisme, la fameuse lime unique de préparation en rotation continue, et le XP-endo Finisher très fin, pour agiter et répartir la solution d’irrigation dans le canal. Voilà pour les nouveautés « classiques » et fiables.

Les Asiatiques, toujours à l’affût de ce qui se vend chez nous, envahissent désormais les allées de leurs ersatz de ProTaper ou de Reciproc et n’ont pas attendu longtemps pour proposer ce fameux alliage mou qui conserve sa forme quand on le plie ou le tord (fig. 15). Pour les avoir vus de près ou tenus en main, je n’ai pas l’impression que leur capacité de coupe soit vraiment au rendez-vous. Et je ne me risquerai pas à les tester en bouche pour vérifier leur résistance à la fracture.

Concernant l’obturation canalaire, aucune révolution spectaculaire. Comme il y a 2 ans, je constate que les Coréens font des efforts pour proposer des ciments minéraux en seringue prêts à l’emploi. En France, nous avons déjà le Well-Root de la compagnie Verycom, qui est le pendant du TotalFill de FKG. La compagnie Sure Endo présente le Sure Seal Root, un produit similaire conditionné en seringue mais également des cônes de gutta calibrés imprégnés de biocéramique. Enfin, le Coréen Maruchi propose une pâte à base de MTA gris en seringue, très facile à introduire dans le canal et, semble-t-il, beaucoup plus radio-opaque que les biocéramiques dont nous disposons pour ce genre d’usage.

Irrigation canalaire

L’un des défis actuels de l’endodontie ne concerne plus tant la préparation que l’irrigation et le nettoyage canalaires. Cette année, mon attention a été attirée par quelques dispositifs plus ou moins nouveaux, plus ou moins intéressants, mais dont aucun ne rassemble, à mes yeux, toutes les qualités nécessaires pour allier efficacité et ergonomie.

Chez l’Américain Vista, l’EndoSafe Plus est un dispositif autonome servant à délivrer une solution d’irrigation dans le canal en pressant du doigt un petit bouton sur le manche (fig. 16). Le réservoir se trouve à l’arrière de la pièce à main, tandis que la partie qui s’insère dans le canal, à usage unique, contient une fine canule plus ou moins rétractable. On peut brancher le système, via un petit tuyau de plastique souple, sur celui de l’aspiration pour évacuer le liquide de la dent, selon le principe de la pression négative. Le dispositif coûte environ 500 €. Je n’ai jamais évalué cliniquement ce principe, qui me paraît discutable en comparaison de l’irrigation vibratoire que j’ai bien étudiée et dont j’ai pu constater les effets excellents. Chez KaVo-Kerr, nouvelle entité commerciale, on propose un dispositif similaire mais bien plus élaboré, l’Endovac Pure. Il s’agit d’un périphérique sur un socle relativement volumineux, branché à une prise de courant et à l’aspiration chirurgicale. L’ensemble fonctionne selon le même principe de pression négative, avec un même embout à usage unique pour toute la procédure. Ce dernier coûte un peu moins de 20 €, le prix de lancement de l’appareil étant de 990 €.

Prise d’empreintes

Je me souviens de mon premier IDS et de tous les silicones présentés, dans une multitude de couleurs. Aujourd’hui, on n’y fait plus attention. Les nouveautés ne sont pas de ce côté même si, de temps en temps, on arrive à en dénicher quelques-unes. L’italien Zhermack propose un nouveau silicone putty ou heavy pour malaxeur automatique et fluide en cartouches pour pistolet : le Colorise Implant, pour les empreintes implantaires, est à la fois plus souple avant la prise, radio-opaque pour contrôler les résidus pouvant demeurer sur les sites implantaires juste après la chirurgie, et mat pour être numérisé sans difficulté avec un scanner de laboratoire (fig. 17). De la même façon, Coltène présente son nouvel Affinis DC mat pour la numérisation des empreintes. Un fabricant coréen est fier de me présenter son bébé : un gros cylindre métallique qui se branche sur le raccord air-eau de l’unit et dans lequel on place une cartouche de 50 cm3 de silicone de haute viscosité. Le mélange s’effectue sans effort en actionnant la pédale de l’unit grâce à l’air comprimé qui pousse le piston. Son concepteur croit beaucoup en cet équipement d’un coût modique - 250 € - et disponible en plusieurs versions compatibles avec le raccord propriétaire de son choix (KaVo, W&H et NSK).

Plus que jamais, ce sont les empreintes optiques qui dominent de leur présence cette 37e édition du salon. Impossible de vous détailler tous les systèmes, il y en a trop et ils sont tous en constante évolution. Notons la présence de la Condor de Biotech mise au point par François Duret, qui se distingue par la taille très réduite de la pièce à main (fig. 18). Ses images, très prometteuses, peuvent être consultées en ligne sur le site de la société. L’engin est léger et maniable, mais d’un aspect moins cossu que les caméras des marques européennes ou américaines plus anciennes sur le marché. Les principaux acteurs mondiaux sont là avec, bien évidemment, le Cerec chez Dentsply Sirona, la caméra Carestream que je vous avais présentée il y a deux ans, le système américain iTero, la solution proposée par 3M ESPE, celle de l’autre grand groupe KaVo-Kerr, Planmeca avec une nouvelle caméra plus compacte, plus légère et plus rapide (Planmeca Emerald), etc. La plus spectaculaire et sans doute l’une des plus abouties est la 3Shape. Elle est désormais disponible en version sans fil, pesant pratiquement le même poids que la version filaire (fig. 19). C’est un scanner intra-oral qui enregistre les images en couleur, peut même prendre les teintes et paraît plutôt facile à utiliser quand on l’essaye sur un modèle tenu à la main. Un magnifique joujou au prix de 33 000 € auquel il faut ajouter celui d’un ordinateur puissant agréé par le fabricant et un supplément de 1 600 € annuels pour la licence et les mises à jour. Sympathique, mais pas forcément facile à amortir vu le prix de nos couronnes plafonnées.

Prothèse par CFAO

Là encore, l’offre est pléthorique. Les prothèses sont usinées dans des disques de céramique, de zircone ou de métal par des machines de laboratoire qui découpent de 20 à 30 éléments par bloc. J’ai pu voir de près, sur le stand Kuraray Noritake, des prothèses en full zircone confectionnées avec leur Katana Zirconia, disponible en trois degrés de translucidité. Même sans maquillage, celle de densité intermédiaire est extrêmement convenable pour les molaires et prémolaires (fig. 20). Il existe également un procédé par sintérisation laser pour confectionner des éléments métalliques, des chapes et des armatures de couronnes céramo-métalliques ou encore des châssis d’appareils amovibles. J’ai vu une énorme imprimante à jet de résine, fonctionnant sur le même principe que celles à jet d’encre, qui élabore, passage après passage de son chariot, des dizaines de modèles en résine à la fois. La précision du système est bluffante lorsque l’on regarde de près les échantillons finis. Certains fabricants allemands, qui jusqu’ici ne proposaient que des produits de restauration directe, se lancent dans la vente de scanner ou imprimantes 3D pour le cabinet dentaire. C’est le cas de Voco et de DMG.

Ces machines peuvent confectionner des gouttières de désocclusion ou de protection notamment.

Tous les grands groupes ont leur propre usineuse pour la confection au cabinet de prothèses unitaires ou de petits bridges dans des blocs de céramique, de résine composite, de zircone ou bien encore, chez Ivoclar Vivadent, d’e.max CAD/CAM, ce matériau mauve qui doit passer au four une fois l’usinage terminé. La société du Liechtenstein présente le PrograMill One, une magnifique machine, très compacte, dans laquelle est réalisée automatiquement la prothèse (fig. 21). L’appareil contient déjà les blocs à fraiser, les opérations sont pilotées via une application informatique, sur tablette ou smartphone. Contrairement à d’autres systèmes, la fraise ne bouge pas. Elle est fixée verticalement, sur un support qui ressemble à l’extrémité de la tête d’un très gros contre-angle, la partie travaillante vers le haut. Le bloc est monté sur un chariot capable de se déplacer très rapidement dans plusieurs directions de l’espace (fig. 22). J’ai suivi, à travers la vitre fumée de l’appareil, la confection d’une couronne sur molaire. Le résultat est stupéfiant quand on voit la vitesse et la précision de la machine. Pour un niveau de précision maximal (il existe des programmes plus rapides qui ne donnent pas une morphologie aussi parfaite), le temps d’exécution est de 15 à 20 minutes pour un élément unitaire. Ivoclar Vivadent a instauré un partenariat avec 3Shape pour la mise en commun de leurs ressources : ce dernier propose la caméra de prise d’empreinte, accompagnée des logiciels d’acquisition d’images et de conception des prothèses par ordinateur, Ivoclar Vivadent exploite ces données pour envoyer les instructions à la machine de meulage à commande numérique entièrement automatisée. Le PrograMill One coûte 35 000 € HT, auquel il faudra ajouter le prix du four à céramique en cas d’utilisation de l’e.max ou du maquillage des céramiques conventionnelles.

Un avenir radieux

Ce dernier IDS aura prouvé, une fois de plus, que les problèmes dentaires de la population génèrent un business intéressant des centaines de milliers d’individus dans le monde (fig. 23). Et il y a fort à parier qu’aucun d’entre eux ne souhaite que cela change. Ne nous voilons pas la face : nous gagnons notre vie parce que les gens qui viennent nous voir ont une mauvaise santé bucco-dentaire et que bien peu de chose sont faites pour l’améliorer.

Pourtant, la demande de traitements complexes s’amenuise dans les grands pays occidentaux. Des amis allemands retrouvés à Cologne m’ont expliqué que, grâce aux traitements prophylactiques réalisés par les hygiénistes, le nombre de patients nécessitant des soins coûteux était de plus en plus faible en Allemagne. En France nous sommes tranquilles : en l’absence de mesures incitatives au maintien d’un bon état buccal et d’une revalorisation sérieuse des soins conservateurs ou préventifs, les besoins en couronnes, bridges et appareils amovibles ne sont pas près de diminuer !